#DÉMOCRATIE

Situation au Sénégal : un appel à la raison qu’il faut entendre

Il y a 2 mois, le 30 mars 2023

Par Pierre Laurent

Très attentif au devenir du Sénégal j’ai relayé, par question écrite à la Ministre Catherine Colonna, l’appel à la raison adressé au chef de l’État sénégalais par de nombreux intellectuels du Sénégal et d’ailleurs.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation au Sénégal.

Selon beaucoup d’observateurs et d’acteurs du Sénégal et internationaux, le contexte politique de ce pays s’est gravement tendu. Plus de cent intellectuels et journalistes du Sénégal et d’autres pays se sont fait écho de cette situation, s’en inquiètent et lancent ce qu’ils appellent un « appel à la raison » au chef de l’État sénégalais.

Dans cet appel, les signataires condamnent « les restrictions apportées à la liberté de mouvement des citoyens » et la « continuelle instrumentalisation de la justice ». Ils y affirment également qu’« une menace réelle pèse sur la stabilité et la paix sociale du pays ».

Les relations entre le Sénégal et la France sont étroites et multiformes et les rencontres entre les responsables politiques des deux pays fréquentes. Le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel la France tient chaque année un séminaire intergouvernemental. De multiples occasions pour aborder ces sujets avec franchise et respect existent donc.

L’intérêt mutuel pour permettre l’essor d’un développement maîtrisé par les Sénégalais eux-mêmes, est de veiller au respect des droits humains et de l’état de droit dans nos deux pays. Il lui demande quelles initiatives compte prendre la France au sujet de cet « appel à la raison » lancé par des intellectuels et des journalistes.

 

Mon entretien dans le journal allemand Junge Welt

Il y a 2 mois, le 27 mars 2023

Par Pierre Laurent

Il y a quelques jours, j’ai pu m’entretenir avec Junge Welt, journal de la gauche allemande, au sujet des mobilisations contre la réforme des retraites en France !

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La réforme des retraites de Macron

« C’est plus qu’une grave crise sociale »

En France, les manifestations nationales contre le relèvement de l’âge de la retraite se poursuivent. Les communistes veulent un référendum. Un entretien avec Pierre Laurent, par Martin Dolzer.

 

En ce moment, les Français manifestent quotidiennement contre la réforme des retraites du gouvernement Macron. Quelle est l’ampleur des protestations ? 

C’est du jamais vu. La défense du droit à la retraite, un des piliers du système social en France, a toujours provoqué d’énormes manifestations à chaque fois qu’il a été attaqué. Mais cette fois, c’est exceptionnel. L’intégralité des syndicats est à la tête du mouvement. Dans les enquêtes d’opinion, deux tiers des Français et 90% des salariés demandent le retrait du texte gouvernemental, qui a été imposé au Parlement par une procédure appelée l’article 49-3, dont nous demandons depuis longtemps l’abrogation. La colère est très forte. Des millions de Français continuent à manifester. Les grèves s’étendent. Nous ne sommes pas seulement face à une grave crise sociale. C’est désormais une crise politique et démocratique.

 

Les gens ressentent le relèvement de l’âge de la retraite comme une attaque contre leur sécurité sociale. L’opposition à la politique antisociale de Macron en général est-elle également à l’origine des protestations massives ?

La protestation pour refuser le recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite cristallise un mécontentement social plus profond. De nombreuses grèves sur les salaires et pour la défense du pouvoir d’achat ont lieu depuis septembre. Les pénuries d’effectifs s’aggravent dans tous les services publics, à commencer par l’hôpital et l’école. Il y a beaucoup de souffrance au travail. Depuis la pandémie, les gens s’interrogent sur le sens et les conditions de leur travail. Travailler plus longtemps alors qu’il y a tant de précarité et de chômage, et surtout tant de superprofits accumulés par les grands groupes, plus personne ne l’accepte.

 

Comment le gouvernement réagit-il aux protestations ?

Par le passage en force. Le gouvernement a usé de toutes les procédures réglementaires à sa disposition pour imposer son texte au Parlement. Car en France, la Constitution permet l’adoption d’un texte sans vote du Parlement grâce à un article 49-3. Dans une telle situation de rejet du texte par le pays, c’est vécu comme une provocation inacceptable. Cela a décuplé la colère populaire. Le gouvernement tente aussi maintenant de réprimer les manifestants. Mais pour le moment rien n’entame l’opposition qui reste ultra-majoritaire.

 

Une motion de censure contre le Premier ministre a échoué de peu. Qu’est-ce que cela signifie pour la stabilité du gouvernement ?

Oui, elle a échoué à neuf voix près. Une partie de la droite a sauvé in extremis la tête du gouvernement. Mais la crise politique est désormais patente. Emmanuel Macron n’a été réélu que parce qu’il était face à Marine Le Pen dont la majorité des Français ne veut pas. Mais il n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée nationale lors des élections législatives. Il pensait pouvoir s’appuyer sur la droite pour trouver des majorités. Mais même cela ne tient plus qu’à un fil tellement le rejet populaire est fort. La situation est maintenant durablement instable. Marine Le Pen cherche à être en embuscade. La gauche a une grande responsabilité pour proposer une alternative de gouvernement et conquérir une majorité législative si jamais il y a une dissolution du Parlement. Les communistes y travaillent activement. Sans attendre, nous voulons engager une campagne pour soumettre la réforme des retraites à un référendum d’initiative citoyenne.

 

En Allemagne, l’ampleur des protestations est à peine évoquée. La gauche sociale ne se met pas non plus en mouvement. Quelles différences voyez-vous entre la situation en France et en Allemagne ?

L’histoire des luttes en Europe nous enseigne que la convergence ou la simultanéité des mobilisations n’est jamais aussi simple. Comme je viens de le dire, il y a aussi une crise de légitimité du pouvoir d’Emmanuel Macron qui joue son rôle dans la situation française. Je crois toutefois que la dégradation de la situation sociale et économique va soulever dans les mois qui viennent des problèmes communs aux travailleurs de toute l’Europe. La perspective des élections européennes en 2024 devrait inciter les forces de gauche, les forces syndicales et sociales en Europe à travailler dès maintenant ensemble à des objectifs de lutte communs.

 

Une interview à retrouver en allemand sur le site de Junge Welt : https://www.jungewelt.de/artikel/447503.macrons-rentenreform-es-ist-mehr-als-nur-eine-schwere-soziale-krise.html

Liberté d’expression en Côte d’Ivoire : des dérives inquiétantes

Il y a 3 mois, le 15 mars 2023

Par Pierre Laurent

Que ce soit la tentative de bâillonner Pulchérie Gbalet, présidente de l’ONG Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI), ou les récentes peines de prison prononcées à l’encontre de docteurs non intégrés et de militants du PPA-CI, les autorités ivoiriennes font à nouveau feu de tout bois pour s’en prendre aux libertés de ses citoyens. J’ai attiré l’attention de la Ministre des Affaires Étrangères à ce sujet.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur les dernières évolutions de la situation concernant la liberté d’expression en Côte d’Ivoire.

En réponse à sa question écrite n° 01673 du 21/07/2022 sur les prisonniers d’opinion en Côte d’Ivoire, le Ministère a affirmé que la France entretient « un dialogue étroit avec les autorités ivoiriennes sur les questions relatives aux droits de l’Homme et à l’État de droit y compris la justice et les libertés publiques. » Or, malgré ce dialogue étroit que les autorités françaises mentionnent, la situation se dégrade.

Ainsi, par exemple, lors d’une manifestation pacifique du collectif des docteurs non-recrutés le 21 décembre 2022, 45 des manifestants docteurs ont été arrêtés, incarcérés et condamnés le 28 décembre à six mois de prison avec sursis. En outre, le 24 février 2023, environ trente militants et dirigeants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) qui accompagnaient pacifiquement le secrétaire général de leur parti devant les locaux du palais de justice en signe de soutien et solidarité ont été gazés, interpellés, et 27 d’entre eux placés en garde à vue. Sur les 27 manifestants arrêtés, 26 furent condamnés le 9 mars à deux ans de prison pour flagrant délit « de troubles à l’ordre public » par l’intermédiaire d’un attroupement sans aucune violence. Le 27e acquitté et libéré était le seul à ne pas être membre du PPA-CI.

