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Mon discours au Sénat : « En Afrique, la France doit changer de logiciel ! »

Il y a 2 jours, le 7 juin 2023

Par Pierre Laurent

Mercredi 6 juin, le Gouvernement organisait un débat au Sénat sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, concernant la politique de la France en Afrique. Je suis intervenu au nom du groupe CRCE, pour appeler à un changement complet de logiciel concernant nos relations avec le continent africain !

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Monsieur le Président,

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

 

La déclaration du Gouvernement sur la politique de la France en Afrique dont nous débattons ce soir s’inscrit dans la droite ligne du discours du chef de l’État du 27 février dernier. Dans ce discours, le chef de l’État a proclamé que la France doit refuser d’entrer dans une logique de compétition, qu’il faut tourner la page de l’économie de rente, qu’il convient d’entrer dans une logique partenariale d’investissement solidaire.

Mais le problème, c’est que tous les fondamentaux dépassés de nos rapports économiques, qui sapent depuis tant d’années le développement des pays africains, et qui sapent aujourd’hui la confiance dans notre relation à l’Afrique, sont aujourd’hui maintenus au mépris de tous les nouveaux enjeux du XXIᵉ siècle.

Alors que les pays africains cherchent par exemple, le financement de leur développement, nous continuons de faire l’éloge de la pseudo-réforme unilatérale du franc CFA, qui laisse en l’état les instruments de la domination monétaire en vigueur, et n’a constitué en vérité qu’une OPA hostile, visant à tuer dans l’œuf le projet de monnaie ouest-africaine de la CEDEAO. L’Afrique, elle pourtant, continue de parler de retrouver de la souveraineté monétaire. Mais quand j’ai interrogé, dans la foulée de ce débat, le gouvernement sur le stock d’or de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, qui est toujours détenu à 81 % à la Banque de France, ou sur la publication d’une annexe mentionnée à la convention de garantie entre la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest et la République française, on m’a répondu « circulez, il n’y a rien à voir ».

Nous parlons d’être un partenaire d’avenir du développement de l’Afrique, mais nous ne portons pas le fer contre l’organisation du commerce international, la nature des échanges franco-africains qui l’entrave, les traités de libre échange foncièrement inégaux, le démantèlement des services publics et des embryons d’État social dans ces pays, la course au moins-disant fiscal, le nivellement par le bas de la protection des travailleurs, les politiques de prédation et de maxi-bénéfices des multinationales qui agissent sur place en toute impunité.

Dans le cas de la France, par exemple, si le commerce extérieur en Afrique subsaharienne ne représente qu’environ 2% de notre commerce extérieur, les parts de marché, nous le savons tous, sont concentrées dans les mains de quelques grands groupes qui font des affaires avec un taux de profit indécent, en complicité avec des élites extraverties et corrompues, au détriment de la très grande majorité des Africains. J’ai souvent dénoncé des exemples caricaturaux, comme la surfacturation par des groupes français du train urbain d’Abidjan, ou les profits accumulés par le groupe Bolloré dans les ports ouest-africains, dont il est parti sans égard pour les pays concernés.

Le coût pour les peuples africains du maintien de ces rapports économiques est exorbitant. Il se nomme grande pauvreté, sous-alimentation, maladies endémiques, insécurité, corruption des élites, migrations forcées. Et c’est tout cela dont les jeunesses africaines ne veulent plus ! Quand allons-nous comprendre que le rejet de la politique française trouve ici ses racines profondes, et ne peut être réduit au succès d’influences russes, turques, chinois ou d’autres encore ?

Quand tirerons-nous vraiment les leçons des dizaines d’interventions militaires françaises en Afrique, dont la dernière, Barkhane, est en vérité un échec politique lourd de conséquences ? Notre politique reste à mille lieues des exigences populaires dans les pays africains en faveur d’une vraie souveraineté, d’une deuxième indépendance comme ils disent, exigence qu’ils expriment concrètement de plus en plus souvent. Vous ne comblerez pas ce fossé en lançant un média de propagande pour vanter les mérites de la politique française, n’en déplaise à ceux qui, au gouvernement et parmi nos collègues, évoquent abondamment la lutte d’influence pour tout expliquer.

La seule manière de combattre efficacement les fake news et les propagandes hostiles, est la mise en cohérence entre les paroles et les actes de la politique française en Afrique.

Si nous écoutions vraiment les jeunesses africaines si la France changeait réellement de politique pour respecter la soif de liberté et de souveraineté, de développement choisi, alors nous aurions tous à y gagner, ici et là-bas. Car l’agenda des objectifs d’un développement durable, maîtrisé par les Africains eux-mêmes, est la clé d’un véritable avenir de paix et de justice sur lequel refonder nos relations.

D’abord, l’Afrique a besoin de financements massifs et de création monétaire. La France doit cesser sa mise sous dépendance de la zone du français CFA, mais plus, elle doit agir au plan international pour changer radicalement les règles d’attribution des DTS du FMI. Au-delà d’une nouvelle distribution des DTS non utilisés par les pays riches, qui se fait actuellement au compte-gouttes, et c’est nouveau, une réforme des conditions d’émission des DTS devrait favoriser les critères de lutte contre la pauvreté et le financement à grande échelle de la transition économique et écologique du continent africain. Nous pourrions ainsi aider ces pays réellement, comme nous l’avons à plusieurs reprises, proposé. Soyons attentifs, je constate que les BRICS ne restent pas inertes pour répondre à ce besoin. Et si nous continuons comme nous le faisons, nous passerons une fois de plus à côté des besoins d’aujourd’hui dans le domaine fiscal.

Nous constatons que si les recettes fiscales représentent en moyenne 34% du PIB dans les pays de l’OCDE, elles sont deux fois moins importantes dans les pays en développement, notamment en Afrique. Ce n’est pas dû au hasard. Les pays africains ont besoin de nouvelles recettes fiscales, et nous devrions y consacrer des efforts, en cohérence avec la réalisation des objectifs contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que nous avons ratifié. Et c’est au nom des propositions de ce pacte que nous renouvelons notre proposition de flécher au moins 10% de l’APD vers le soutien au renforcement des systèmes fiscaux de ces pays, pour leur donner des moyens budgétaires de développement et de financement endogènes.

J’entends souvent dire ici « l’Afrique est notre avenir », mais elle est d’abord l’avenir des Africains. Et c’est par là que tout doit commencer, et qu’avec eux, partenaires enfin respectés, nous devrons surmonter les défis communs en matière sociale, climatique et environnementale. La France pourrait ainsi passer d’une politique de conquête abrupte inopérante de parts de marché à trop court terme, une politique de VRP, de ventes d’armes et de systèmes de sécurité, une politique de stigmatisation hypocrite des migrations, alors que ce sont les politiques que nous développons qui les provoquent à une autre logique de rapports mutuellement avantageux, de coopérations repensées en appui des choix endogènes de développement de ces pays.

