TRIBUNE : Au coeur de la crise, construisons l’avenir

Il y a 3 ans, le 14 mai 2020

Par Pierre Laurent

Dans une longue tribune collective, 150 personnalités du monde politique, associatif, syndical et culturel appellent à  » préparer l’avenir « .   » Nous ne sommes pas condamnés à subir ! «  assurent-elles.  Elles  proposent qu’un grand événement, une  » convention du monde commun « , réunisse dans les prochains mois  » toutes les énergies disponibles « . La France affronte un séisme d’une ampleur […]

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Dans une longue tribune collective, 150 personnalités du monde politique, associatif, syndical et culturel appellent à  » préparer l’avenir « .   » Nous ne sommes pas condamnés à subir ! «  assurent-elles.  Elles  proposent qu’un grand événement, une  » convention du monde commun « , réunisse dans les prochains mois  » toutes les énergies disponibles « .

La France affronte un séisme d’une ampleur inouïe. Favorisée par la destruction de la nature, la pandémie a généré une crise économique de grande ampleur, une commotion sociale brutale, notamment pour les plus précaires, et une mise entre parenthèse du fonctionnement démocratique. Elle a révélé l’improvisation des pouvoirs publics face à cette crise majeure. L’engagement extraordinaire des soignantes et des soignants, le courage de celles et ceux qui n’ont cessé de travailler sans relâche au service de tous et le civisme de millions de personnes confinées dans des conditions difficiles appellent une reconnaissance unanime. Dès maintenant, il s’agit d’éviter le pire et de préparer l’avenir. La réparation des dégâts annoncés, la défense des libertés, l’obligation de préparer une société résiliente nécessitent de fortes dynamiques collectives. La crise confirme l’urgence radicale des grandes transitions. De cette impérieuse nécessité, faisons naitre une espérance. Nous ne sommes pas condamnés à subir !
Au coeur de cette crise, il nous faut tourner la page du productivisme. Il faut affronter les périls immédiats, s’accorder pour engager la transition écologique et dans un même mouvement les transformations sociales et économiques trop longtemps différées. L’impasse où nous ont conduits les politiques dominantes depuis quarante ans et le capitalisme financier exige une offensive résolue. Avec cette initiative commune, dans le respect de nos différences, nous nous engageons à la hauteur des principes que nos prédécesseurs ont affirmés dans la « reconstruction » qui suivit la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, en temps de paix, nous devons faire preuve d’une égale ambition, avec la volonté que les Français s’emparent de ces débats.
L’état d’urgence sociale doit se déployer dès maintenant dans l’ensemble du pays, à commencer par les quartiers populaires et les territoires ruraux, partout où la crise remet à vif la grande pauvreté et les inégalités. Les familles déjà vulnérables, comme celles qui viennent brutalement de plonger dans le chômage et la pauvreté, se comptent par millions. La solidarité nationale doit intervenir pour aider les locataires, contribuer à payer les factures d’eau et d’électricité, par l’aide alimentaire et la fourniture gratuite de masques, par des soutiens exceptionnels individualisés pour que vivent décemment celles et ceux, y compris les jeunes, qui ont vu leur travail et leurs revenus disparaitre. Cette crise doit enfin imposer un basculement des politiques publiques : « sortir » des dizaines de milliers de personnes de la rue, c’est affaire de dignité d’abord, mais aussi d’ordre public sanitaire et social.
Pour aller plus loin, la France, comme d’autres en Europe, doit imaginer et mettre en chantier dès cette année un nouveau modèle de protection sociale. Pour ces temps de grande transition, il y a urgence à assurer un revenu digne rendant possibles à toutes et tous la formation, l’accès à un nouvel emploi ou un projet professionnel. Compte tenu de la hausse explosive du nombre des sans-emplois, ce serait une faute historique de maintenir la « réforme » de l’assurance chômage de 2020. Il faut permettre dès maintenant à tous les territoires volontaires de mettre en oeuvre la belle initiative Territoires zéro chômeur de longue durée, inspirée des expériences du mouvement associatif. Quant aux travailleurs étrangers en situation irrégulière, soutiers plus anonymes encore de nos économies, leur accès au droit au séjour doit être facilité.
Pour pouvoir mobiliser les énergies de toutes et tous, il faudra inventer et consolider des protections collectives plus adaptées à notre temps, combler les failles majeures que la crise a soulignées, agir pour l’accès à la santé et des retraites décentes. Certains, à l’inverse, manifestent déjà la volonté de réduire les droits sociaux à la faveur de l’émotion générale, notamment sur la question du temps de travail. Nous ne laisserons pas faire, et nous demandons qu’il soit renoncé définitivement au projet de réforme des retraites qui mine la cohésion nationale dont nous avons tant besoin. Face à la précarité ou aux inégalités femmes-hommes, tous les travailleurs et travailleuses, indépendants, artisans et commerçants, professionnels des plates-formes, salariés en CDD, intermittents ou intérimaires, doivent être dotés de droits sociaux individuels complets et d’une capacité réelle de négociation collective.
Le statu quo n’est plus possible. Nous défendons une société de la reconnaissance, qui sache valoriser celles et ceux sans lesquelles elle ne tiendrait pas, dans la crise comme après. Travailleurs de l’aube et du soir, fonctionnaires de jour comme de nuit, soignants et enseignants dévoués, elles (très souvent) et ils sont en droit d’attendre bien sûr des primes immédiates et légitimes, mais aussi une amélioration significative et sans délai de leurs conditions d’emploi et de salaire, à commencer par le Smic. Lorsque ces personnes ont des enfants, la prise en charge par les employeurs des frais de garde, l’organisation de nouveaux centres de vacances dès 2020 avec les mouvements d’éducation populaire seraient aussi de justes rétributions. Le confinement a mis également en exergue la nécessité de reconnaitre le féminicide en droit français et de ne plus reporter un plan national d’ampleur contre les violences faites aux femmes et aux enfants, en doublant le budget alloué aux associations venant en aide aux victimes et aux lieux de prise en charge.