Toutes ces dérives inquiètent fortement les militants politiques et les défenseurs des libertés. Outre les points évoqués dans la question n° 01673, il lui demande ce qu’elle compte faire dans l’immédiat en vue de se saisir des évènements précités pour faire part aux autorités ivoiriennes de ses préoccupations en la matière.

 

Hommage à Sadek Hadjerès

Il y a 4 mois, le 10 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce jeudi 9 février à Malakoff, j’ai eu l’honneur de participer à un bel hommage rendu à Sadek Hadjerès, figure historique du communisme algérien, engagé toute sa vie durant contre les oppressions. Sadek, qui a passé les dernières décennies en France, nous a quitté à l’automne dernier. Voici l’intervention prononcée à cette occasion, rappelant en quelques mots qui était Sadek Hadjerès et l’ampleur de ses combats pour un monde plus juste, une Algérie libre, démocratique et en paix.

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Chers camarades et ami·es, de France et d’Algérie,

 

Je suis très honoré d’être présent aujourd’hui à vos côtés, pour rendre hommage à une grande figure du communisme algérien.

Nous avons en effet été très attristés d’apprendre, le 3 novembre dernier, le décès de notre camarade Sadek Hadjerès. Je salue l’initiative de la municipalité, de la maire Jacqueline Belhomme, des communistes de Malakoff, qui ont permis, avec d’autres, la tenue de cette soirée.

Je suis très touché de passer ce moment en compagnie de ma camarade Aliki Papadomichelaki, qui a été la compagne de Sadek et avec qui nous avons pu partager des combats communs en Grèce.

Rendre hommage à Sadek Hadjerès, c’est évoquer un véritable monument de l’histoire politique et sociale, un acteur de premier plan de toutes les luttes qui ont forgé depuis près d’un siècle la nation algérienne.

Né le 13 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen, en Kabylie, Sadek est fils et petit-fils d’instituteur. Nourri d’une culture kabyle et pacifiste, il est confronté très jeunes aux brutalités coloniales. Après de brillantes études à l’université d’Alger, et parallèlement à un engagement politique et social déjà intense, il est diplômé de médecine en 1953.

Membre du Parti du Peuple Algérien (PPA) dès 1944, il le quitte en raison de désaccords sur la question berbère. Rétif à toute forme de sectarisme et de communautarisme, Sadek s’est toujours opposé à la conception  d’une Algérie réduite à l’identité arabo-musulmane.

Tout comme il s’est courageusement distancé, dès les années 1950, de la conception stalinienne de la nationalité.

Au contraire, Sadek a défendu tout au long de sa vie sa vision d’une future nation algérienne plurielle, ouverte à la diversité, fondée sur la citoyenneté civile et politique.

A la fin de l’année 1950, il adhère au Parti Communiste Algérien, dans lequel il acquiert rapidement des responsabilités. Il côtoie alors des figures telles que Fernand Iveton, Henri Maillot ou Henri Alleg. Membre du Comité Central en 1952, il dirige la revue Progrès qui jouit d’un puissant rayonnement intellectuel.

Après l’insurrection de 1954 et durant la guerre d’indépendance, il est aux côtés de Bachir Hadj-Ali à la direction du PCA. Tous deux approuvent la création de groupes de combat communistes.

Il entre en négociation, dans des conditions difficiles, avec le FLN qui refuse alors de reconnaître la présence des communistes en tant que Parti. Le démantèlement des maquis rouges conduit de nombreux communistes à intégrer l’Armée de Libération Nationale. Lors de la « Bataille d’Alger », Sadek est qualifié de « médecin pyromane » et est condamné par contumace à 20 ans de travaux forcés.

Entré dans la clandestinité après l’interdiction du PCA en 1955, dont il ne sortira qu’au moment de l’indépendance, Sadek déploie une intense activité de propagande (tracts, journaux) mais aussi de nombreux travaux intellectuels. Il fera un examen critique des retards du PCF dans l’engagement national, textes qui seront publiés dans les Cahiers du Communisme en 1958. Tout cela comptera pour faire évoluer l’appréhension des luttes coloniales par le parti communiste français.

Après l’indépendance, le PCA est à nouveau interdit en novembre 1962, mais toléré. Sadek se trouve alors en liberté provisoire.

Après le coup d’État de Boumediene en 1965, Sadek replonge dans la clandestinité pour 24 ans. Il est traqué par la police et l’armée alors qu’il poursuit, sans relâche, ses activités militantes. Après l’arrestation de Bachir Hadj-Ali, il reprend l’organisation clandestine des communistes dans le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS).

Il sort de la clandestinité en 1989 avec la proclamation du pluralisme politique. Un an après, il quitte son poste de secrétaire du PAGS pour se retirer en France.

Il demeurera jusqu’à la fin de ses jours un observateur attentif de la vie politique algérienne, et a d’ailleurs fortement soutenu dès 2019 le mouvement populaire du Hirak, se réjouissant de son pacifisme.

En juillet 2021, il l’évoquait d’ailleurs en ces termes :

« Dans le monde d’aujourd’hui miné par des risques planétaires communs, un atout important pour les forces de progrès et de paix en Algérie et en France, réside dans l’attachement aux valeurs stratégiques et universalistes portées par le rassemblement pacifique et indépendantiste du Hirak : l’exercice des Droits de l’Homme dans toutes leurs expressions, de l’État de droit appuyé sur la souveraineté populaire et enfin d’un système de relations internationales fondées non sur des critères identitaires, purement idéologiques mais sur un nouvel ordre international régi par la prise en compte des intérêts communs concrets des couches populaires et des États sur les deux rives de la Méditerranée. »

 

Sadek Hadjerès, qui a traversé toutes les tempêtes du siècle dernier, n’a jamais perdu espoir dans le siècle à venir, dans la perspective d’une Algérie libre, démocratique et en paix.

Figure de l’histoire algérienne, Sadek a vu sa lucidité, son courage et son abnégation, sa fidélité à ses convictions saluées par toutes les forces progressistes algériennes.

Nous en faisons de même aujourd’hui, et nous inclinons respectueusement devant sa mémoire.

 

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Prisonniers d’opinion en Arabie Saoudite : suivre l’avis du groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires

Il y a 11 mois, le 18 juillet 2022

Par Pierre Laurent

Choyée par les puissances occidentales, dont la France, l’Arabie Saoudite viole massivement les droits humains. J’ai interpellé aujourd’hui la Ministre des Affaires étrangères sur une de ces violations, afin qu’elle agisse en cohérence avec les recommandations du groupe de travail des Nations Unies sur les détentions arbitraires.

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J’ai attiré l’attention de Mme la Ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur les prisonniers d’opinion en Arabie Saoudite.

Parmi eux il y a le fondateur du Moniteur des droits de l’Homme, une organisation non gouvernementale (ONG) saoudienne visant à défendre les Droits de l’Homme dans le pays. Il a à de nombreuses reprises défendu des militants des droits de l’Homme devant les tribunaux, se mettant ainsi lui-même en danger. Il a notamment représenté des membres de l’association saoudienne pour les droits civils et politiques.

Arrêté en juillet 2014 et condamné en septembre 2014 à 15 ans de prison et 50 000 euros d’amende, au bout d’un procès expéditif où les droits de la défense n’ont pas été respectés, depuis son arrestation, il a été victime de nombreuses tortures, ainsi qu’à des privations de nourriture et de soins médicaux.

Le groupe de travail des Nations Unies sur les détentions arbitraires a jugé son arrestation, son procès et sa condamnation comme étant sans aucun fondement légal. Il a exigé sa libération immédiate ainsi que des réparations pour les préjudices subis.

J’ai donc demandé à la Ministre ce qu’elle compte faire pour intervenir en sa faveur auprès des autorités saoudiennes.