Nous devrions encourager une industrialisation indispensable pour ces pays. Nous devrions ré-encourager une agroécologie vivrière qui a largement fait ses preuves, y compris au Sahel, plutôt que de soumettre les pays africains à des accords commerciaux qui déstructurent leurs filières agricoles et de pêche.

Enfin, si nous comprenons l’impasse de nos aventures militaires à répétition, nous devrions prendre un tournant concernant les bases militaires permanentes, en allant le plus rapidement possible vers leur suppression. Soyons lucides et honnêtes. L’exercice par la France de ce pan important de la souveraineté des pays africains a produit globalement des résultats très médiocres. Dire cela n’est pas renoncer à toute coopération militaire avec les pays précités, mais c’est accepter le refus des pays africains d’être dans une relation exclusive et dépendante en matière militaire comme dans tous les autres domaines. Il faut accepter qu’il y ait une pluralité de partenaires stratégiques. A défaut, nous précipiterons une évolution que nous dénoncerons peut-être avec véhémence.

Oui, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, c’est dans tous les domaines qu’il faut changer de logiciel en Afrique. J’y suis allé un peu à la serpe, je le reconnais. Mais je conclus pour dire qu’il faudra résolument aller vers ce changement de logiciel. C’est ce que nous ne cessons de proposer et c’est ce que ne cesseront désormais de nous rappeler les peuples africains. Merci.

 

Seul le prononcé fait foi

Mon intervention au Sénat sur la proposition de résolution reconnaissant le génocide ukrainien de 1932-1933

Il y a 3 semaines, le 17 mai 2023

Par Pierre Laurent

Ce 17 mai au Sénat, nous débattions d’une proposition de résolution présentée par Mme Joëlle Garriaud-Maylam (LR), visant à appliquer le qualificatif de génocide aux famines meurtrières de 1932-1933 en Ukraine. À travers l’intervention ci-dessous, j’ai pu porter la position des sénatrices et sénateurs CRCE sur cette question.

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Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

A la fin des années 20, Staline rompt avec la nouvelle politique économique établie en 1921 dans la nouvelle Union soviétique. Il décide alors d’engager une collectivisation forcée des terres agricoles à un rythme effréné et avec une brutalité inouïe.

Cette décision va désorganiser durablement et en profondeur les récoltes et la paysannerie au seul profit de la constitution d’une industrie lourde.

Le coût humain en fut terrible dans toute l’Union soviétique, en particulier dans les années 1932-1933 où, après deux terribles récoltes en 31 et 32, les quotas imposés et prélevés par l’État ne furent corrigés qu’à la marge, engendrant des famines historiques.

Dans sa quête fanatique de ses objectifs économiques, le pouvoir stalinien et ses relais locaux iront jusqu’à établir des blocus afin que les agriculteurs ne désertent pas les terres, tout particulièrement en Ukraine. Ce sont des millions de citoyens soviétiques, ukrainiens, mais aussi kazakhs et russes qui en furent victimes. L’Ukraine fut particulièrement frappée.

Selon l’historien ukrainien de référence Stanislas Kulchitskii, ce sont 3 à 3 millions et demi de personnes en Ukraine qui décèdent suite à cette famille. Dans une étude de démographes ukrainiens de 2008, le nombre de morts excédentaires en Ukraine pour la période de 1926 à 1939 était de 3 millions et demi, dont la plupart durant les famines du début des années 30.

Ces famines de l’ère soviétique produisirent davantage de victimes que la grande famine russe de 1891 1892. Les famines résultant de la guerre mondiale et de la guerre civile avaient fait des millions de morts. C’est d’ailleurs notamment pour conjurer ces famines que la NEP avait été établie en 1921.

Avant l’ouverture des archives de l’URSS. la théorie intentionnaliste selon laquelle Staline avait consciemment tué par la faim les paysans ukrainiens parce qu’ukrainiens, était répandue. Depuis le début des années 2000, le travail des chercheurs a rouvert le débat. Roland Davies, Stephen Wheatcroft, Mark Tauger et Hiroaki Kuromiya, qui ont travaillé sur les archives, et les correspondants des dirigeants de l’époque, mettent en cause cette thèse de qualification de génocide. En 2022, lors de l’examen du débat sur une résolution traitant elle aussi de l’Holodomor le Parlement belge a sollicité l’avis d’historiens qui ont considéré ce terme inapproprié pour désigner ces famines.

L’historien français Nicolas Werth, qui lui admet le terme de génocide, expose dans une tribune récente au Monde l’objet et l’existence de ces débats d’historiens. La qualification de génocide continue donc de faire débat. Ce débat n’atténue pour nous en rien ni l’ampleur des crimes commis contre la paysannerie de l’époque, ni la terrible responsabilité du pouvoir stalinien dans ce drame abominable d’autant que s’y ajoutait une cruelle répression envers ceux qui étaient considérés comme des opposants, qui décima également massivement les rangs des communistes. La dénonciation de ces crimes staliniens est pour nous irrémédiable. d’autant que, face à l’ampleur de la famine, effrayée de montrer la réalité, Staline mit sous scellés les informations la révélant, empêchant toute solidarité nationale ou internationale, aggravant considérablement ses effets.

 

Les sénateurs communistes tiennent par ailleurs à interroger l’intention politique de cette résolution. Nous avons voté la dénonciation du crime de déportation d’enfants ukrainiens il y a quelques jours.

Nous n’avons pas, chère rapportrice, la main qui tremble. J’imagine que les auteurs de cette résolution souhaitent, à travers son adoption, apporter une marque de soutien à l’Ukraine. Et, je l’espère, à la perspective d’une paix civile retrouvée à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières ukrainiennes retrouvées.

Or, il est frappant de constater que la guerre des récits nationaux est depuis dix ans au cœur du conflit. Poutine ne cesse de réécrire l’histoire pour justifier sa croisade criminelle au nom d’une prétendue dénazification.

En Ukraine, des responsables nationalistes réhabilitent Stepan Bandera en effaçant les épisodes peu glorieux de son histoire, comme si la guerre d’aujourd’hui était condamnée à répéter les crimes du passé. 30 ans après, la chute de l’Union soviétique continue de réveiller des frontières non seulement physiques, mais historiques, culturelles, politiques et mémorielles qui nourrissent les conflits d’aujourd’hui et que la construction d’une Ukraine en paix dans ses frontières étatiques retrouvées devra dépasser pour faire vivre ensemble l’entièreté de sa population. Est-ce notre responsabilité d’alimenter au cœur de la guerre actuelle ces conflits mémoriels est les haines qu’ils alimentent.