Les Français vivent intensément les effets de l’affaiblissement de notre système de santé. Sous tension bien avant le tsunami du Covid19, l’hôpital public a été asphyxié par des années d’austérité budgétaire et la marchandisation de la santé. Une loi de programmation doit assurer au plus vite un financement pérenne des investissements des hôpitaux et des Ehpad, rompre avec la spirale des fermetures de lits et permettre la revalorisation des métiers de soignantes et soignants. Cette refondation permettra de retrouver une capacité de prévision et d’anticipation, et les moyens d’affronter collectivement les chocs de grande ampleur. Elle devra également garantir à tout moment la disponibilité des principaux médicaments sur le territoire national. Elle assurera enfin la réhabilitation des soins de premiers recours, efficients et réactifs face à de nouvelles crises et la fin des déserts médicaux, indignes de notre pays.
L’avenir de notre économie et sa conversion écologique se jouent en ce moment. Le soutien public à la survie du système productif est vital. Il doit être associé à une conditionnalité environnementale et sociale exigeante. Des fleurons de notre économie sont au bord de la faillite, avec le cortège habituel de restructurations brutales et de chômage massif. Face à ces risques, la réaction de l’État en faveur de l’emploi doit être couplée à la mise en oeuvre accélérée de la transition écologique, à commencer par le respect des Accords de Paris sur le climat. C’est seulement ainsi que le sauvetage des emplois sera durable. Une politique industrielle crédible implique des choix stratégiques nationaux ; elle se construit dans chaque région avec toutes les parties concernées, entreprise par entreprise, branche par branche. La mobilisation doit intégrer pleinement les enjeux d’indépendance et de relocalisation, de recherche et d’innovation, mis en lumière de façon éclatante dans la crise actuelle.
D’ici la fin de cette année, il appartient à la puissance publique d’identifier avec tous les acteurs les secteurs stratégiques à relocaliser au niveau français ou européen, les chaines de valeurs à contrôler et les productions à assurer au plus proche des lieux de consommation. Les événements récents confirment une fois de plus les fragilités de l’Europe quand elle se limite à n’être qu’un marché livré aux excès du libre-échange, renonçant à protéger son économie. La signature des traités qui amplifient cet abandon doit être stoppée, et ceux qui existent déjà révisés. Rien ne sera possible sans un pilotage ambitieux du système de crédit, avec un pôle public de financement et la BPI jouant enfin réellement son rôle. La mise en oeuvre de nationalisations là où il le faut doit permettre non de mutualiser les pertes, mais d’atteindre des objectifs d’intérêt général. Dans ce but, il faudra aussi miser davantage sur l’économie sociale et solidaire pour mieux ancrer l’économie dans les territoires et impulser le nouveau modèle de développement.
Cette épidémie et sa propagation rapide sont liées à la destruction accélérée des habitats sauvages combinée à une mondialisation insuffisamment régulée. Elles renforcent l’urgence d’une remise en cause de notre mode de production et de consommation : la transformation écologique de la France est le nouveau défi de notre République au XXIème siècle. Cette prise de conscience des communs naturels à protéger et de l’impasse des modes de consommation actuels est essentielle, tout comme les combats de la gauche. Les propositions des participants de la Convention citoyenne pour le climat et sa méthode ont permis que progressent dans la société des projets d’une grande richesse. Les politiques publiques doivent être au rendez-vous de cette urgence planétaire.
Nous proposons que soit discutée et mise en oeuvre rapidement une Prime pour le climat, afin d’éliminer en priorité les passoires thermiques et sortir les plus pauvres de la précarité énergétique. Elle accompagnera aussi les travaux de rénovation énergétique rendus obligatoires pour l’ensemble du bâti afin d’atteindre deux millions de logements par an, en privilégiant les rénovations complètes. Des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables pourraient être ainsi créés.
La France a besoin également de bâtir un plan ambitieux de transition vers une mobilité durable, pour soutenir l’électrification des motorisations, les modes de transports collectifs et partagés, la relance des réseaux ferroviaires, mais aussi l’extension du droit au télétravail dans des conditions protectrices pour les salariés.
Conçue pour éviter un recours accru aux énergies fossiles, dont les prix baissent du fait de la crise, la Contribution Climat Énergie doit s’accompagner de mesures de redistribution de grande ampleur pour en compenser les effets sur les plus vulnérables. Une relance publique du soutien à la transition écologique locale est plus que jamais indispensable afin d’impliquer beaucoup plus les territoires et les citoyen.ne.s dans le déploiement des projets collectifs d’énergies renouvelables. Ces investissements supplémentaires dans la transition écologique devront être sortis des critères budgétaires européens.
La refonte des aides de la PAC en soutien des petites et moyennes exploitations doit être accélérée, pour permettre une agriculture respectueuse de l’environnement, la croissance des productions bio, et pour développer le paiement des services environnementaux (stockage du carbone, arrêt des intrants chimiques…). Il faudra enfin donner toute sa place dans nos textes fondamentaux au droit de la nature et mettre en oeuvre de façon strict sur l’ensemble du territoire la politique du « zéro artificialisation nette » et la protection de la biodiversité.
Ces investissements massifs, pour l’immédiat ou le futur, exigent un financement soutenable et équitable. L’engagement de l’Europe en est l’une des clés. C’est une nécessité qui conditionne la survie de l’Union, quand les forces de démembrement prospèrent grâce au manque de solidarité européenne dans chaque moment de crise. On attend de l’Europe qu’elle conduise durablement une politique monétaire à la hauteur du risque actuel, mais aussi qu’elle mette en oeuvre des formes inédites de financement en commun pour empêcher une hausse de l’endettement des États, en particulier les plus affectés par la crise sanitaire. Il faudra aussi dès les prochains mois engager le chantier de la restructuration des dettes héritées des crises successives.
Tous les pays en ont en effet un urgent besoin pour permettre un nouveau départ et la transformation de leurs économies tellement interdépendantes. Ces financements européens ne sauraient être assortis des mesures d’austérité qui ont creusé entre les peuples des blessures encore inguérissables. Les conditionnalités aujourd’hui se nomment écologie, cohésion sociale et respect de la démocratie. Une transformation profonde des structures de l’Union européenne est indispensable pour rendre possibles ces politiques ambitieuses de solidarité. Cela implique la remise en cause du pacte budgétaire.