Question écrite n°01534 : https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/les-questions-au-gouvernement/les-questions-ecrites/article/suivre-l-avis-du-groupe-de-travail-des-nations-unies-sur-les-detentions

Second tour : pour mieux combattre Macron, battre Le Pen dimanche sans équivoque

Il y a 1 an, le 21 avril 2022

Par Pierre Laurent

Le premier tour de l’élection présidentielle, en concentrant trois quarts des voix exprimées sur seulement trois candidats, a marqué une nouvelle fois son caractère profondément antidémocratique, renvoyant comme jamais à la société française un miroir déformé de la richesse de son pluralisme politique. C’est un fait. Il aura des conséquences. Il faudra les tirer en […]

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Le premier tour de l’élection présidentielle, en concentrant trois quarts des voix exprimées sur seulement trois candidats, a marqué une nouvelle fois son caractère profondément antidémocratique, renvoyant comme jamais à la société française un miroir déformé de la richesse de son pluralisme politique. C’est un fait. Il aura des conséquences. Il faudra les tirer en reprenant le combat pour mettre à bas la monarchie présidentialiste. Car elle abîme en profondeur le pouvoir des citoyen·nes sur la politique.

Emmanuel Macron pousse à fond cette carte du présidentialisme absolu. Désormais le monarque présidentiel, s’il daigne encore se soumettre au verdict des urnes, refuse tout débat, à l’exception d’un seul entre les deux tours, dont il choisit les animateurs journalistes. Désormais les campagnes de terrain, la diversité des opinions et des courants de pensée, la saine confrontation des projets, la construction des solutions doivent s’éclipser, remplacées par le théâtre quotidien des sondages, des polémiques outrancières et des réactions en chaîne médiatiques. Désormais le choix des électeurs est d’abord contraint, par défaut, en réaction au pire, au second mais aussi au premier tour. Les challengers « qualifiables », pour accéder au second tour ou pour le gagner, utilisent les mêmes ressorts. C’est le jeu, nous dit-on.

Il y a quelques années, mon parti éditait une affiche satirique « Macron, méprisant de la République », le représentant grimé en Roi-Soleil à Versailles. Nous ne pouvions imaginer alors à quel point nous étions tombés juste. A force de refuser la contestation, l’inflexion des décisions, de briser tous les contre-pouvoirs, du Parlement aux syndicats, Emmanuel Macron a franchi à son tour des caps nouveaux vers ce présidentialisme absolu. Crise sanitaire, guerre en Ukraine : il décide de tout, pour tout le monde. Même le mécanisme d’alternance politique est aujourd’hui visé : il n’y aurait plus en France qu’un gros parti central, flanqué d’extrêmes à repousser, de préférence à l’extrême-droite. Mais cette pensée machiavélique nous rapproche chaque jour un peu plus du pire. A l’image du chêne puissant de la fable de La Fontaine, la Vème République ne plie plus tel le roseau, insensible   à la volonté populaire,  aux contestations sociales. Seule la rupture peut advenir, avec l’extrême-droite en embuscade, cette fois aux portes du pouvoir. Le piège est tendu.

Pour le déjouer il faut battre Le Pen, sans mégoter, le plus durement possible, pour pouvoir demain combattre Macron, en reconstruisant l’espoir de dignité et de justice recherché par le pays. Dans cet ordre-là et pas l’inverse, car laisser passer Le Pen, ou même la laisser à un niveau très élevé, ce serait engager le pays dans une rupture gravissime avec tous les principes d’égalité, de liberté et de fraternité qui fondent nos combats progressistes.

Marine Le Pen présidente, c’est l’entrée dans une France discriminatoire, raciste, injuste, qui priverait sans ménagement des millions de travailleurs et de familles de leurs droits. Ce sont les services publics, l’école républicaine, la Sécurité sociale, tout ce qui protège, immédiatement dans le collimateur.

Marine Le Pen présidente, c’est l’entrée de la France dans le club des régimes nationalistes xénophobes, haineux, repliés, incapables de s’ouvrir au monde, aux autres, d’affronter en commun les grands défis du climat, de l’alimentation, de la santé, de la sécurité humaine. C’est une France plus militarisée, plus policière, plus guerrière, dure aux faibles, livrée aux forts et aux puissants, toujours moins solidaire.

Marine Le Pen présidente, ce sont tous les pouvoirs d’un Président de la Vème République dans les mains d’un camp, Le Pen-Zemmour, prêt à brader nos principes de droit, à rompre avec la reconnaissance du droit international, c’est le risque pris d’un régime d’impunité au quotidien pour toutes les discriminations.

De cette rupture, il ne faut à aucun prix. Il ne faut pas de votes blancs, il faut voter contre elle, en utilisant le seul bulletin à notre disposition. Mais alors diront certains, comment se protéger contre la politique de Macron ?

En ouvrant d’autres perspectives que la seule perspective piégée de l’élection présidentielle. En préparant pour commencer dans l’unité de très grandes mobilisations sur les retraites. Emmanuel Macron n’est pas sûr de lui, nous l’avons vu. Il faudra le battre sur son projet de retraite à 65 ans. Idem sur la santé, l’école, le pouvoir d’achat ou le climat.

D’autres perspectives s’ouvrent aussi pour les élections législatives. Ce à quoi nous devons donner de la force,  c’est à ce cri de révolte mais aussi d’espoir qui s’est exprimé le 10 avril dans les urnes, avec les différents bulletins de gauche, plus de 11 millions au total, dont principalement le bulletin Jean-Luc Mélenchon. J’ai soutenu pour ma part Fabien Roussel. Mais je reconnais dans les motivations diverses du vote Mélenchon tant de préoccupations convergentes. Reprenons les chemins d’unité dans le respect mutuel.

Ces batailles commencent dimanche dans l’urne, pour battre Le Pen et la faire tomber le plus bas possible !

Le 24 avril, voter contre Le Pen doit être le geste résolu de tous les démocrates. Un geste citoyen et solidaire pour toutes celles et ceux qui pâtiraient, en premier lieu, de la prise de l’Élysée par l’extrême-droite. En glissant un bulletin Macron dans l’urne, aucun·e d’entre nous n’apportera ni soutien, ni caution à cet homme et ses projets de casse sociale. Nous nous préparerons aux combats à venir pour faire reculer ses projets, pour conquérir le plus de forces possibles au Parlement dès les 12 et 19 juin prochains.

 

Pierre Laurent

Sénateur communiste de Paris

Concentration des médias : la contribution du groupe CRCE

Il y a 1 an, le 31 mars 2022

Par Pierre Laurent

Contribution du groupe CRCE par Pierre LAURENT, membre de la commission d’enquête   La commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias et son impact sur la démocratie a travaillé pendant quatre mois. A travers 48 auditions, elle a contribué à mettre sous les projecteurs un problème crucial pour notre avenir démocratique. Les auditions […]

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Contribution du groupe CRCE

par Pierre LAURENT, membre de la commission d’enquête

 

La commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias et son impact sur la démocratie a travaillé pendant quatre mois. A travers 48 auditions, elle a contribué à mettre sous les projecteurs un problème crucial pour notre avenir démocratique.

Les auditions menées ont largement confirmé l’ampleur et l’accélération des concentrations en cours sur tous les champs du spectre médiatique. Pourtant, les principaux acteurs industriels de ces concentrations ont systématiquement cherché devant la commission à les minimiser. En effet ces groupes ne veulent à aucun prix un renforcement de la régulation de ces concentrations, alors que la loi actuelle s’avère inapte à faire face aux bouleversements en cours.

C’est le second constat au terme de cette commission d’enquête : sans de nouvelles mesures législatives, ce mouvement de concentrations va s’accélérer et porter atteinte plus gravement encore au pluralisme de l’information, à la diversité et à la création culturelle.

 

Une accélération spectaculaire des concentrations et recompositions médiatiques

Nous assistons à deux mouvements parallèles qui s’alimentent l’un l’autre.

Sous l’effet de la révolution numérique, d’une diminution de la presse papier (la plus riche avec la radio en terme de valeur ajoutée journalistique), et d’un bouleversement des usages, nous assistons à une transformation industrielle des entreprises de presse vers des projets globaux numériques (écrit, vidéo et autres services) qui cherchent de moins en moins leur rentabilité dans la qualité de la plus-value journalistique, et de plus en plus dans la « capture de l’attention » pour générer du flux sur les supports contrôlés par ces groupes globaux.