Cette résolution nous semble donc relever moins d’une reconnaissance historique et d’une compassion légitime à l’égard des victimes de la famine, qu’au souci d’alimenter le récit de justification de l’amplification de l’effort de guerre réclamé par les dirigeants ukrainiens au détriment de la recherche d’une reconstruction de la paix.

Pour toutes ces raisons, et aussi pour exprimer plus généralement notre malaise face à l’inflation parfois inappropriée du qualificatif de génocide qui par définition est exceptionnel dans le cadre de résolutions parlementaires, le groupe CRCE votera contre cette résolution.

 

Seul le prononcé fait foi

Évacuation du Soudan des ressortissants étrangers et rôle des entreprises de sécurité privée

Il y a 1 mois, le 3 mai 2023

Par Pierre Laurent

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur l’évacuation du Soudan des ressortissants étrangers en général ainsi que des Français et des ressortissants de l’Union européenne (UE), en particulier. Les opérations d’évacuation des ressortissants se fondent sur les devoirs de protection des États vis-à-vis de leurs citoyens. […]

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur l’évacuation du Soudan des ressortissants étrangers en général ainsi que des Français et des ressortissants de l’Union européenne (UE), en particulier. Les opérations d’évacuation des ressortissants se fondent sur les devoirs de protection des États vis-à-vis de leurs citoyens.

Au Soudan la situation s’est dramatiquement dégradée avec des centaines de morts et des milliers de blessées résultant d’un conflit entre factions militaires. Ce conflit est très dommageable pour l’évolution démocratique de ce grand pays d’Afrique. L’opération « Sagittaire » y a été déclenchée par la France. Celle-ci a utilisé des moyens humains et matériels de la base militaire française à Djibouti pour évacuer 538 personnes de 40 nationalités dont 209 Français.

Nonobstant le fait que les opérations d’évacuation de ressortissants sont par nature étatiques, le journal Ouest-France du 24 avril 2023 révèle que des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) dirigés par des Français comme Comya Group, Algiz Security et Lafayette Praetorian sont également à l’œuvre au Soudan pour participer à l’évacuation de clients de leurs prestations. Ces EMSP sont spécialisées dans la sécurité rapprochée et les services de protection privée pour les entreprises. Il est à noter vient que selon cet article Comya Group vient de renforcer son équipe en envoyant deux anciens officiers de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour superviser les opérations d’évacuation demandées par des clients privés. Il est également à noter que l’autre société évoquée dans l’article, Algiz Security a été fondée en 2015 par un ancien légionnaire et « a déployé ses équipes en Ukraine lors du début de la guerre, d’Odessa à Marioupol, en passant par le Donbass. »

Tout cela reflète le fait que depuis la fin de la guerre froide le recours aux EMSP a explosé. Tout cela reflète aussi que face à la dégradation importante des relations internationales le recours et l’opportunité du recours aux EMSP apparaissent de plus en plus problématiques notamment du fait qu’il s’agit d’une privatisation de missions habituellement propres à l’État comme les évacuations de ressortissants par exemple. Il l’avait souligné lors de sa question écrite n°00036 du 7 juillet 2022. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères dans sa réponse du 20 octobre 2022 lui avait assuré notamment que « les entreprises de sécurité privées françaises ne peuvent être autorisées à assurer des missions régaliennes. »

Compte tenu de tous ces éléments, il lui demande si l’action évoquée plus haut des EMSP précitées n’est pas en contradiction avec l’esprit et la lettre de la doctrine des opérations d’évacuation des ressortissants et avec la réponse à la question écrite n° 00036. Il lui demande combien de ressortissants français et de ressortissants de l’UE résidant au Soudan ont été concernés par des actions d’EMSP, dont celles précitées. Il lui demande enfin quelles sont les missions de ces EMSP au Soudan et quelles sont leurs interactions avec l’État français.

 

Question écrite n°06625 : https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/les-questions-au-gouvernement/les-questions-ecrites/article/les-entreprises-de-securite-privees-ne-devraient-pas-etre-autorisees-a-assurer

« Dans le Nord et l’Est de la Syrie, la France doit ouvrir une nouvelle page de sa solidarité avec les Kurdes ! »

Il y a 2 mois, le 5 avril 2023

Par Pierre Laurent

Ce matin en conférence de presse au Sénat avec mes collègues Laurence Cohen, Sénatrice et Marie Pochon, Députée, nous avons rendu publique une déclaration commune à la suite de notre voyage dans le nord-est de la Syrie. Elle contient nos observations et cinq séries de recommandations concernant l’action de la France dans la région.

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Notre délégation, composée de trois parlementaires (Laurence Cohen, Sénatrice du Val de Marne, Marie Pochon, Députée de la Drôme et Pierre Laurent, Sénateur de Paris), s’est rendue au Rojava et dans le nord-est syrien du 31 mars au 2 avril à l’invitation de l’AANES (Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie).

Cette visite prolonge la démarche transpartisane initiée par la tribune de 102 parlementaires français·es, publiée en juillet 2022 pour condamner les agressions militaires de la Turquie dans les zones frontalières du Nord-Est de la Syrie. Depuis des mois, ces incursions sont dirigées contre les populations kurdes, arabes, syriaques, assyro-chaldéens, turkmènes et autres communautés vivant dans la région, mais aussi contre les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) qui ont libéré ces populations de Daech avec l’appui de la France et de la coalition internationale.

À son arrivée à Erbil (Kurdistan irakien), la délégation a rencontré le Ministre des Relations Extérieures de la région, le vice-président du Parlement de la région, et des parlementaires représentant divers partis de la coalition gouvernementale et de l’opposition.

La délégation s’est ensuite rendue dans le Nord-Est Syrien à Qamichli, Amouda, Hassaké et Raqqa. Elle a rencontré les principaux et principales représentant·es de l’AANES (Ministre des Relations Extérieures, co-président·es des Conseils exécutif et législatif, partis membres de la coalition qui a formé l’AANES) ainsi que le commandant-en-chef des FDS, Mazloum Abdi. Elle a rencontré les co-président·es de plusieurs conseils civils et exécutifs locaux dont celui de Raqqa, l’équipe dirigeante de l’association des femmes kurdes Kongra Star, et visité le camp de déplacés de Washokani qui regroupe à Hassaké 12 000 réfugiés ayant fui l’occupation turque de Serê Kaniyê.