Mais l’Europe ne pourra pas régler seule l’addition de la crise. Les États devront eux aussi apporter une réponse fiscale et budgétaire dans un esprit de justice. Pour corriger les inégalités creusées au cours des dernières décennies et aggravées par la crise, et pour prévenir l’effondrement de nos sociétés. La France doit rétablir un Impôt de solidarité sur la fortune, mettant à contribution les patrimoines les plus élevés, et renforcer la progressivité de sa fiscalité sur les revenus, notamment ceux du capital, largement érodée depuis 2017. Compte tenu de l’ampleur des dépenses engagées pour faire face à la crise, elle devra appeler une contribution anti-crise des citoyens les plus aisés. La taxation des secteurs qui ont bénéficié de la crise et de ceux qui ont décidé, au coeur de la tempête, de continuer à distribuer des dividendes ou à s’enrichir à l’abri des paradis fiscaux doit être proposée sans délai au Parlement. La maitrise à l’avenir des écarts de salaires au sein des entreprises participe de ces préalables de justice : au-delà d’un écart d’un à douze, il ne serait plus possible de déduire les rémunérations et les cotisations de l’impôt sur les sociétés. Ces choix sont inséparables d’une action ambitieuse pour que les bénéfices des sociétés multinationales cessent d’échapper largement à la fiscalité française, notamment en les obligeant à une totale transparence sur leurs activités et les taxes payées dans les pays où elles sont présentes. Cette reconquête ne sera complète que lorsque les géants du numérique contribueront par un impôt juste aux efforts d’investissement qui attendent la France et l’Europe.
Ces mesures n’auront de sens et d’efficacité que si dans l’après-crise, une transition démocratique offre à tous la capacité d’agir pour un monde commun. La verticalité du pouvoir fracture la société. Elle alimente l’impuissance et la défiance. C’est l’échec de la Vème République. Seule une refondation de nos institutions permettra de le dépasser. Il est impératif de ne pas confier à un « sauveur suprême » ou au pouvoir technocratique « la sortie de crise », mais au contraire d’augmenter la participation des citoyen.nes aux décisions qui les concernent et cela à tous les niveaux.
Réussir les transitions exige un développement des emplois publics partout où leur manque cruel se vérifie aujourd’hui. Il faudra aussi rénover l’action publique en inventant les outils, l’organisation, les métiers du secteur public de demain. Rien ne progressera sans des délibérations collectives, valorisant bien davantage les citoyens et leurs compétences, l’éducation, l’innovation sociale et la création culturelle, les territoires, villes et villages.
Cet impératif s’adresse aussi aux entreprises : pour réussir la sortie de crise, il faut y faire entrer la démocratie en associant réellement les salariés à leur stratégie. Cela doit s’incarner dans une codétermination à la française avec la présence de 50% de représentants des salariés dans les conseils de surveillance ou les conseils d’administration des grandes entreprises et le renforcement des pouvoirs des représentants des salariés à tous les niveaux.
Lourde de souffrances inédites, cette période ne doit pas confisquer les espoirs de changement, bien au contraire. Faisons place à l’action collective et à ces premières convergences. Pour être à ce rendez-vous de notre Histoire, nous proposons qu’un grand événement, une « convention du monde commun », réunisse dans les prochains mois toutes les énergies disponibles, les citoyennes et citoyens épris de profonds changements, les formations politiques, les forces associatives, les initiatives que portent syndicats et ONG. C’est une première étape cruciale et attendue pour une alternative démocratique, écologique et sociale. Nous voulons lui donner la force de notre engagement.
Premiers signataires* :
Syamak Agha Babaei, Christophe Aguiton, Amandine Albizzati, Claude Alphandery, Nathalie Appéré, Guillaume Balas, Jeanne Barseghian, Marie-Laure Basilien-Gainche, Laurent Baumel, Romain Beaucher, Anne-Laure Bedu, Jacqueline Belhomme, Esther Benbassa, Patrice Bessac, Olivier Bianchi, Habiba Bigdade, Loïc Blondiaux, Alice Bosler, Maurice Braud, Rony Brauman, Axelle Brodiez, Ian Brossat, Philippe Brun, Julia Cagé, Sophie Caillat, Andrea Caro, Fanélie Carrey-Conte, Lucas Chancel, Pierre Charbonnier, Christian Chavagneux, Alain Coulombel, Annick Coupé, Jezabel Couppey-Soubeyran, Françoise Coutant, Thomas Coutrot, Cécile Cukierman, Ronan Dantec, Joël Decaillon, Carole Delga, Stéphane Delpeyrat, Laurianne Deniaud, Emmanuel Denis, Gregory Doucet, Marie-Guite Dufay, Cécile Duflot, Antoine Dullin, Jérôme Durain, Guillaume Duval, Timothée Duverger, Nicolas Duvoux, Anne Eydoux, Olivier Faure, Rémy Féraud, Aurélie Filippetti, Diana Filippova, Alain Foix, Didier Fradin, Philippe Frémeaux, Guillaume Garot, Karl Ghazi, Jean-Luc Gleyze, Raphael Glucksmann, Daniel Goldberg, Guillaume Gontard, Gaëtan Gorce, Aziliz Gouez, Bernadette Groison, Florent Gueguen, Denis Guenneau, Hélène Hardy, Jean-Marie Harribey, Anne Hessel, Catherine Hoeffler, Pierre Hurmic, Marie-Hélène Izarn, Pierre Jacquemain, Yannick Jadot, Hugues Jallon, Vincent Joineau, Régis Juanico, Nina Karam-Leder, Pierre Khalfa, Yazid Kherfi, Hella Kribi-Romdhane, Thierry Kuhn, Joël Labbé, Guillaume Lacroix, Delphine Lalu, Aurore Lalucq, François Lamy, Sandra Laugier, Pierre Laurent, Guillaume Le Blanc, Joël Le Coq, William Leday, Claire Lejeune, Corinne Lepage, Elliot Lepers, Nadine Levratto, Medhi Litim, René Louail, Benjamin Lucas, François Mandil, Bénédicte Manier, Edouard Martin, Gus Massiah, Nora Mebarek, Dominique Meda, Philippe Meirieu, Claire Monod, Beligh Nabli, Naïri Nahapetian, Alexandre Ouizille, Christian Paul, Renaud Payre, Willy Pelletier, Camille Peugny, Maxime Picard, Thomas Piketty, Eric Piolle, Dominique Plihon, Dominique Potier, Alexis Poulin, Angèle Préville, Audrey Pulvar, Valérie Rabault, Jean-Paul Raillard, Gilles Raveaud, Sandra Regol, Nadine Richez-Battesti, Martin Rieussec-Fournier, Jacques Rigaudiat, Marie-Monique Robin, Johanna Rolland, Barbara Romagnan, Laurence Rossignol, Muriel Rouyer, Virginie Rozière, Michèle Rubirola, Bernard Saincy, Eva Sas, Mounir Satouri, Frédéric Sawicki, Laurence Scialom, Sabrina Sebaihi, Aissata Seck, Gabrielle Siry, Emmanuel Soulias, Jo Spiegel, Olivier Szulzynger, Sophie Taille, Bernard Thibault, François Thiollet, Isabelle This Saint-Jean, Stéphane Troussel, Henri Trubert, Hulliya Turan, Boris Vallaud, Najat Vallaud-Belkacem, Shahin Vallée, Antoine Vauchez, Denis Vicherat, Anne Vignot, Patrick Viveret.