Ces mutations, qui n’ont pas trouvé à ce jour leur modèle économique durable, sont l’occasion d’une concentration accélérée de la presse écrite nationale et régionale et du secteur audiovisuel entre les mains d’une poignée de grandes familles capitalistes françaises. Huit groupes contrôlent l’essentiel du paysage métropolitain et ultramarin.

Bouygues, bientôt en alliance avec Bertelsmann si la fusion TF1-M6 se réalise, le groupe Bolloré, avec Vivendi et Lagardère-Hachette qu’il est en train d’avaler, le groupe LVMH-Bernard Arnault avec Le Parisien et Les Echos, Patrick Drahi avec Altice qui va de BFM à Libération en passant par L’Express et RMC, et Xavier Niel qui contrôle, entre autres titres avec Mathieu Pigasse, Le Monde et Télérama, sont les principaux groupes capitalistes impliqués. Trois de ces industriels sont des acteurs majeurs de la téléphonie (Bouygues, SFR et Free), ce qui accroit la dimension globale de ces concentrations.

Dans la presse écrite, la crise du modèle économique et la masse d’investissements nécessaires dans le numérique ont contraint de nombreuses sociétés éditrices de presse à se concentrer et à chercher des investisseurs capables de les recapitaliser à fonds perdus. Les grands groupes industriels se sont engouffrés dans la brèche en cherchant à renforcer leur pouvoir d’influence. Ces groupes visent leur rentabilité dans les médias en cherchant à capter les recettes publicitaires, en concurrence avec les plateformes américaines qui aspirent ces recettes en pillant les contenus éditoriaux.

La concentration des régies publicitaires dans les mains de ces groupes est donc devenu un phénomène structurant de la période, avec des effets de contrôle indirect contre le pluralisme, de droit de vie ou de mort sur les médias concurrents. Le taux de concentration atteint 70 % pour la publicité en ligne, et atteindrait ce même taux dans l’audiovisuel si la fusion TF1-M6 se réalisait.

Dans l’audiovisuel – la télévision en particulier – l’augmentation du nombre de chaînes masque un puissant mouvement de soumission des médias à l’audimat et à la logique de « capture de l’attention ». La concurrence des plates-formes nord-américaines pousse à la concentration dans une sorte de fuite en avant généralisée qui risque à terme de miner les ressorts et les financements d’une création diversifiée.

 

Des dangers multiples pour la démocratie, la qualité de l’information, et la culture 

L’accélération en cours de la mainmise de grands groupes industriels capitalistes sur les médias fait courir des menaces, non seulement de contrôle politique de l’information, mais aussi de contrôle des usages culturels et des habitudes de consommation.

Dans le domaine du contrôle de l’information, la reprise en main agressive des rédactions d’iTélé, devenu Cnews, et d’Europe 1 est la partie la plus brutale, et la plus visible de l’iceberg. Mais la course à une info « spectacularisée » au détriment de sa qualité abîme partout la qualité des métiers et le pluralisme de l’information.

Les médias façonnent à long terme les imaginaires et agissent sur les structures sociales, politiques et culturelles. Dans le contexte actuel, l’uniformisation des modèles culturels est donc une menace. Les programmes qui favorisent l’efficacité publicitaire sont survalorisés, au détriment des fonctions pédagogiques, d’information et d’alerte. Cela conduit à l’appauvrissement et l’alignement des contenus.

La construction d’une « opinion publique » dominante refoule dans le silence nombre de points de vue, minoritaires ou non d’ailleurs, alimentant une spirale de défiance croissante, qui favorise en retour le succès de rumeurs complotistes sur les réseaux sociaux ou le succès de médias dits « antisystème », penchants en général à l’extrême-droite… parfois à leur tour relayés par les grands médias qu’ils critiquent.

Les logiques financières poussent de surcroît à l’effacement de la frontière entre information et communication, contribuant à la dévalorisation du métier de journaliste et à sa précarisation, au bénéfice d’un journalisme de service plutôt qu’à l’exigence journalistique.

 

Un urgent besoin de soutien et de protections nouvelles pour la qualité et le pluralisme de l’information

Contrairement au groupe Les Républicains qui a défendu dans la commission, à l’unisson des grands patrons acteurs des concentrations actuelles, qu’il n’y avait pas de concentrations excessives, et donc pas besoin de régulations nouvelles, le groupe CRCE considère urgent de remettre la loi sur le métier au plus vite pour mettre un coup d’arrêt aux concentrations et repenser la vitalité et le pluralisme de l’information et des médias.

Compte tenu des lourds désaccords qui l’ont traversée, la commission d’enquête n’a pas pu adopter de recommandations à la hauteur de la situation. Le débat au Parlement toutefois mentionné dans ses recommandations devra être saisi dès 2022 pour avancer des propositions nouvelles.

 

Le groupe CRCE soutient notamment les pistes de travail suivantes :

1) le renforcement des seuils anti-concentrations par une révision indispensable de la loi de 1986, pour réformer en profondeur leur niveau et leur conception. Il est nécessaire de tenir compte de la dimension globale et multisectorielle des concentrations actuelles. En plus des seuils de contrôle capitalistique, l’audience cumulée d’un groupe et la part occupée par un groupe sur le marché publicitaire tous médias confondus doivent être retenus. La piste de la mesure de la « part d’attention » exercée par un groupe, recommandée par la commission, nous semble devoir elle aussi être poursuivie.

 

2) le soutien accru au pluralisme, qui passe notamment par :

une réforme des aides à la presse. Les plus grands groupes sont les plus gros bénéficiaires de ces aides. Le Parisien (LVMH), Le Monde (Xavier Niel), et Le Figaro touchent au total trois fois plus d’aides que l’ensemble des quotidiens à faible ressources publicitaires. Outre la proposition de la commission (tenir compte du chiffre d’affaires global des groupes bénéficiaires), le groupe CRCE propose le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.

la reconstruction d’un système de distribution coopératif, garantissant l’accès de tous les titres à la distribution.

l’appui à des projets de « fondations » garantissant l’indépendance des titres ne souhaitant pas être adossés à un groupe capitaliste.

 

3) l’application pleine et entière par les géants du numérique des lois et directives sur les droits d’auteur et les droits voisins. Nous soutenons la sortie du secret des accords passés de gré à gré entre un groupe éditeur et les plateformes, au bénéfice de la recherche continue d’un accord collectif et coopératif mutualisant les recettes générées par la contribution des plateformes en vertu de l’application de ces lois. Ces recettes pourraient notamment alimenter les projets de développement numérique des entreprises de presse, avec des critères de répartition pluralistes, ne permettant pas la captation de ces recettes par les seuls plus grands groupes.

 

4) le renforcement des garde-fous protégeant l’indépendance des journalistes, et les garanties juridiques protégeant l’exercice du métier, en étudiant et évaluant toutes les pistes mises en débat lors des auditions (statut juridique des rédactions, droit de veto sur la désignation des directeurs de rédaction, création d’un délit de « trafic d’influence en matière de presse…).

 

5)  la création d’un Conseil supérieur des médias, en lieu et place de l’ARCOM, démocratiquement constitué, incluant dans ses missions le respect de lois anti-concentrations renforcées, la consolidation du pluralisme, le développement de la création française dans les programmes culturels et de loisirs à la télévision.

 

Retrouvez sur le site du Sénat le rapport complet de la Commission d’enquête et sa synthèse : http://www.senat.fr/commission/enquete/2021_concentration_des_medias_en_france.html

Discours de Pierre Laurent sur la guerre en Ukraine

Il y a 1 an, le 2 mars 2022

Par Pierre Laurent

Discours sur la guerre en Ukraine prononcé à la tribune du Sénat le 1er mars 2022, suite à la déclaration du Premier ministre Jean Castex devant la chambre haute en application de l’article 50-1 de la Constitution.