Après tous ces entretiens et les constats faits sur place, la délégation rentre de ce voyage plus déterminée que jamais à soutenir les populations du Nord et de l’Est de la Syrie, kurdes et de toutes communautés, qui ont combattu avec courage Daech, et ont aujourd’hui besoin de plus de solidarité pour garantir la sécurité, le développement et l’avenir démocratique de la région. Tous·tes nos interlocut·eurs·rices ont salué le rôle joué par la France à leurs côtés. Tous·tes nous ont aussi demandé de faire plus.

C’est le premier appel que nous voulons lancer : la France, qui a soutenu les Kurdes dans la lutte contre Daech, doit aujourd’hui aller plus loin et ouvrir une nouvelle page de cette solidarité.

 

Nous avons en effet pu faire plusieurs constats, parmi lesquels :

– Les populations du Nord Est de la Syrie (kurdes, arabes, syriaques…) continuent de vivre sous une double menace : les agressions et les frappes de la Turquie et les cellules dormantes de Daech.

L’occupation illégale par l’armée turque de trois territoires frontaliers du Nord Est de la Syrie a chassé 300 000 personnes qui vivent aujourd’hui dans des camps de déplacés aux conditions dramatiquement précaires.

La prison de Hassaké, où sont retenus 12 000 anciens combattants armés de Daech et le camp de Al Hol, où sont gardés des milliers de familles daechis, femmes et enfants de 73 nationalités, sont de véritables poudrières, régulièrement ciblées par des attaques des cellules de Daech, menaçant la sécurité régionale et mondiale.

– La Turquie viole le droit international sur le partage des eaux de l’Euphrate, restreignant le débit des eaux et occupant les stations de contrôle de l’eau potable. Ajoutées à la destruction des infrastructures dues à la guerre, ces violations provoquent une crise permanente d’accès à l’eau, avec des conséquences graves en matière de santé et d’agriculture.

– Dans une situation qui reste très difficile (95 % des infrastructures de Raqqa, une ville de près d’un million d’habitants, étaient détruites à la fin des combats contre Daech), l’AANES et les conseils civils et exécutifs mis en place font des miracles pour stabiliser la situation, réussissant à associer en paix toutes les communautés présentes, et donnant une place remarquable aux femmes dans toutes les instances et leurs co-présidences. Mais les moyens sont dramatiquement insuffisants.

L’aide humanitaire et l’aide internationale à la reconstruction sont sans rapport avec les besoins et doivent radicalement changer de dimension. L’embargo ciblant Damas est de fait est imposé à l’AANES et à ses structures. Le régime déshumanisant de Bachar al-Assad qui a brisé son peuple sous les bombardements et la torture avec ses alliés russes et iraniens, tente de saisir l’opportunité du séisme pour se repositionner et retrouver une légitimité. Il profite de l’indifférence internationale pour faire porter la responsabilité exclusive de la situation aux sanctions occidentales et exige une normalisation politique.

La non-reconnaissance pleine et entière de l’AANES et de ses structures constitue une entrave majeure à la sortie de crise, alors qu’avec l’appui des FDS, elles sont les seules à même de conduire la région vers la sécurité, la reconstruction, et la stabilisation démocratique.

 

Fort de ces constats, nous émettons cinq séries de recommandations à l’adresse du gouvernement français, et appelons les parlementaires et les élus locaux de notre pays dans leur diversité à les soutenir activement.

1- Exiger clairement la fin des frappes truques et le retrait des troupes turques des zones du Nord et de l’Est syrien illégalement occupés. Mettre les populations déplacées de toutes communautés sous protection internationale jusqu’à leur retour. Demander une commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre commis dans ces zones. Mettre en place un soutien humanitaire d’ampleur sous l’égide du HCR pour les populations déplacées.

2- Renforcer le soutien des forces françaises et de la coalition aux FDS dans leur lutte contre la reconstitution des cellules de Daech et leur soutien par la Turquie. Renforcer le soutien en moyens de renseignement et de protection face aux drones. Renforcer les moyens de soutien à la sécurisation des prisons et du camp d’Al Hol, mettre en place un tribunal international ad hoc pour juger les crimes de Daech, soutenir le rapatriement par les États concernés des enfants et des mères détenus, et le travail de réhabilitation de toutes les familles qui resteront sur place.

3- Condamner les violations de la Turquie concernant le droit international de l’eau. Aider à la reconstruction de réseaux d’eau potable et à la construction de traitement des eaux usées.

4- Décupler l’aide française à la reconstruction en lien avec l’AANES et ses instances, en appelant à l’amplification de l’aide européenne et internationale, en particulier dans les domaines vitaux de la santé, de l’alimentation, des routes et des ponts, de l’éducation, de la lutte et de l’adaptation contre le changement climatique.

5- Soutenir les efforts entrepris pour la création de conseils régionaux et locaux démocratiques, pluriethniques, paritaires en développant les échanges parlementaires et avec les collectivités locales. Autoriser, voire encourager, de possibles jumelages ou coopérations décentralisées.

 

Paris, le 5 avril 2023

Laurence COHEN, Marie POCHON, Pierre LAURENT

Situation au Sénégal : un appel à la raison qu’il faut entendre

Il y a 2 mois, le 30 mars 2023

Par Pierre Laurent

Très attentif au devenir du Sénégal j’ai relayé, par question écrite à la Ministre Catherine Colonna, l’appel à la raison adressé au chef de l’État sénégalais par de nombreux intellectuels du Sénégal et d’ailleurs.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation au Sénégal.

Selon beaucoup d’observateurs et d’acteurs du Sénégal et internationaux, le contexte politique de ce pays s’est gravement tendu. Plus de cent intellectuels et journalistes du Sénégal et d’autres pays se sont fait écho de cette situation, s’en inquiètent et lancent ce qu’ils appellent un « appel à la raison » au chef de l’État sénégalais.

Dans cet appel, les signataires condamnent « les restrictions apportées à la liberté de mouvement des citoyens » et la « continuelle instrumentalisation de la justice ». Ils y affirment également qu’« une menace réelle pèse sur la stabilité et la paix sociale du pays ».

Les relations entre le Sénégal et la France sont étroites et multiformes et les rencontres entre les responsables politiques des deux pays fréquentes. Le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel la France tient chaque année un séminaire intergouvernemental. De multiples occasions pour aborder ces sujets avec franchise et respect existent donc.

L’intérêt mutuel pour permettre l’essor d’un développement maîtrisé par les Sénégalais eux-mêmes, est de veiller au respect des droits humains et de l’état de droit dans nos deux pays. Il lui demande quelles initiatives compte prendre la France au sujet de cet « appel à la raison » lancé par des intellectuels et des journalistes.

 

Interdiction des munitions à l’uranium appauvri : la France doit agir !