 

 

Liberté d’expression en Côte d’Ivoire : des dérives inquiétantes

Il y a 1 semaine, le 15 mars 2023

Par Pierre Laurent

Que ce soit la tentative de bâillonner Pulchérie Gbalet, présidente de l’ONG Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI), ou les récentes peines de prison prononcées à l’encontre de docteurs non intégrés et de militants du PPA-CI, les autorités ivoiriennes font à nouveau feu de tout bois pour s’en prendre aux libertés de ses citoyens. J’ai attiré l’attention de la Ministre des Affaires Étrangères à ce sujet.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur les dernières évolutions de la situation concernant la liberté d’expression en Côte d’Ivoire.

En réponse à sa question écrite n° 01673 du 21/07/2022 sur les prisonniers d’opinion en Côte d’Ivoire, le Ministère a affirmé que la France entretient « un dialogue étroit avec les autorités ivoiriennes sur les questions relatives aux droits de l’Homme et à l’État de droit y compris la justice et les libertés publiques. » Or, malgré ce dialogue étroit que les autorités françaises mentionnent, la situation se dégrade.

Ainsi, par exemple, lors d’une manifestation pacifique du collectif des docteurs non-recrutés le 21 décembre 2022, 45 des manifestants docteurs ont été arrêtés, incarcérés et condamnés le 28 décembre à six mois de prison avec sursis. En outre, le 24 février 2023, environ trente militants et dirigeants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) qui accompagnaient pacifiquement le secrétaire général de leur parti devant les locaux du palais de justice en signe de soutien et solidarité ont été gazés, interpellés, et 27 d’entre eux placés en garde à vue. Sur les 27 manifestants arrêtés, 26 furent condamnés le 9 mars à deux ans de prison pour flagrant délit « de troubles à l’ordre public » par l’intermédiaire d’un attroupement sans aucune violence. Le 27e acquitté et libéré était le seul à ne pas être membre du PPA-CI.

Toutes ces dérives inquiètent fortement les militants politiques et les défenseurs des libertés. Outre les points évoqués dans la question n° 01673, il lui demande ce qu’elle compte faire dans l’immédiat en vue de se saisir des évènements précités pour faire part aux autorités ivoiriennes de ses préoccupations en la matière.

 

Rendre accessibles financièrement les jeux Olympiques pour les habitants des quartiers populaires

Il y a 2 semaines, le 14 mars 2023

Par Pierre Laurent

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques sur la vente des billets pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Alors que le comité d’organisation des jeux Olympiques (COJO) s’était engagé à rendre accessible financièrement cet événement, cet objectif est loin d’être atteint et ce pour […]

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques sur la vente des billets pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Alors que le comité d’organisation des jeux Olympiques (COJO) s’était engagé à rendre accessible financièrement cet événement, cet objectif est loin d’être atteint et ce pour plusieurs raisons :

– la jauge d’achat fixée à 30 billets par personne a conduit à un achat massif par des particuliers pouvant donner lieu à de la revente et de la spéculation ;

– la totalité des billets d’un montant inférieur ou égal à 50 euros ont été achetés la première semaine du tirage ;

– les billets pour plus de 15 disciplines sportives ont été épuisés en moins d’une semaine ;

– les billets restants oscillent entre 65 et 250 euros en moyenne ;

– le système de pack, qui oblige à acheter au moins trois billets, rend impossible l’accès à cet événement pour les classes populaires.