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Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
La guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine le 24 février est inacceptable. Elle est irresponsable. Elle plonge le peuple ukrainien dans un cauchemar in-soutenable. Elle menace la sécurité de l’Europe et du monde. Le risque d’une escalade incontrôlable augmente chaque jour. La situation est donc d’une extrême gravité.
Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur les causes de cette entrée en guerre de la Russie, j’y reviendrai, je veux redire ici la condamnation totale qui est la nôtre. Cette guerre est un crime contre la souveraineté d’un État, l’Ukraine, un crime contre le droit international, un crime contre la paix. Rien ne peut excuser le sort infligé à des mil-lions d’Ukrainiens, aujourd’hui sous les bombes ou sur les routes de l’exode, dont nous sommes solidaires.
Dans un monde si interdépendant, cette guerre est un échec pour tous, un échec pour la sécurité collective de l’Europe. Elle montre les limites dangereuses atteintes par la militarisation des relations internationales, et son cortège de discours guerriers, de haines et de nationalismes.
Pour toutes ces raisons, parce que cette guerre est illégitime et illégale, parce qu’elle est inhumaine pour le peuple ukrainien, parce qu’elle menace la sécurité de l’Europe et du monde, qu’elle risque de nous entraîner vers l’irréparable, la première des exigences que nous clamons haut et fort est celle d’un cessez-le-feu immédiat. Un cessez-le-feu pour épargner les vies, un cessez-le-feu pour faire cesser l’exode, un cessez-le-feu pour garantir la tenue de discussions de paix.
C’est pour ces objectifs, pour stopper la guerre, que la pression internationale la plus large possible doit s’exprimer. Le vote de l’Assemblée générale extraordinaire, actuellement en discussion à l’ONU, sera un moment important. Faisons entendre les mobilisations citoyennes qui exigent partout le cessez-le-feu et la paix. Saluons les manifestations courageuses en Russie, en demandant la liberté des opposants à cette sale guerre. Nous ferons tout pour que ce qui nous concerne pour encourager les mobilisations populaires pour la paix.
Les sanctions internationales contre le régime de Poutine peuvent participer à cette pression, à condition qu’elles frappent juste. Il ne s’agit pas pour nous de mettre à genoux un peuple, mais d’isoler un pouvoir oligarchique, autoritaire, fauteur de guerre. Le risque est grand de punir les peuples, en Russie et ailleurs, alors que les sanctions doivent viser les cercles du pouvoir impliqués dans les décisions guerrières, et les oligarques, qui pillent leur pays sans vergogne avec la complicité tacite, et depuis bien longtemps, du monde de la finance internationale. Les tergiversations sur SWIFT montrent d’ailleurs le degré d’intimité qui règne dans la haute finance et les paradis fiscaux. Retenons au passage qu’il est donc possible, quand on en a la volonté poli-tique, de cibler les flux financiers au plus haut niveau.
Autre urgence, tout doit renforcer l’aide humanitaire et la sécurisation de son accès aux zones de conflit, conformément au droit humanitaire international, la livraison de matériels de protection, l’accueil des réfugiés, avec notamment l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés et l’accueil dans tous les pays de l’Union et pas seulement les pays frontaliers. Là aussi, je vois que beaucoup de tabous se lèvent, qu’il est possible d’accueillir beaucoup, et nous nous en réjouissons, même si le tri ethnique que semblent vouloir organiser la Pologne et la Hongrie avec la complicité de l’UE est parfaitement indécent. L’Union africaine s’en est émue hier. On ne trie pas les victimes des guerres.
Les livraisons d’armes sont l’autre sujet brûlant. Face à l’agression russe caractérisée, qui oserait dénier à l’Ukraine le droit de se défendre ? La France parle d’aider à renforcer ses moyens de défense, mais on entend aussi parler d’avions de chasse, ce qui pourrait impliquer directement ou indirectement le système de l’OTAN. Le Parlement doit être clairement informé, et connaître avec précision ce qui a été livré et ce qui sera livré. Le contrôle du Parlement sur ces évolutions rapides est essentiel. J’entends des « ourrah ! » saluer le soudain emballement militaire de l’Union européenne et l’annonce d’un réarmement de l’Allemagne à hauteur de 100 milliards d’euros, le double de notre budget militaire. La gravité des enjeux devrait nous inciter à plus de clairvoyance et de lucidité.
Il s’agit là de questions hautement inflammables. La frontière est fragile vers une escalade entraînant dans la guerre des pays européens membres de l’OTAN, une escalade aux conséquences alors incalculables. La mise en alerte de la force de dissuasion russe par Vladimir Poutine est dans ce contexte parfaitement irresponsable. Toutes les puissances nucléaires, comme la France, ont l’immense responsabilité de ne pas entraîner le monde dans cette folie. La déclaration de Bruno Le Maire parlant de « guerre totale à la Russie » jette dangereusement de l’huile sur un feu déjà brûlant.
Des efforts de désescalade ont été faits mais tout n’a pas été fait pour la désescalade, ou bien trop tard. Aujourd’hui, la guerre ne doit pas éteindre les efforts de paix, elle doit les renforcer. J’entends la voix des boutefeux nous dire qu’il faut oublier tout cela, que seul compte d’armer l’Ukraine. Mais la guerre c’est le peuple ukrainien qui en est la première victime. Le cessez-le feu, l’arrêt des bombardements, la reprise de discussions pour un accord de paix, respectant la souveraineté de l’Ukraine, voilà ce qui doit rester la colonne vertébrale de l’action de la France.
La paix est plus que jamais affaire de sécurité globale et collective. La guerre en Ukraine nous dit combien la militarisation des relations internationales a atteint la cote d’alerte.
Dès la décennie 1990, après la dissolution du Pacte de Varsovie, des opportunités historiques s’ouvraient pour construire un monde débarrassé de l’affrontement des blocs et ouvrant la voie à de massifs désarmements. C’est le contraire qui a été fait. Tandis que les oligarques pillaient la Russie, sous le regard complice de multinationales à l’affût de leur part du gâteau, la seule logique à l’œuvre fut celle de l’extension de l’OTAN et de l’hégémonie mondiale.
Après l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, les États-Unis ont poussé les feux de cette confrontation. Et les Européens n’ont jamais trouvé les voies d’une parole unie et indépendante, pour rouvrir la voie du dialogue avec la Russie sur ce qu’Emmanuel Macron appelait en 2018 « une nouvelle architecture de sécurité européenne », ou ce que nous appelons « une initiative multilatérale pour un nouveau traité pan-européen de paix et de sécurité ». La Russie s’est elle-même enfoncée dans cette logique guerrière de confrontation, singulièrement depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, jusqu’à cette guerre dramatique en Ukraine. Durant ces longues années il faut le dire, jamais l’occasion ne fut saisie pour ouvrir sérieusement de réelles voies de négociation, laissant seules la confrontation et la force s’exprimer.
Vingt ans d’obsession otanienne pour le surarmement, vingt ans de réarmement russe, vingt ans d’exacerbations des nationalismes, le bilan est désastreux. Que de temps perdu qu’il faudra maintenant regagner en faveur de la paix.
Alors oui, même au cœur de ce terrible orage de bombardements, la paix doit rester notre projet politique. La paix, pas l’équilibre de la terreur ou la confrontation des puissances.
La paix pour l’Ukraine, avec le cessez-le-feu immédiat et le départ des troupes russes. La paix pour la Russie, qui doit trouver avec l’Europe les conditions d’une sécurité sans l’OTAN à ses portes.
Même quand il paraît si étroit, un chemin existe toujours pour le dialogue. La France doit aider les belligérants à l’emprunter, en usant de la voix forte qui est la sienne à l’ONU comme à l’OSCE.
La paix aussi pour la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie, dont l’intégrité doivent être préservées.
La paix pour tous les Européens qui doivent assurer leur sécurité souverainement, dans le respect mutuel des États, sans la tutelle américaine otanienne.
La paix par le désarmement nucléaire et conventionnel multilatéral.
La paix partout dans le monde, en Afrique, au Moyen-Orient avec la fin des opérations militaires extérieures !
Oui, chers collègues, comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations Unies le 18 décembre dernier en recevant la lampe de la paix de saint François : « Dans un monde où nous pouvons tout choisir, choisissons la paix ».
Retrouvez ici la vidéo intégrale de l’intervention

Ivry par toutes et tous

Il y a 1 an, le 15 janvier 2022

Par Pierre Laurent

Le mot de Pierre Laurent :
Abstention, crise de la politique, mise en scène présidentielle très éloignée des attentes populaires… La démocratie est en souffrance. Comment réengager la mobilisation politique populaire ?
Comme bon nombre de maires et de militant·es, Philippe Bouyssou est confronté à ces questions. Dans sa ville d’Ivry-sur-Seine, commune populaire de 65 000 habitant·es aux portes de Paris, il a pu conduire une expérience politique nouvelle lors des dernières élections municipales, avec la mise en place d’un tiers citoyen.
Cette expérience, comme d’autres que nous tenterons de présenter au fil des mois à venir, a tenté de répondre aux aspirations de nombre de nos concitoyen·nes à intervenir, tout en s’inscrivant dans la longue histoire des pratiques de politisation populaire dans notre pays. L’expérience ivryenne mérite d’être davantage connue ; je remercie Philippe Bouyssou d’avoir bien voulu partager ses réflexions à ce sujet.