Il y a 2 mois, le 29 mars 2023

Par Pierre Laurent

Un moratoire sur l’emploi d’armes contenant de l’uranium appauvri dans le conflit ukrainien est nécessaire.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le péril qu’il y a à utiliser des munitions à uranium appauvri dans les conflits, y compris dans le contexte de l’actuelle guerre en Ukraine.

Entre 320 et 800 tonnes de munitions à l’uranium appauvri ont été utilisées par les États-Unis pendant la première guerre du Golfe en Irak (1990-1991). 31 000 de ces mêmes munitions l’ont été par l’organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pendant le conflit au Kosovo à partir de 1998. Enfin dans la deuxième guerre du Golfe en 2003, des centaines de tonnes de ces munitions ont été larguées sur des zones civiles.

Face à cette situation, préjudiciable tant du point de vue du développement des logiques de guerre que de la santé publique, le Parlement européen a adopté le 22 mai 2008 une résolution en faveur d’un traité mondial visant à l’interdiction des armes à l’uranium appauvri. Il y considère « que l’emploi d’uranium appauvri dans les conflits viole les règles et principes fondamentaux consacrés par le droit international humanitaire et environnemental, écrit et coutumier ».

Il demande aussi instamment « aux États membres de ne pas faire usage d’armes contenant de l’uranium appauvri dans le cadre des opérations futures de la politique européenne de sécurité et de défense et de ne pas déployer des personnels militaires et civils dans des zones où aucune garantie ne peut être donnée que de l’uranium appauvri n’a pas été utilisé ou ne le sera pas ».

Il renouvelle enfin avec force « son appel à tous les États membres et aux pays membres de l’OTAN d’imposer un moratoire sur l’emploi d’armes contenant de l’uranium appauvri, de redoubler d’efforts en vue de leur interdiction mondiale et d’arrêter systématiquement la fabrication et les achats de ce type d’armes et de munitions », et « demande aux États membres et au Conseil de jouer un rôle moteur dans l’élaboration d’un traité international – par le canal des Nations unies ou d’une coalition de bonnes volontés – sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage, de la diffusion, des essais et de l’emploi d’armes contenant de l’uranium, ainsi que sur la destruction ou le recyclage des stocks existants, dans l’hypothèse où il y aurait des preuves scientifiques irréfutables de la dangerosité de ces armes ».

L’ensemble de ces préoccupations reste malheureusement d’actualité, au moment où des pays de l’OTAN prévoient de livrer à l’armée ukrainienne des chars capables de tirer ce genre de munitions, ce qui alimente gravement l’escalade de surarmement réciproque. Il lui demande que la France agisse dans l’immédiat en faveur d’un moratoire concernant ces armes dans le conflit ukrainien, puis qu’elle agisse avec diligence pour remplir les objectifs de la résolution européenne précitée.

 

Liberté d’expression en Côte d’Ivoire : des dérives inquiétantes

Il y a 3 mois, le 15 mars 2023

Par Pierre Laurent

Que ce soit la tentative de bâillonner Pulchérie Gbalet, présidente de l’ONG Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI), ou les récentes peines de prison prononcées à l’encontre de docteurs non intégrés et de militants du PPA-CI, les autorités ivoiriennes font à nouveau feu de tout bois pour s’en prendre aux libertés de ses citoyens. J’ai attiré l’attention de la Ministre des Affaires Étrangères à ce sujet.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur les dernières évolutions de la situation concernant la liberté d’expression en Côte d’Ivoire.

En réponse à sa question écrite n° 01673 du 21/07/2022 sur les prisonniers d’opinion en Côte d’Ivoire, le Ministère a affirmé que la France entretient « un dialogue étroit avec les autorités ivoiriennes sur les questions relatives aux droits de l’Homme et à l’État de droit y compris la justice et les libertés publiques. » Or, malgré ce dialogue étroit que les autorités françaises mentionnent, la situation se dégrade.

Ainsi, par exemple, lors d’une manifestation pacifique du collectif des docteurs non-recrutés le 21 décembre 2022, 45 des manifestants docteurs ont été arrêtés, incarcérés et condamnés le 28 décembre à six mois de prison avec sursis. En outre, le 24 février 2023, environ trente militants et dirigeants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) qui accompagnaient pacifiquement le secrétaire général de leur parti devant les locaux du palais de justice en signe de soutien et solidarité ont été gazés, interpellés, et 27 d’entre eux placés en garde à vue. Sur les 27 manifestants arrêtés, 26 furent condamnés le 9 mars à deux ans de prison pour flagrant délit « de troubles à l’ordre public » par l’intermédiaire d’un attroupement sans aucune violence. Le 27e acquitté et libéré était le seul à ne pas être membre du PPA-CI.

Toutes ces dérives inquiètent fortement les militants politiques et les défenseurs des libertés. Outre les points évoqués dans la question n° 01673, il lui demande ce qu’elle compte faire dans l’immédiat en vue de se saisir des évènements précités pour faire part aux autorités ivoiriennes de ses préoccupations en la matière.

 

Hommage à Sadek Hadjerès

Il y a 4 mois, le 10 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce jeudi 9 février à Malakoff, j’ai eu l’honneur de participer à un bel hommage rendu à Sadek Hadjerès, figure historique du communisme algérien, engagé toute sa vie durant contre les oppressions. Sadek, qui a passé les dernières décennies en France, nous a quitté à l’automne dernier. Voici l’intervention prononcée à cette occasion, rappelant en quelques mots qui était Sadek Hadjerès et l’ampleur de ses combats pour un monde plus juste, une Algérie libre, démocratique et en paix.

GARDONS LE CONTACT

Chers camarades et ami·es, de France et d’Algérie,

 

Je suis très honoré d’être présent aujourd’hui à vos côtés, pour rendre hommage à une grande figure du communisme algérien.

Nous avons en effet été très attristés d’apprendre, le 3 novembre dernier, le décès de notre camarade Sadek Hadjerès. Je salue l’initiative de la municipalité, de la maire Jacqueline Belhomme, des communistes de Malakoff, qui ont permis, avec d’autres, la tenue de cette soirée.

Je suis très touché de passer ce moment en compagnie de ma camarade Aliki Papadomichelaki, qui a été la compagne de Sadek et avec qui nous avons pu partager des combats communs en Grèce.

Rendre hommage à Sadek Hadjerès, c’est évoquer un véritable monument de l’histoire politique et sociale, un acteur de premier plan de toutes les luttes qui ont forgé depuis près d’un siècle la nation algérienne.

Né le 13 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen, en Kabylie, Sadek est fils et petit-fils d’instituteur. Nourri d’une culture kabyle et pacifiste, il est confronté très jeunes aux brutalités coloniales. Après de brillantes études à l’université d’Alger, et parallèlement à un engagement politique et social déjà intense, il est diplômé de médecine en 1953.