Cet état de fait empêche une grande partie de la jeunesse issue des quartiers populaires, y compris de la capitale, d’accéder aux Jeux Olympiques. Pour toutes ces raisons, il lui demande ce qu’elle compte faire pour qu’en concertation avec tous les acteurs concernés, dont la Ville de Paris et le département de Seine-Saint-Denis, des billets à titre gratuit bénéficient aux habitants des quartiers populaires, aux associations partenaires et également aux fédérations et clubs sportifs.

Il lui demande également ce qu’elle compte faire pour que le COJO revoie le dispositif actuel, afin que le prochain tirage au sort en mai 2023 se passe dans les meilleures conditions possibles.

 

Hommage à Martine Durlach

Il y a 2 semaines, le 9 mars 2023

Par Pierre Laurent

Ce 9 mars avec de nombreux élus et citoyens de Paris, avec la famille et les proches de Martine Durlach, nous avons eu l’honneur d’assister à l’inauguration de la place qui désormais portera son nom, dans le 19ème arrondissement de Paris. À cette occasion, j’ai pu prononcer ce discours pour rappeler qui était Martine et quels étaient ses engagements pour Paris et les Parisiens.

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Madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo,

Monsieur le Maire du 19ème arrondissement, cher François Dagnaud,

Mesdames et Messieurs les Maires-adjoints de la ville,

Cher Bertrand Delanoë,

Chers Jean-François et Gabriel,

 

C’est avec beaucoup d’émotion et une grande fierté que je prends la parole pour honorer la mémoire de Martine Durlach, au nom de la direction nationale du Parti communiste français et des communistes parisiens. Je salue d’ailleurs la présence d’Adrien Tiberti, secrétaire de notre fédération. Fierté de participer avec vous toutes et tous, à inscrire son nom sur cette place, au cœur d’un quartier populaire qu’elle aimait, et qui m’est particulièrement cher.

Permettez-moi pour commencer une petite remarque personnelle. J’ai foulé cette place depuis toujours. Mes parents habitaient au bout de la rue Fessart, tout près des Buttes-Chaumont. J’allais à l’école rue de Palestine, à la maternelle et juste derrière, ma grand-mère habitait rue Olivier-Métra, en face. J’ai donc toujours traversé cette place. J’habite à deux pas d’ici, je continue de le faire tous les jours. Et savoir que cette place, qui m’est si familière va désormais s’appeler Martine Durlach, me remplit de joie.

C’est une juste reconnaissance pour cette femme remarquable, cette militante et cette élue toute sa vie au premier rang des combats progressistes, féministes, démocratiques et sociaux. Je remercie la Mairie de Paris d’avoir très vite, après la disparition de Martine, accepté le principe de cette inscription sur cette place. Et je remercie Jean-François et Gabriel de m’avoir demandé d’y prendre la parole aujourd’hui.

Nous attendions avec impatience cette inauguration. Elle a été un peu reportée, par le Covid ; comme, si je puis dire, un clin d’œil à la maladie d’une manière générale, avec laquelle et contre laquelle Martine a vécu toute sa vie. Mais finalement, le hasard faisant parfois bien les choses, c’est un beau pied-de-nez que d’inaugurer cette place au lendemain de deux énormes mobilisations populaires qui ressemblent tant à ce qui faisait les engagements de Martine.

En ce moment, le pays tout entier dit non à la réforme des retraites, pour que personne ne se voit privé de deux belles années de retraite. Martine n’a pas pu connaître la retraite. Mais elle a connu dans sa chair la valeur du temps, du temps qui manque pour profiter de la vie. Du temps libre, du temps de l’émancipation, elle qui savait si bien transformer tous les temps de la vie militante en moments de joie, de convivialité, de culture, d’humour, de chansons et d’amour.

Et puis nous sommes également au lendemain du 8 mars, en ces temps où le mouvement féministe a pris un nouvel essor, une nouvelle jeunesse. Et tout cela aurait vraiment rempli de bonheur Martine, elle qui n’a jamais désespéré d’un monde meilleur et qui a toujours cultivé sa confiance dans les capacités populaires à ouvrir la voie à une société de justice et d’égalité.

Je vis, comme vous le savez en ce moment, un peu enfermé dans un hémicycle, où je passe quelques jours et quelques nuits – et ce n’est pas fini – pour combattre des ministres et une droite sénatoriale qui, enfermés dans leurs dogmes réactionnaires contre l’immense majorité de notre peuple, tentent de faire reculer nos droits sociaux. Alors, cette inauguration, c’est pour moi en quelque sorte, une petite bouffée d’oxygène. Une bouffée d’oxygène qui nous permet en quelque sorte de respirer l’air de la vraie vie, ce qui manque tant dans l’hémicycle. Celle des souffrances et des espoirs des classes populaires. Et en le faisant, en pensant à Martine et à tous ses combats.

Martine a adhéré au Parti communiste français en 1970, avec cette génération qui, dans la foulée de mai-juin 68, allait faire du Parti communiste une force motrice et majeure des combats unitaires qui conduirait à nouveau la gauche au pouvoir. Une génération communiste qui a su aussi ouvrir la voie à de nouvelles conceptions communistes, plaçant la démocratie au cœur de tout notre projet. Dégageant notre projet de conceptions dépassées, faisant entrer de plain pied le communisme dans le XXIᵉ siècle.

Entrée au comité central en 1987, devenue secrétaire de la Fédération de Paris en 1995 et le restera jusqu’en 2001, succédant dans cette fonction à Henri Malberg, qui a lui aussi une place pas très loin d’ici. Membre du bureau national de notre parti pendant de nombreuses années, elle a joué un rôle essentiel pour ancrer la réflexion et l’action communiste dans les nouveaux enjeux contemporains, et sa mémoire nous est pour cela aussi tellement utile aujourd’hui.