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Ivry par toutes et tous

Par Philippe Bouyssou*

 

Les élections départementales et régionales en juin 2021 ont été marquées par un nouveau record d’abstention : seul un tiers du corps électoral s’est rendu aux urnes. Un taux de participation largement inférieur aux scrutins de 2015, qui avaient mobilisé plus de la moitié des inscrit·es. De manière générale, l’abstention progresse à chaque élection depuis 20 ans et aucun scrutin n’est épargné. Quels sont les ressorts de ce glissement inquiétant ?

Il en va d’abord du ressenti de la population, qui interroge la capacité des organisations politiques à améliorer ses conditions de vie. Face à la crise économique et au dérèglement climatique, des gouvernements de droite comme de gauche se sont succédés cette dernière décennie, sans parvenir à faire reculer le chômage, la précarité et le réchauffement climatique. Dès lors, c’est la promesse politique selon laquelle les générations futures vivraient mieux que les précédentes qui s’est effondrée.

Le sentiment de défiance vis-à-vis du politique se nourrit ensuite du nombre croissant de scandales et d’affaires financières révélées par les médias. Il n’est plus seulement question de désillusion, mais de méfiance, voire de dégout, qui accentue pour sûr la perception d’une classe politique déconnectée des réalités du quotidien de la population. Et pourtant, chaque jour, des projets culturels et sportifs imaginés par les associations et les collectifs d’habitant·es, aux solidarités concrètes et informelles qui animent les quartiers populaires, la « chose » politique s’exprime partout sur le territoire. Alors, comment contribuer à renforcer ces dynamiques et les faire converger vers un mouvement pour l’émancipation ?

 

Partager les pouvoirs

Nous avons tenté, avec humilité, à l’échelle d’Ivry, de formuler une réponse à cette question lors des élections municipales en 2020, alors qu’une liste d’union rassemblant le PS, la France insoumise et EELV nous faisait face. Notre conviction : aucun changement majeur de société n’interviendra sans l’engagement du plus grand nombre. Notre ambition : passer un nouveau cap dans le partage des pouvoirs avec les habitant·es. Le moyen : ouvrir l’animation, les choix stratégiques de la campagne et enfin la liste à un « tiers citoyen ».

Une seule condition pour l’intégrer, ne pas être membre d’une organisation politique. Ainsi, durant plusieurs semaines, des Ivryen·nes ont été désigné·es par les habitant·es dans chaque quartier. Quelque 221 personnes se sont engagées dans ce processus, proposant jusqu’à huit noms susceptibles de rejoindre la liste. La démarche a révélé plus de 200 candidatures, pour « seulement » 16 possibilités en position éligible, dont 5 au sein de l’exécutif municipal. Chaque candidature a ensuite été étudiée par l’ensemble du collectif de campagne, de sorte à constituer une équipe au plus proche de la réalité d’Ivry, notre ville populaire aux portes de Paris.

Le soir du premier tour, les Ivryen·nes nous ont placés largement en tête avec 48.65% des suffrages exprimés. Depuis notre victoire et le ralliement d’EELV dans l’entre-deux tours, je mesure chaque jour, dans l’exercice de mon mandat, la richesse de leurs analyses et apports dans les débats de la majorité. Je le dis avec fierté, aucune équipe municipale n’a jamais été autant aux couleurs d’Ivry et de ses engagements.

 

« Il est encore temps de passer du bon côté de la barrière »

Mais je mesure aussi toute la violence qui se déchaîne à leur encontre, notamment les jeunes élu·es issu·es des quartiers populaires. En réalité, ce qui alimente les discours racistes et anti-jeunes de l’opposition – de droite comme de gauche – c’est que des enfants qui ont grandi dans des familles modestes, témoins de l’Histoire de l’immigration, occupent à Ivry toute la place qui leur revient de droit en France : celle de décider, d’exprimer une parole politique et d’être élu·es.

Bien sûr, cette expérience de partage réel du pouvoir constitue un véritable défi démocratique. Elle est aussi complémentaire du partage du pouvoir avec les habitant·es sur tous sujets les stratégiques de la ville, comme nous l’avons fait – malgré la pandémie – en 2021 sur l’action climat de la ville.

Quant à sa réussite, elle repose sur cette maxime : « respecter ce qui nous éloigne, se retrouver sur tout ce qui nous rassemble ». En ce sens, les polémiques nauséabondes qui embolisent la vie politique du pays sont autant d’instruments de division, qui nuisent à la construction d’un avenir en commun. Et particulièrement les instrumentalisations de la laïcité à des fins islamophobes, qui en plus d’insulter la dignité de plusieurs millions de personnes en France, menacent de faire exploser le seule cadre – la loi de 1905 – dans lequel peut s’épanouir la diversité des origines et des cultures.

Il est aussi révoltant de constater qu’un trop grand nombre de personnalités et militant-e-s politiques versent dans ce jeu dangereux… et hélas, pas seulement à droite. Phénomène paradoxal, ils et elles se rapprochent parfois même aujourd’hui de figures réactionnaires qu’elles avaient pourtant combattues avec ardeur lors de l’ouverture des droits au mariage à la communauté LGBT. A l’heure où l’ombre de l’extrême droite plane sur l’Élysée, et que ses idées ont – je le regrette – creusé leur nid à droite, il est encore temps de passer du bon côté de la barrière.

 

*Philippe Bouyssou est maire communiste d’Ivry-sur-Seine

20 ans d’action pour le Val-de-Marne, par Christian Favier

Il y a 1 an, le 16 décembre 2021

Par Pierre Laurent

Le mot de Pierre Laurent : Le 9 décembre, j’étais à Ivry-sur-Seine où, à l’initiative de Christian Favier plusieurs centaines de personnes étaient réunies pour un temps amical et convivial, pour saluer le travail accompli à la tête du Conseil départemental du Val-de-Marne. Nous étions heureux de partager ce moment autour de cette personnalité communiste si attachante, et dont le mandat a été marqué par une incessante innovation politique.
A cette occasion, Christian Favier a tiré un bilan de l’action de la majorité départementale qu’il a animée. Il m’a semblé utile de porter son intervention à votre connaissance pour les leçons politiques que ce bilan inspire, sur l’utilité des idées communistes lorsqu’elles sont mises en pratique avec esprit de suite et appel à l’intervention citoyenne.

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20 ans d’action pour le Val-de-Marne

Extraits du discours prononcé par Christian Favier à Ivry-sur-Seine, le 9 décembre 2021

 

« […] Dans notre diversité, que j’ai toujours considéré comme une richesse, nous avons tous en commun un attachement très fort aux politiques publiques que nous avons construites ensemble au cours des dernières décennies ; des politiques souvent très innovantes, marquées par une volonté constante d’agir contre les inégalités qui minent notre société.

Le Val-de-Marne n’échappe pas à ces maux mais ici aucune situation ne nous a jamais laissé indifférent. Dès sa création en 1967 avec Gaston Viens, puis à partir de 1976 avec Michel Germa, les majorités de gauche et écologistes qui se sont succédées n’ont eues de cesse de se battre sans relâche pour construire un département solidaire, un département utile au quotidien et portant une forte ambition émancipatrice.