Membre du Parti du Peuple Algérien (PPA) dès 1944, il le quitte en raison de désaccords sur la question berbère. Rétif à toute forme de sectarisme et de communautarisme, Sadek s’est toujours opposé à la conception  d’une Algérie réduite à l’identité arabo-musulmane.

Tout comme il s’est courageusement distancé, dès les années 1950, de la conception stalinienne de la nationalité.

Au contraire, Sadek a défendu tout au long de sa vie sa vision d’une future nation algérienne plurielle, ouverte à la diversité, fondée sur la citoyenneté civile et politique.

A la fin de l’année 1950, il adhère au Parti Communiste Algérien, dans lequel il acquiert rapidement des responsabilités. Il côtoie alors des figures telles que Fernand Iveton, Henri Maillot ou Henri Alleg. Membre du Comité Central en 1952, il dirige la revue Progrès qui jouit d’un puissant rayonnement intellectuel.

Après l’insurrection de 1954 et durant la guerre d’indépendance, il est aux côtés de Bachir Hadj-Ali à la direction du PCA. Tous deux approuvent la création de groupes de combat communistes.

Il entre en négociation, dans des conditions difficiles, avec le FLN qui refuse alors de reconnaître la présence des communistes en tant que Parti. Le démantèlement des maquis rouges conduit de nombreux communistes à intégrer l’Armée de Libération Nationale. Lors de la « Bataille d’Alger », Sadek est qualifié de « médecin pyromane » et est condamné par contumace à 20 ans de travaux forcés.

Entré dans la clandestinité après l’interdiction du PCA en 1955, dont il ne sortira qu’au moment de l’indépendance, Sadek déploie une intense activité de propagande (tracts, journaux) mais aussi de nombreux travaux intellectuels. Il fera un examen critique des retards du PCF dans l’engagement national, textes qui seront publiés dans les Cahiers du Communisme en 1958. Tout cela comptera pour faire évoluer l’appréhension des luttes coloniales par le parti communiste français.

Après l’indépendance, le PCA est à nouveau interdit en novembre 1962, mais toléré. Sadek se trouve alors en liberté provisoire.

Après le coup d’État de Boumediene en 1965, Sadek replonge dans la clandestinité pour 24 ans. Il est traqué par la police et l’armée alors qu’il poursuit, sans relâche, ses activités militantes. Après l’arrestation de Bachir Hadj-Ali, il reprend l’organisation clandestine des communistes dans le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS).

Il sort de la clandestinité en 1989 avec la proclamation du pluralisme politique. Un an après, il quitte son poste de secrétaire du PAGS pour se retirer en France.

Il demeurera jusqu’à la fin de ses jours un observateur attentif de la vie politique algérienne, et a d’ailleurs fortement soutenu dès 2019 le mouvement populaire du Hirak, se réjouissant de son pacifisme.

En juillet 2021, il l’évoquait d’ailleurs en ces termes :

« Dans le monde d’aujourd’hui miné par des risques planétaires communs, un atout important pour les forces de progrès et de paix en Algérie et en France, réside dans l’attachement aux valeurs stratégiques et universalistes portées par le rassemblement pacifique et indépendantiste du Hirak : l’exercice des Droits de l’Homme dans toutes leurs expressions, de l’État de droit appuyé sur la souveraineté populaire et enfin d’un système de relations internationales fondées non sur des critères identitaires, purement idéologiques mais sur un nouvel ordre international régi par la prise en compte des intérêts communs concrets des couches populaires et des États sur les deux rives de la Méditerranée. »

 

Sadek Hadjerès, qui a traversé toutes les tempêtes du siècle dernier, n’a jamais perdu espoir dans le siècle à venir, dans la perspective d’une Algérie libre, démocratique et en paix.

Figure de l’histoire algérienne, Sadek a vu sa lucidité, son courage et son abnégation, sa fidélité à ses convictions saluées par toutes les forces progressistes algériennes.

Nous en faisons de même aujourd’hui, et nous inclinons respectueusement devant sa mémoire.

 

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Guerre en Ukraine : mon intervention au Sénat

Il y a 4 mois, le 7 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce mardi 7 février, le Sénat a examiné une proposition de résolution « exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine ». Je suis intervenu pour exprimer la position des Sénatrices et Sénateurs de mon groupe, en faveur de la désescalade mutuelle et de la paix !

GARDONS LE CONTACT

La résolution que nous discutons arrive à un moment crucial pour l’avenir du conflit et pour celui de la paix mondiale. Hier le secrétaire général  de l’ONU s’est alarmé, je le cite, que le monde se dirige « les yeux grands ouverts » vers une « guerre plus large encore », mettant en garde contre « les risques d’escalade ». Allons-nous entendre, chers collègues, cette mise en garde ?

Il y a un an, l’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine a plongé dans l’horreur le peuple ukrainien, et signé le retour d’une guerre inhumaine au cœur de l’Europe.

Le bilan est d’ores et déjà effroyable : probablement plus de 300 000 victimes, tuées ou blessées, un pays durablement meurtri, des millions de réfugiés et de déplacés internes.

Vladimir Poutine croyait gagner la guerre en un éclair. La résistance de l’Ukraine, aidée par la France et l’OTAN, a changé la donne. Face à cette résistance qu’il n’attendait pas, Vladimir Poutine a choisi le pire : toujours plus de guerres, de crimes, de destructions, de violations des droits humains, d’enrôlements forcés de jeunes russes, sans compter le chantage plusieurs fois brandi de la menace nucléaire. Ce choix du pire a provoqué en riposte un armement massif de l’Ukraine.

Un an plus tard, malgré cet effrayant bilan, des moyens colossaux engagés de part et d’autre, et une ligne de front globalement figée depuis des mois, la guerre ne s’apaise pas, mais semble au contraire à l’aube d’une nouvelle escalade. Et cela en dépit du constat dressé par le général Mark Milley, chef d’état-major des armées des États-Unis le 9 novembre 2022, estimant : « il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire n’est probablement pas réalisable par des moyens militaires », et qu’il faut donc « se tourner vers d’autres moyens ».

J’entends aussitôt la critique : admettre ce constat, ce serait être indifférent au drame ukrainien, ou pire se montrer complice de Vladimir Poutine. Le Président de la République lui-même, Emmanuel Macron, a été confronté à cette accusation larvée, quand il a tenté de maintenir ouverte la porte d’une négociation, sommé alors de rentrer dans le rang des partisans de l’escalade guerrière.