Jeune membre du comité fédéral parisien quand elle en était la première secrétaire, je reste marqué par sa précision, sa créativité, son intelligence des situations politiques, son humanité, sa passion pour le rassemblement, des communistes d’abord, mais des forces progressistes et populaires partout à Paris et dans le pays. Et bien sûr, marqué par sa légendaire bonne humeur, avec laquelle elle conduisait tout son travail politique.

Martine a été une actrice majeure de la reconquête par la gauche parisienne. Après avoir dirigé la section du Parti communiste du quatrième arrondissement, elle est venue habiter dans le 19ᵉ avec Jean-François en 1980. C’est là qu’elle est devenue conseillère d’arrondissement en 1989, conseillère de Paris en 1995. Elle joua alors un rôle de premier plan pour la construction de la bataille unitaire de la gauche pour reconquérir Paris en 2001, avec Bertrand Delanoë.

Dans le 19ᵉ, elle a fait ses armes aux côtés de Paul Laurent, permettez-moi de l’évoquer. Et elle en a pris la relève quand il est décédé, trop tôt, en 1990. Je peux témoigner de la confiance que Paul avait en Martine. Il savait qu’elle serait une grande dirigeant communiste, et il ne s’était pas trompé. Il en était d’autant plus heureux qu’il partageait avec Martine un sens de l’humour aiguisé, et cette devise « qu’un communiste triste, est un bien triste communiste ». Nous savions tous que Martine a lutté toute sa vie contre la maladie génétique qui la rongeait. Mais jamais cela n’entamait sa joie de vivre, c’était même son antidote. Et nous étions tellement reconnaissants de nous faire partager ses éclats de rire permanents.

Martine a consacré sa vie d’élue parisienne à en faire une ville pour tous. Elle a mis autant d’énergie à faire revenir le cinéma au 19ᵉ puisque quand elle est arrivée dans le 19ᵉ, elle a constaté qu’il n’y avait plus un seul cinéma dans cet arrondissement. Tous les cinémas avaient fermé les uns après les autres. Elle a pris la tête d’une bataille mémorable pour le retour du cinéma dans Paris, qui a débouché sur la création des MK2 quai de Seine, et quai de Loire, qui est aujourd’hui un des plus grands lieux du cinéma à Paris.

Mais elle mettait autant d’énergie à faire revenir le cinéma et la culture qu’à se consacrer à la politique de la ville dans les quartiers populaires. D’abord comme maire adjoint à la politique de la ville aux côtés de Bertrand Delanoë de 2001 à 2008, et ensuite à la tête de la mission sur les jeunes filles dans les quartiers populaires que lui avait confié Bertrand Delanoë quand elle a quitté, trop affaiblie, ses mandats. Ce rapport est d’ailleurs d’une incroyable actualité, en ces temps de revendications sociales et féministes. Jean-François nous rappelait hier dans son rapport, par exemple, la recommandation d’une campagne de vaccination des jeunes filles des quartiers populaires contre le papillomavirus. On voit qu’il y a des gens qui découvrent aujourd’hui l’utilité de cette campagne, Martine la recommandait il y a des années déjà.

Je pourrais évidemment parler encore très longtemps de Martine. Au moment de terminer ce propos, je ne peux m’empêcher que trotte dans ma tête la voix de Martine qui aimait tant chanter. Je voudrais dire, pour finir, aux habitant·es du 19e arrondissement, qu’ils ont beaucoup de chance et peuvent être très fiers de cette place Martine-Durlach.

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Non à l’augmentation des péages d’autoroute !

Il y a 1 mois, le 13 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce week-end encore, la France du travail toute entière s’est mobilisée pour défendre le droit à une retraite digne pour toutes et tous. Jeudi prochain, la mobilisation s’annonce de nouveau monstre. Dans la réforme que le Gouvernement persiste à vouloir imposer contre le pays en obligeant à travailler jusqu’à 64 ans minimum, les gros actionnaires […]

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Ce week-end encore, la France du travail toute entière s’est mobilisée pour défendre le droit à une retraite digne pour toutes et tous. Jeudi prochain, la mobilisation s’annonce de nouveau monstre. Dans la réforme que le Gouvernement persiste à vouloir imposer contre le pays en obligeant à travailler jusqu’à 64 ans minimum, les gros actionnaires ne cotiseraient pas un centime de plus pour financer les retraites.

Comme si ce scandale ne suffisait pas, le Gouvernement continue par ailleurs à gaver ces gros actionnaires. Il vient en effet d’autoriser une hausse moyenne de 4,75 % des péages d’autoroute au 1er février ! Or tout le monde le sait – un rapport sénatorial et la proposition de loi communiste pour la renationalisation des autoroutes l’ont clairement établi – les sociétés privées d’autoroute, au premier rang desquels Vinci et Eiffage, engrangent des profits colossaux depuis les privatisations des années 2000.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’État avait tiré de ces concessions 14,8 milliards d’euros. Une somme amortie dès 2014 par les actionnaires, qui rien que sur l’année 2016 ont perçu 4,7 milliards d’euros !

D’après le Canard Enchaîné du 25 janvier dernier, un rapport commandé par le ministère de l’Économie en 2020 établirait la « rentabilité très supérieure à l’attendu » dont bénéficient Vinci et Eiffage ; un rapport que Bruno Le Maire a tenté d’enterrer, d’autant qu’il recommandait la baisse de 60% des tarifs.

Leurs dividendes scandaleux, les sociétés d’autoroute les accumulent en étranglant le pouvoir d’achat des Français, déjà en grande souffrance à cause des prix de l’énergie, de l’alimentation, des carburants. Total vient d’ailleurs d’annoncer le bénéfice le plus important de son histoire pour 2022.