Aucun des grands défis auxquels nous sommes confrontés n’a été négligé. Aucun rêve n’a été censuré. Ce qui a souvent différencié ce Département de bien d’autres, et sans en faire un quelconque modèle c’est le refus permanent de se laisser enfermer dans un carcan bureaucratique dicté par l’État, limitant notre action à des compétences dites obligatoires.

Nous sommes de farouches défenseurs de la pleine souveraineté des collectivités et de leur liberté d’agir en toute circonstance dans quelque domaine que ce soit en lien avec les besoins exprimés par la population. Souvent au nom de la rationalisation des dépenses, les pouvoirs successifs ont tenté de limiter cette liberté d’action par la suppression de leur autonomie financière, par un encadrement budgétaire technocratique, par une tutelle de plus en plus pesante et un désengagement financier à leur égard.

Malgré ce contexte de plus en plus contraint, ici nous n’avons jamais renoncé à agir, à entreprendre, à innover, en recherchant en permanence l’intervention de nos concitoyens.

J’ai eu la grande chance d’accéder à des responsabilités dans le sillage de femmes et d’hommes remarquables qui ont été les pionniers de la construction du Val de Marne.

Comment pourrait-on oublier le rôle visionnaire de Michel Germa en matière environnementale et culturelle ? Des investissements massifs dans la lutte contre les inondations qui ont tant marqué ce territoire ou l’eau occupe une place si importante. Mais aussi l’audace, le défi de mettre l’art contemporain à la portée de tous qui conduiront à l’ouverture du Mac-Val en 2005, premier grand musée contemporain en banlieue. Choix audacieux, courageux qui fut combattu par certains avant d’être aujourd’hui salué.

Tout au long de ces 20 années de présidence, j’ai été fidèle à cet héritage politique fondé sur des valeurs de justice et d’égalité. Mais nous avons été confrontés aussi à de nouveaux défis qu’il à fallu relever en sortant des sentiers battus. Le Val-de-Marne au début des années 2000 sort d’une période très dure marquée par la désindustrialisation, les fermetures en cascade d’entreprises, le développement de friches industrielles sur des terrains bien souvent pollués.

Une forte résistance a marqué notre département avec une mobilisation constante de la majorité départementale au côté des salariés. Ces combats difficiles ont freiné ce rouleau compresseur libéral mais n’ont pas permis hélas d’enrayer cette casse et le risque était grand de voir ce département partir à la dérive.

Conscient des formidables atouts que nous possédions, il a fallu repenser le développement du Val-de-Marne en valorisant son potentiel de santé, son pôle agro-alimentaire avec le MIN de Rungis ou les très grands pôles d’emplois autour d’Orly et de Val-de-Fontenay, son pôle universitaire et de recherche avec les facs de Créteil et du Kremlin-Bicêtre.

A cet égard, je veux saluer le travail mené par le Comité de développement du Val-de-Marne auquel le Conseil général s’est immédiatement associé pour conduire cette réflexion. Je pense à la Vallée Scientifique de la Bièvre ou au redéveloppement de la Seine-Amont.

En se tournant résolument vers l’avenir, nous nous sommes engagés à créer les conditions d’un département agréable à vivre répondant aux besoins de logements, favorisant le développement de l’emploi, un meilleur accueil de la petite enfance et une profonde rénovation des collèges. En un mot : faire reculer les déséquilibres profonds existant dans ce territoire.

Pour y parvenir, nous avons très vite compris qu’une telle ambition devait se construire avec les habitants eux-mêmes. Ce fut le lancement d’une démarche participative inédite (IMAGINE LE VAL-DE-MARNE), faite de rencontres, de consultations multiples avec le recueil de nombreuses propositions. Au final 126 engagements, dont l’exécution fut placée sous le contrôle des citoyens.

Cette séquence d’une vraie consultation encore jamais réalisée à cette échelle a marqué durablement notre département. Elle a permis de créer des liens beaucoup plus étroits avec les communes dans leur diversité comme avec toutes les forces vives du Val-de-Marne. Elle aura ainsi permis de redéfinir un vrai projet pour ce département qui marque encore aujourd’hui son identité.

Je pense aux décisions majeures qui nous ont conduits à mettre en place le remboursement à 50% de la carte Imagine R à tous les jeunes, la création du festival de l’OH, la remise d’un ordinateur portable à chaque collégien, la création de 1 500 places en crèche avec les communes, suivie de 1 000 places nouvelles dans les crèches départementales. Au cœur de ces engagements, je veux souligner la place des politiques de solidarité pour accompagner et soutenir les populations les plus fragilisées par l’exclusion sociale. Ce fut cette belle campagne « ma parole contre l’exclusion » animée par mon ami Alain Desmarest, qui nous a permis de repenser en profondeur notre action sociale au quotidien pour la placer au plus près des citoyens.

Ce département n’a jamais failli dans son engagement aux côtés des plus fragiles, je pense à notre soutien aux réfugiés, au parrainage des enfants sans-papiers, à la régularisation des sans-papiers depuis l’évacuation du squat de Cachan il y a 15 ans, à notre soutien aujourd’hui aux travailleurs de Chronopost, comme à l’hébergement de familles Roms à la gendarmerie de Saint-Maur ou la création du village d’insertion à Orly. Au moment où nous assistons à la montée des idées racistes et xénophobes, je suis fier d’avoir conduit dans ce département des combats solidaires pour l’égalité et la reconnaissance des mêmes droits pour tous. C’est un combat qui me tient à cœur et que j’ai pu prolonger au Sénat avec Laurence Cohen, pour lutter contre les discriminations et les contrôles au faciès.

Cette solidarité s’est également exprimée fortement en direction des familles, des personnes âgées et personnes handicapées. La mise en place de l’APA, de la carte Améthyste, du RSA, de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, des espaces d’insertion se sont accompagnés de moments forts, comme les fêtes de solidarité, en lien étroit avec des centaines d’associations, dont le rôle a été mieux reconnu et valorisé.

Mais si deux moments forts ont marqué ces deux dernières décennies c’est bien le rôle pionnier que nous avons joué pour permettre une vraie révolution dans les transports avec la création d’Orbival ; un métro pour la banlieue et notre engagement pour mettre en échec le projet funeste de disparition des départements.

L’aventure Orbival que vous êtes nombreux à avoir vécue, restera dans toutes les mémoires. Conscients de la saturation croissante de la circulation routière et de ses conséquences environnementales et sanitaires catastrophiques nous avons dès 2004 imaginé un métro de banlieue à banlieue évitant le passage contraint par la capitale et bien connecté à toutes les lignes de RER. Ce projet reçut immédiatement le soutien unanime des maires, des acteurs économiques, sociaux, universitaires. Très rapidement une association trans-partisane se constitua et recueillera plus de 60 000 soutiens à travers tout le département.

L’idée séduit également des communes de départements voisins. Il restait à convaincre l’État et la Région d’avoir l’audace d’investir plusieurs dizaines de milliards d’euros pour doubler le réseau de métro d’Ile-de-France. Ce fut un combat passionnant et victorieux fait d’invitations aux ministres successifs de venir sur place découvrir nos propositions, comme la visite de Christian Blanc à Villejuif pour gagner une station de métro au pied de l’IGR, le plus grand pôle européen de lutte contre le cancer, ou les déplacements à Madrid et à Singapour pour s’inspirer de bons exemples réalisés à l’étranger. Je n’oublie pas le grand colloque organisé au pavillon Baltard avec Jacques JP Martin pour promouvoir ce projet.

Cette formidable dynamique mettant en mouvement toutes les forces vives de ce département et les habitants eux-mêmes nous a permis d’obtenir avec le « Grand Paris Express » la réalisation actuellement en cours de ce métro avec exactement le parcours et le nombre de gares que nous revendiquions pour permettre le meilleur maillage de notre territoire.