Non, chers collègues, affirmer notre soutien à l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, dénoncer les crimes de Vladimir Poutine, exiger le retrait des troupes russes et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, aider militairement et humanitairement l’Ukraine à se défendre et à protéger sa population, c’est indispensable comme nous le disons depuis le premier jour de la guerre. Mais cela doit aller de pair avec l’impératif de prévenir une guerre généralisée et avec une mobilisation internationale de tous les instants pour stopper le conflit, pour explorer toutes les voies capables de remettre les belligérants à la table des négociations en vue du retour à la paix et à la sécurité mutuelle.

Abandonner l’objectif de la paix au seul profit de l’escalade militaire, c’est abdiquer devant la perspective d’une guerre longue et durable,  toujours plus destructrice, une guerre aux limites inconnues, chaque jour plus proche d’un basculement aux conséquences incalculables.

Ce travail est urgentissime, chers collègues. Ne voyons-nous pas s’accumuler les vents mauvais d’une guerre toujours plus large ? La Russie ne recule devant rien pour envoyer la jeunesse russe à la boucherie. Face à lui, le surarmement des pays de l’OTAN s’accélère dans des proportions inédites. Les ventes d’armes à l’international des États-Unis ont dépassé les 200 milliards de dollars, inondant l’Europe d’armes toujours plus sophistiquées. Les dirigeants polonais, pas à proprement parler des figures de la démocratie, ont augmenté leur budget militaire de 9 milliards d’euros en 2015 à 97 milliards en 2023, à grands coups d’équipements américains. Les surenchères nationalistes et les réécritures de l’histoire se propagent partout et en tous sens, excitant les haines des peuples.

Ne voyons-nous rien de tout cela, des périls encourus ? Européens ayant traversé deux guerres mondiales, avons-nous perdu la mémoire ?

Voilà pourquoi, chers collègues, nous ne voterons pas la résolution qui nous est proposée. Elle énonce des rappels de principes que nous défendons nous-mêmes face à l’agression criminelle de la Russie. Mais elle ne propose face à ce drame qu’un seul chemin de fait : l’escalade militaire clairement revendiquée par l’auteur de cette proposition de résolution Claude Malhuret. C’est le sens de l’alinéa 31. Autrement dit, après les chars lourds porteurs d’obus à uranium appauvri, des avions de chasse, demain des missiles et à chaque cran nouveau des soldats formateurs de l’Otan directement engagés. La résolution donne le feu vert au franchissement futur de toutes les lignes rouges.

Et surtout, la résolution fait l’impasse sur tout appel à une initiative de négociations et de paix. Ce n’est pas un oubli, c’est un choix, celui de la guerre comme seul chemin possible, oubliant la leçon de tous les conflits récents.

Cette résolution est une occasion manquée, celle de faire rimer solidarité avec l’Ukraine et mobilisation pour une solution de  paix. C’est cette double exigence qu’exprimera notre vote contre.

 

La vidéo de l’intervention, à retrouver sur mon compte Facebook

Le texte de la proposition de résolution, à retrouver sur le site du Sénat

Cinquantenaire de la signature des Accords de Paris

Il y a 5 mois, le 20 janvier 2023

Par Pierre Laurent

À l’occasion du Cinquantenaire de la signature des Accords de Paris, j’ai eu l’honneur de prendre part à la cérémonie organisée par l’Ambassade du Vietnam en France. Aux côtés de Son Excellence Toan Thang DINH, j’ai pu y prononcer une allocution comme vice-président du Sénat et président du Conseil national du PCF.

GARDONS LE CONTACT

Votre Excellence Monsieur DINH Toan Thang, Ambassadeur du Vietnam en France,

Votre Excellence Madame LE Thi Hong Van, Ambassadrice du Vietnam auprès de l’UNESCO,

Madame Anne LE HÉNANFF, Députée, présidente du Groupe d’amitié France-Vietnam de l’Assemblée nationale,

Mesdames et Messieurs les élu·es,

Mesdames et Messieurs, chers ami·es du Vietnam,

 

Je souhaite exprimer, comme parlementaire communiste, le bonheur et la fierté que nous avons à célébrer ensemble le 50ème anniversaire de la signature des Accords de paix de Paris.

Permettez-moi tout d’abord de remercier l’Ambassade pour avoir mis sur pied ce riche programme de commémorations et d’événements culturels : les tables-ronde de cette journée, les initiatives tenues le 14 janvier à Verrières-le-Buisson, celles prévues demain à Choisy-le-Roi.

Le Cinquantenaire des Accords de Paris revêt pour la France, pour les communistes français comme pour tous les ami·es du Vietnam, une importance toute particulière. C’est pour nous l’occasion de revenir sur l’histoire de la longue amitié qui lie nos deux peuples, et pour ce qui nous concerne, nos deux partis.

Cette amitié est plus que centenaire. Elle commence en réalité dès la création du Parti communiste français, avec la participation active de celui qui deviendra, quelques décennies plus tard, Président de la République démocratique du Vietnam.

Délégué lors du congrès de Tours, Hô Chi Minh compte parmi les membres fondateurs de notre parti. C’est pour nous une immense fierté. Dès les années 1920, il contribue d’ailleurs activement à engager le jeune parti communiste français dans la solidarité avec les luttes anticoloniales.

Notre amitié historique, fondée sur le refus commun des guerres et des dominations entre les nations, a traversé plus d’une fois l’épreuve du feu.

En 1945 la France, à peine libérée de l’occupant nazi, ne comprend pas le désir d’indépendance qu’expriment alors pour eux-mêmes les peuples d’Indochine. Elle se lance, à contresens de l’histoire nouvelle qui commence à s’écrire dans le monde, dans une féroce offensive militaire en « Indochine française » pour y contrer l’avancée du mouvement de libération nationale, le Việt Minh.

Des dizaines de milliers de jeunes Français sont alors envoyés combattre les peuples vietnamien, laotien et cambodgien, au profit des intérêts de l’impérialisme français. Parmi eux, des milliers de jeunes ont été engagés volontaires dans la Résistance, pour libérer la France et car ils en partageaient les valeurs. Ils ne comprennent donc pas le rôle qu’on veut leur faire jouer en Indochine.

C’est le cas d’Henri MARTIN, jeune marin communiste de 18 ans. Envoyé au Vietnam en 1945, il pense partir lutter contre l’occupant japonais. Confronté aux horreurs des bombardements d’Haïphong, il rentre à Toulon où il distribue des tracts contre la guerre. Cela lui vaut d’être arrêté et condamné à cinq ans de prison. Henri MARTIN devient rapidement le symbole des luttes en soutien aux peuples d’Indochine. Comme lui, des centaines de militants communistes en France seront incarcérés pour avoir dénoncé la « sale guerre d’Indochine ». Parmi eux se trouvait, permettez-moi cette incise personnelle, le jeune communiste Paul LAURENT, qui était mon père.