 

Au moment où le pays souffre tant, les péages n’auraient jamais dû augmenter : réclamons en urgence le blocage des tarifs !

Hommage à Sadek Hadjerès

Il y a 1 mois, le 10 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce jeudi 9 février à Malakoff, j’ai eu l’honneur de participer à un bel hommage rendu à Sadek Hadjerès, figure historique du communisme algérien, engagé toute sa vie durant contre les oppressions. Sadek, qui a passé les dernières décennies en France, nous a quitté à l’automne dernier. Voici l’intervention prononcée à cette occasion, rappelant en quelques mots qui était Sadek Hadjerès et l’ampleur de ses combats pour un monde plus juste, une Algérie libre, démocratique et en paix.

GARDONS LE CONTACT

Chers camarades et ami·es, de France et d’Algérie,

 

Je suis très honoré d’être présent aujourd’hui à vos côtés, pour rendre hommage à une grande figure du communisme algérien.

Nous avons en effet été très attristés d’apprendre, le 3 novembre dernier, le décès de notre camarade Sadek Hadjerès. Je salue l’initiative de la municipalité, de la maire Jacqueline Belhomme, des communistes de Malakoff, qui ont permis, avec d’autres, la tenue de cette soirée.

Je suis très touché de passer ce moment en compagnie de ma camarade Aliki Papadomichelaki, qui a été la compagne de Sadek et avec qui nous avons pu partager des combats communs en Grèce.

Rendre hommage à Sadek Hadjerès, c’est évoquer un véritable monument de l’histoire politique et sociale, un acteur de premier plan de toutes les luttes qui ont forgé depuis près d’un siècle la nation algérienne.

Né le 13 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen, en Kabylie, Sadek est fils et petit-fils d’instituteur. Nourri d’une culture kabyle et pacifiste, il est confronté très jeunes aux brutalités coloniales. Après de brillantes études à l’université d’Alger, et parallèlement à un engagement politique et social déjà intense, il est diplômé de médecine en 1953.

Membre du Parti du Peuple Algérien (PPA) dès 1944, il le quitte en raison de désaccords sur la question berbère. Rétif à toute forme de sectarisme et de communautarisme, Sadek s’est toujours opposé à la conception  d’une Algérie réduite à l’identité arabo-musulmane.

Tout comme il s’est courageusement distancé, dès les années 1950, de la conception stalinienne de la nationalité.

Au contraire, Sadek a défendu tout au long de sa vie sa vision d’une future nation algérienne plurielle, ouverte à la diversité, fondée sur la citoyenneté civile et politique.

A la fin de l’année 1950, il adhère au Parti Communiste Algérien, dans lequel il acquiert rapidement des responsabilités. Il côtoie alors des figures telles que Fernand Iveton, Henri Maillot ou Henri Alleg. Membre du Comité Central en 1952, il dirige la revue Progrès qui jouit d’un puissant rayonnement intellectuel.

Après l’insurrection de 1954 et durant la guerre d’indépendance, il est aux côtés de Bachir Hadj-Ali à la direction du PCA. Tous deux approuvent la création de groupes de combat communistes.

Il entre en négociation, dans des conditions difficiles, avec le FLN qui refuse alors de reconnaître la présence des communistes en tant que Parti. Le démantèlement des maquis rouges conduit de nombreux communistes à intégrer l’Armée de Libération Nationale. Lors de la « Bataille d’Alger », Sadek est qualifié de « médecin pyromane » et est condamné par contumace à 20 ans de travaux forcés.

Entré dans la clandestinité après l’interdiction du PCA en 1955, dont il ne sortira qu’au moment de l’indépendance, Sadek déploie une intense activité de propagande (tracts, journaux) mais aussi de nombreux travaux intellectuels. Il fera un examen critique des retards du PCF dans l’engagement national, textes qui seront publiés dans les Cahiers du Communisme en 1958. Tout cela comptera pour faire évoluer l’appréhension des luttes coloniales par le parti communiste français.

Après l’indépendance, le PCA est à nouveau interdit en novembre 1962, mais toléré. Sadek se trouve alors en liberté provisoire.

Après le coup d’État de Boumediene en 1965, Sadek replonge dans la clandestinité pour 24 ans. Il est traqué par la police et l’armée alors qu’il poursuit, sans relâche, ses activités militantes. Après l’arrestation de Bachir Hadj-Ali, il reprend l’organisation clandestine des communistes dans le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS).

Il sort de la clandestinité en 1989 avec la proclamation du pluralisme politique. Un an après, il quitte son poste de secrétaire du PAGS pour se retirer en France.

Il demeurera jusqu’à la fin de ses jours un observateur attentif de la vie politique algérienne, et a d’ailleurs fortement soutenu dès 2019 le mouvement populaire du Hirak, se réjouissant de son pacifisme.

En juillet 2021, il l’évoquait d’ailleurs en ces termes :

« Dans le monde d’aujourd’hui miné par des risques planétaires communs, un atout important pour les forces de progrès et de paix en Algérie et en France, réside dans l’attachement aux valeurs stratégiques et universalistes portées par le rassemblement pacifique et indépendantiste du Hirak : l’exercice des Droits de l’Homme dans toutes leurs expressions, de l’État de droit appuyé sur la souveraineté populaire et enfin d’un système de relations internationales fondées non sur des critères identitaires, purement idéologiques mais sur un nouvel ordre international régi par la prise en compte des intérêts communs concrets des couches populaires et des États sur les deux rives de la Méditerranée. »

 

Sadek Hadjerès, qui a traversé toutes les tempêtes du siècle dernier, n’a jamais perdu espoir dans le siècle à venir, dans la perspective d’une Algérie libre, démocratique et en paix.