Cette expérience a montré que lorsque l’intérêt général était en jeu nous étions capables dans ce département de dépasser nos oppositions politiques pour répondre aux besoins de la population. Bien entendu tous les sujets ne sont pas aussi consensuels et nous avons vécu des débats souvent vifs entre la majorité et l’opposition sur le logement par exemple ou la culture, mais je peux en témoigner, toujours dans le respect de chacun.

Cette expérience du Métro et la méthode mise en place pour aboutir nous a beaucoup servi également quand à plusieurs reprises la menace a pesé sur l’existence même du Département. Le sujet n’est pas nouveau, sous prétexte de doublon, Nicolas Sarkozy avait supprimé en 2010 la clause de compétence générale aux départements et voulait fusionner le niveau départemental et régional. La suppression de l’échelon départemental signifiant une centralisation encore plus forte des pouvoirs en éloignant les citoyens des lieux de décision et la disparition d’une assemblée élue.  Débat difficile, qui ne se réduisait pas à un duel gauche/droite. Au sein même de la gauche des visions très différentes s’opposaient. En 2014, le nouveau Premier Ministre du Président Hollande, Manuel Vals, annonce la fin des départements pour 2020 et la division par 2 du nombre de Régions au nom de la réduction de la dépense publique et du prétendu mille-feuilles territorial.

Tout en gardant la cohésion de la majorité départementale, j’ai immédiatement pensé que nous ne pouvions pas laisser disparaître ces assemblées élues, issues de la révolution française et qui faisaient chaque jour la démonstration de leur utilité pour nos concitoyens. Là encore pour permettre d’apporter des éléments précis au débat, j’ai proposé d’organiser une très vaste consultation de la population et la mise en place d’une mission d’évaluation pluraliste sur les conséquences de la disparition du Val-de-Marne avec un rapporteur issu de l’opposition.

Pendant plusieurs mois nous avons auditionné les principaux acteurs de la vie départementale : organisations syndicales, grandes associations culturelles, sportives, caritatives, Président des départements de petite couronne, Président de la Région… Au final, cette réforme territoriale sera mise en échec.

Quelques temps plus tard le nouveau Président de la République a tenté également de remettre en cause les départements, notamment ceux inclus dans une Métropole. Là encore, la mobilisation fut très large, sous le thème « le Val-de-Marne j’y tiens » des milliers de nos concitoyens ont exprimé par voie de pétitions ou de manifestations, le refus de cette disparition. Ce mouvement a permis de renforcer les liens entre les départements d’Ile-de-France et de mettre en place un fonds d’investissement solidaire de 150 millions permettant de créer un début de solidarité financière.

Aujourd’hui, la place prise par le Département dans la lutte contre la pandémie face à un État défaillant a conduit le gouvernement à renoncer à cette disparition. Mais la vigilance reste nécessaire.

L’étendue des actions engagées depuis 20 ans ne me permet pas de les évoquer toutes, mais je manquerais à mes responsabilités si je n’évoquais pas quelques sujets de première importance.

Parmi nos responsabilités la protection de l’enfance occupe une place particulière. Mal connue du grand public, l’action de la collectivité n’en est pas moins essentielle. Des milliers d’enfants nous sont confiés par décision de justice. Des efforts considérables ont été entrepris pour améliorer leur accueil, leur soutien en transformant les foyers, en créant les conditions de leur émancipation. Nous touchons là au plus sensible de la condition humaine. Parmi eux, se trouvent les mineurs isolés étrangers dont la situation est encore plus précaire. Là aussi, je suis fier du travail accompli par nos services et nos élus pour rejeter tout comportement discriminatoire à leur égard et être fidèle à la Convention Internationale des droits de l’enfant. Merci à Isabelle Santiago qui poursuit ce combat à l’Assemblée et à Hélène de Comarmond qui l’avait remplacé dans sa délégation.

Dans le même esprit, fidèle à nos valeurs humanistes, nous avons pris toute notre place dans le combat contre les violences faites aux femmes, sous l’impulsion de Fatiha Aggoune nous avons réussi à ouvrir une structure d’accueil d’urgence dans le Val de Marne et j’espère bien qu’une autre structure ouvrira à l’avenir, comme nous l’avions proposé.

L’évolution de notre Région sous l’effet de la crise sociale, urbaine, environnementale nourrie bien des angoisses. Si nous pouvons nous satisfaire de progrès réalisés dans bien des domaines, le logement reste un point noir. Les envolées spéculatives dans notre Métropole, le refus égoïste d’élus locaux de construire des logements adaptés aux ressources des demandeurs, l’étranglement financier des bailleurs sociaux nous mènent tout droit à la catastrophe.

Dans ce département, nous avons tout fait pour enrayer cette spirale du déclin par un soutien sans faille à notre bailleur social Valophis et à tous les bailleurs pour la construction d’une offre nouvelle comme pour les réhabilitations. Merci à Abraham Johnson qui a présidé Valophis ces dernières années. J’espère sincèrement que toutes ces avancées ne seront pas remises en cause. Mais je ne vous cache pas mon inquiétude.

Au titre des avancées marquantes, je soulignerai la très forte ambition que nous avons portée dans le domaine éducatif avec un nombre considérable de collèges construits, reconstruits ou réhabilités, dont les deux derniers à Vitry et Valenton portent les noms si symboliques de Maurice et Josette Audin et de Samuel Paty. Merci à Evelyne Rabardel, 1ère Vice-Présidente pour son investissement exemplaire.

Une approche nouvelle du monde de l’entreprise a parfois surpris et marqué cette période, venant d’un Président communiste. Le Val de Marne a besoin d’entreprises performantes et innovantes. Dès 2001 j’ai tenu avec Laurent Garnier, Pascal Savoldelli et Didier Guillaume à créer des outils nouveaux pour favoriser leur développement, comme l’Agence départementale du développement ou la Cité des métiers. Des liens solides se sont créés et je remercie tous les chefs d’entreprises qui nous ont permis de développer une offre plus importante d’insertion professionnelle en direction des jeunes.

Enfin un immense défi reste à relever. La lutte contre la crise climatique et les enjeux environnementaux ont pris une dimension nouvelle dans notre département. Si nous pouvons nous féliciter d’avoir su très tôt préserver d’immenses espaces de respiration avec les parcs départementaux, avec la création d’Espaces Naturels Sensibles, avec la préservation des iles de la Marne ou la réouverture de la Bièvre nous avons besoin à l’avenir de repenser complètement et durablement l’aménagement du territoire pour préserver au maximum la nature existante et lutter contre l’artificialisation des sols. Pour cela il faudra être capable de résister à la pression immobilière. Je suis convaincu que les Val-de-Marnais sauront se rassembler pour préserver un département respirable.

 

Pour moi, une page se tourne. J’ai aimé ce département avec passion. Que de belles rencontres, enthousiasmantes avec des collégiens, des chercheurs, des artistes, des salariés en lutte, des simples citoyens.

Ce département, qu’un Préfet m’avait décrit comme l’arrière cours de la Capitale a gagné aujourd’hui une identité. Il est porteur d’un très bel avenir à l’image de ses champions sportifs qui ont tant brillé aux derniers jeux olympiques.

Si nous pouvons regarder sans rougir ces années d’engagement c’est grâce à une majorité unie où j’ai toujours veillé que les processus décisionnels offrent à chacun sa place dans le respect et la cordialité. Merci à tous mes collègues de gauche et écologistes qui ont su en toute circonstance garder leur unité.

Permettez-moi de saluer chaleureusement les trois présidents du groupe de notre dernier mandat. Pascal Savoldelli pour le groupe communiste, insoumis et citoyen, Hélène de Comarmond pour le groupe socialiste et républicain, Christian Métairie pour le groupe écologiste.

Je veux aussi saluer les maires du Val de Marne, et tout particulièrement les maires de gauche ici présents avec qui nous avons su unir nos efforts pour défendre les services publics de proximité. Mais tout ce travail n’aurait pas été possible sans un grand service public départemental compétent, efficace et réactif : près de 8 000 agents au service des Val-de-Marnais avec lesquels un dialogue permanent a été établi.

[…] Encore merci à tous, et longue vie au Val-de-Marne que nous aimons ! »

 

Christian Favier, Président honoraire du Conseil départemental du Val-de-Marne