N’oublions pas que ce conflit causa, entre autres, une famine terrible en 1945 qui fit plus d’un million de morts au Vietnam. Ecrasés à la fois par l’occupant japonais et l’administration coloniale française pétainiste, les paysans vietnamiens virent dès 1943 leurs réserves de riz mises à sac. En respect à la mémoire des victimes, la France s’honorerait d’ailleurs à regarder en face cet épisode de son histoire.

 

Cette guerre coloniale injuste débouchera sur un terrible échec pour la France, avec en 1954 le retrait définitif des troupes françaises après la bataille de Diên Biên Phu. Mais pour le Vietnam, vingt années de confrontations brutales étaient encore à venir, avec ce que le peuple vietnamien nommera « la guerre des dix-mille jours ».

Deux décennies de guerre terrible et de résistance contre l’agression états-unienne. 7 millions de tonnes de bombes déversées sur le territoire vietnamien ; trois fois plus que pour la Seconde guerre mondiale. Des millions de victimes, civiles et militaires…

Des impacts humains, environnementaux, sanitaires encore aujourd’hui, avec les effets dévastateurs de l’agent orange.

Nous saluons le combat exemplaire du peuple vietnamien pour obtenir justice et réparation. Nous soutenons le combat de Mme Tran To Nga, qui en 2014 a assigné en justice les multinationales agrochimiques qui ont fourni l’agent orange à l’armée américaine. Nous regrettons profondément la décision tribunal de grande instance d’Évry, considérant le 10 mai 2021 la demande comme irrecevable. Avec son comité de soutien, Mme Tran To Nga fait appel de ce jugement. Nous allons poursuivre ensemble la mobilisation, pour obtenir enfin justice pour toutes les victimes de l’agent orange ! Cela serait ô combien utile pour toutes les victimes des guerres, malheureusement aujourd’hui trop nombreuses sur tous les continents.

 

Les vingt ans de cette guerre effroyable, nous en commémorons aujourd’hui la fin, avec les Accords de paix de Paris, signés le 27 janvier 1973. Ces accords ne seront pas synonymes de fin immédiate des affrontements au Vietnam. Mais en actant le retrait définitif des troupes américaines, ils ouvrirent enfin la voie à la conquête pleine et entière de l’indépendance et de la souveraineté du peuple vietnamien.

Ces Accords furent le fruit, ne l’oublions pas, d’un lent et difficile travail de négociation, mené en secret dès 1968, au plus fort de la guerre. Des trésors de diplomatie sont déployés, au cours des cinq années d’intenses négociations qui suivirent entre représentants états-uniens et vietnamiens réunis à Paris.

 

Dès l’arrivée de la délégation vietnamienne, les communistes français travaillent d’arrache-pied pour l’accueillir du mieux possible dans notre pays. La délégation est logée à quelques kilomètres de la capitale, à Choisy-le-Roi, dans un petit pavillon qui abritait jusqu’alors l’école des cadres du PCF.

Peu à peu, la vie quotidienne s’organise. Avec l’appui de la municipalité communiste conduite par Fernand DUPUY, de la section communiste de la ville et de nombreux communistes du Val-de-Marne, tout est mis en place, de la sécurité aux transports, en passant par l’hébergement et la restauration.

En arrivant en France, la délégation vietnamienne était alors loin de s’imaginer rester aussi longtemps ! Car les représentants du Vietnam participent alors à ce qui restera comme les plus longues négociations de paix dans l’histoire de la diplomatie mondiale : un travail titanesque pour aboutir enfin à la paix et à l’intégrité du Vietnam.

Tout au long de ces cinq années des liens humains forts se nouent entre communistes français et vietnamiens. Ils perdurent jusqu’à aujourd’hui.

J’ai une pensée pour mon ami Jean-Charles NÈGRE, décédé pendant la pandémie de Covid-19, que vous avez honoré il y a quelques mois au titre de cette amitié indéfectible.

J’en profite aussi pour saluer ma camarade Hélène LUC, sénatrice honoraire et conseillère départementale honoraire de Choisy-le-Roi. Hélène n’a pu se joindre à nous ce soir car justement elle se trouve jusqu’à demain au Vietnam, après une semaine en délégation dans le cadre des célébrations du Cinquantenaire.

Son déplacement fait suite à celui d’Éliane ASSASSI, présidente du groupe des sénatrices et sénateurs communistes, qui s’est rendue au Vietnam en décembre dernier, dans le cadre d’une délégation officielle conduite par le président du Sénat français.

 

Cette amitié franco-vietnamienne est précieuse, tant les défis à relever sont nombreux. Nous vivons en 2023 dans un monde instable, un monde à bien des égards plus dangereux.

Soyons fidèles à notre manière à la sage devise du président Hồ Chí Minh « Faire face aux contingences par des principes durables« , en restant pleinement attachés aux principes fondamentaux du droit international.

Face à la multiplication des crises, la défense de la paix doit rester notre boussole commune. Les préoccupations sécuritaires de tous les membres de la communauté internationale doivent être entendues et respectées. Le respect des frontières, de l’intégrité des États et du non-recours à la force pour résoudre les différends entre les nations doivent être réaffirmés. Les logiques d’escalade militaire, aujourd’hui à l’œuvre dans de trop nombreuses régions du monde, doivent se voir substituées au plus vite au profit de logiques de développement, de coopération, de mise en commun face aux grands dérèglements qui mettent en danger notre commune humanité.

En ce sens, les communistes français, tout comme d’ailleurs les parlementaires français, réaffirment leur fort attachement au respect de la souveraineté du Vietnam, de son intégrité territoriale terrestre et maritime, notamment dans la mer orientale où le Vietnam entend légitimement continuer à exercer souverainement ses activités économiques.

 

Nous affirmons aussi que la France doit s’adapter à la nouvelle donne mondiale, et mieux entendre les aspirations de nombreux peuples à plus de réciprocité dans les relations internationales. Il en va de l’intérêt de notre pays d’adapter sa politique en ce sens, de renforcer ses partenariats et de définir des coopérations mutuellement avantageuses.

C’est pourquoi le Vietnam est plus que jamais un partenaire incontournable de la France pour faire face aux nouveaux défis mondiaux, tout comme aux enjeux de paix et de sécurité dans la zone indopacifique, pour construire ensemble la sécurité humaine globale dont notre planète a besoin. C’est, cela aussi, l’héritage des Accords de Paris que nous célébrons aujourd’hui.

Vive la paix entre les peuples,

Vive l’amitié franco-vietnamienne !

 

Seul le prononcé fait foi