Figure de l’histoire algérienne, Sadek a vu sa lucidité, son courage et son abnégation, sa fidélité à ses convictions saluées par toutes les forces progressistes algériennes.

Nous en faisons de même aujourd’hui, et nous inclinons respectueusement devant sa mémoire.

 

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Guerre en Ukraine : mon intervention au Sénat

Il y a 2 mois, le 7 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce mardi 7 février, le Sénat a examiné une proposition de résolution « exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine ». Je suis intervenu pour exprimer la position des Sénatrices et Sénateurs de mon groupe, en faveur de la désescalade mutuelle et de la paix !

GARDONS LE CONTACT

La résolution que nous discutons arrive à un moment crucial pour l’avenir du conflit et pour celui de la paix mondiale. Hier le secrétaire général  de l’ONU s’est alarmé, je le cite, que le monde se dirige « les yeux grands ouverts » vers une « guerre plus large encore », mettant en garde contre « les risques d’escalade ». Allons-nous entendre, chers collègues, cette mise en garde ?

Il y a un an, l’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine a plongé dans l’horreur le peuple ukrainien, et signé le retour d’une guerre inhumaine au cœur de l’Europe.

Le bilan est d’ores et déjà effroyable : probablement plus de 300 000 victimes, tuées ou blessées, un pays durablement meurtri, des millions de réfugiés et de déplacés internes.

Vladimir Poutine croyait gagner la guerre en un éclair. La résistance de l’Ukraine, aidée par la France et l’OTAN, a changé la donne. Face à cette résistance qu’il n’attendait pas, Vladimir Poutine a choisi le pire : toujours plus de guerres, de crimes, de destructions, de violations des droits humains, d’enrôlements forcés de jeunes russes, sans compter le chantage plusieurs fois brandi de la menace nucléaire. Ce choix du pire a provoqué en riposte un armement massif de l’Ukraine.

Un an plus tard, malgré cet effrayant bilan, des moyens colossaux engagés de part et d’autre, et une ligne de front globalement figée depuis des mois, la guerre ne s’apaise pas, mais semble au contraire à l’aube d’une nouvelle escalade. Et cela en dépit du constat dressé par le général Mark Milley, chef d’état-major des armées des États-Unis le 9 novembre 2022, estimant : « il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire n’est probablement pas réalisable par des moyens militaires », et qu’il faut donc « se tourner vers d’autres moyens ».

J’entends aussitôt la critique : admettre ce constat, ce serait être indifférent au drame ukrainien, ou pire se montrer complice de Vladimir Poutine. Le Président de la République lui-même, Emmanuel Macron, a été confronté à cette accusation larvée, quand il a tenté de maintenir ouverte la porte d’une négociation, sommé alors de rentrer dans le rang des partisans de l’escalade guerrière.

Non, chers collègues, affirmer notre soutien à l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, dénoncer les crimes de Vladimir Poutine, exiger le retrait des troupes russes et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, aider militairement et humanitairement l’Ukraine à se défendre et à protéger sa population, c’est indispensable comme nous le disons depuis le premier jour de la guerre. Mais cela doit aller de pair avec l’impératif de prévenir une guerre généralisée et avec une mobilisation internationale de tous les instants pour stopper le conflit, pour explorer toutes les voies capables de remettre les belligérants à la table des négociations en vue du retour à la paix et à la sécurité mutuelle.

Abandonner l’objectif de la paix au seul profit de l’escalade militaire, c’est abdiquer devant la perspective d’une guerre longue et durable,  toujours plus destructrice, une guerre aux limites inconnues, chaque jour plus proche d’un basculement aux conséquences incalculables.

Ce travail est urgentissime, chers collègues. Ne voyons-nous pas s’accumuler les vents mauvais d’une guerre toujours plus large ? La Russie ne recule devant rien pour envoyer la jeunesse russe à la boucherie. Face à lui, le surarmement des pays de l’OTAN s’accélère dans des proportions inédites. Les ventes d’armes à l’international des États-Unis ont dépassé les 200 milliards de dollars, inondant l’Europe d’armes toujours plus sophistiquées. Les dirigeants polonais, pas à proprement parler des figures de la démocratie, ont augmenté leur budget militaire de 9 milliards d’euros en 2015 à 97 milliards en 2023, à grands coups d’équipements américains. Les surenchères nationalistes et les réécritures de l’histoire se propagent partout et en tous sens, excitant les haines des peuples.

Ne voyons-nous rien de tout cela, des périls encourus ? Européens ayant traversé deux guerres mondiales, avons-nous perdu la mémoire ?

Voilà pourquoi, chers collègues, nous ne voterons pas la résolution qui nous est proposée. Elle énonce des rappels de principes que nous défendons nous-mêmes face à l’agression criminelle de la Russie. Mais elle ne propose face à ce drame qu’un seul chemin de fait : l’escalade militaire clairement revendiquée par l’auteur de cette proposition de résolution Claude Malhuret. C’est le sens de l’alinéa 31. Autrement dit, après les chars lourds porteurs d’obus à uranium appauvri, des avions de chasse, demain des missiles et à chaque cran nouveau des soldats formateurs de l’Otan directement engagés. La résolution donne le feu vert au franchissement futur de toutes les lignes rouges.

Et surtout, la résolution fait l’impasse sur tout appel à une initiative de négociations et de paix. Ce n’est pas un oubli, c’est un choix, celui de la guerre comme seul chemin possible, oubliant la leçon de tous les conflits récents.

Cette résolution est une occasion manquée, celle de faire rimer solidarité avec l’Ukraine et mobilisation pour une solution de  paix. C’est cette double exigence qu’exprimera notre vote contre.

 

La vidéo de l’intervention, à retrouver sur mon compte Facebook

Le texte de la proposition de résolution, à retrouver sur le site du Sénat

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