#TRAVAIL

L’industrie, enjeu stratégique : « souvent gouvernement varie, bien fol… »

Il y a 3 ans, le 9 septembre 2020

Par Pierre Laurent

J’ai découvert en rentrant de congés une lettre de Madame Agnès Pannier Runacher, datée du 4 août, m’annonçant une nouvelle « historique » : le rétablissement d’un ministère de l’industrie dont elle a la charge.

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N’ayant pas la mémoire courte, je veux rappeler ici que le 12 Octobre 2017, sitôt connue la composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe, je posais une question écrite au gouvernement sur l’absence en son sein d’un portefeuille ministériel consacré à l’Industrie. J’y soulignais notamment que cette absence aveuglante constituait une première depuis… 1886 ! Et donc, une « rupture historique » qui augurait fort mal des ambitions gouvernementales dans un secteur crucial pour le pays et pour l’intérêt général.

A en croire la réponse que j’attendis jusqu’au 11 janvier 2018, j’avais tort de m’inquiéter : l’absence d’un ministère réservé à l’industrie n’avait en effet rien d’anormal puisque « le portefeuille ministériel du ministre de l’économie et des finances comprend, dans ses attributions, la politique industrielle ». Donc, pourquoi un ministère de l’Industrie puisque tout est dans tout !

Et pour mieux convaincre le chaland, de développer dans la réponse « l’ambition forte du gouvernement  pour l’industrie », de préciser les grandes mesures déjà prises pour la « compétitivité de notre  industrie », de la « modernisation du code du travail » à la « baisse de l’impôt sur les sociétés », de la « suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune » à l’annonce de grands chantiers à venir, notamment « la poursuite des travaux sur la compétitivité coût, incluant la question de la fiscalité de production ainsi que la question des niveaux de charges sociales au-delà de 2, 5 SMIC, etc. ».

J’en passe et des meilleures sur les mesures d’un bréviaire ultra libéral dont l’histoire a déjà fait litière de ses conséquences néfastes sur notre tissu industriel !

Et la réponse de se terminer par un grand élan lyrique sur la volonté de la France que sa stratégie industrielle « s’inscrive au niveau européen et international », appelant de ses vœux « une véritable politique industrielle européenne, l’émergence de champions européens… »

Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles

Pour appliquer cette politique, Édouard Philippe nommait le 16 octobre 2018 Madame Agnès Pannier Runacher, secrétaire d’Eat à l’Industrie, auprès du ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire.

Sans que celle-ci n’ait trouvé, à aucun moment, à redire sur l’absence initiale et totale d’un portefeuille à l’industrie, ni sur le choix d’un simple « secrétariat d’Etat » dans ce domaine. J’ai donc souvent entendu ces deux dernières années Madame Pannier Runacher nous vanter les choix industriels de ce gouvernement.

Mais voici que la même Agnès Pannier Runacher informe les parlementaires le 4 août 2020, il y a un mois, qu’elle a été nommée « ministre déléguée » chargée de l’industrie dans le gouvernement Castex. Et de proclamer à qui veut l’entendre que « le rétablissement d’un portefeuille dédiée à l’industrie est un choix politique fort » !!

Devons-nous nous habituer à des femmes et des hommes politiques qui, au gré des circonstances, ont coutume de dire tout et son contraire ?

Personnellement, je ne m’y fais pas et je crois que les françaises et les français non plus.

Bon… ne faisons pas preuve de « mauvais esprit ». Le rétablissement d’un ministère dédié à l’industrie me paraît indispensable. D’autant que je n’ai personnellement jamais changé d’avis sur le sujet !

Mais reste l’essentiel, quelle politique menée en matière industrielle ?

Tout indique que le plan de relance du gouvernement Castex obéit en tous points à l’énoncé que m’adressait en son temps Edouard Philippe, à commencer par les nouveaux cadeaux fiscaux : après le CICE, la baisse des impôts dits de production.

Il est donc hors de question de rompre avec une politique exclusivement centrée sur la logique de la « compétitivité – coût » pour privilégier une politique qui permette à notre pays de planifier et de se redonner des bases nationales suffisamment solides pour pouvoir répondre aux besoins du pays et engager des coopérations respectueuses de ces besoins en Europe et dans le monde.

Je pourrais multiplier les exemples, mais prenons la question de la production des médicaments. Il est particulièrement éclairant.

Il ne suffira pas d’abreuver d’argent ou de multiplier les cadeaux fiscaux aux grands Groupes, à commencer par SANOFI, qui, précisément, sont ceux qui ont organisé le désengagement industriel de notre pays, avec les conséquences que la crise du COVID a rendu explosives. L’argent va même continuer à financer ces stratégies si rien ne change. C’est toute la stratégie industrielle de ces groupes qu’il faut reprendre en main, en donnant plus de pouvoirs aux salariés, à leurs représentants, et aux élu·e·s de la nation.

Puisque Madame Agnès Pannier Runacher semble si fière de faire ronfler son titre de ministre de l’Industrie, je lui pose cette question : allez-vous devenir cette ministre ? Serez vous la ministre de l’industrie qui prendra à bras-le-corps la reconstruction de notre tissu industriel et de notre souveraineté nationale ? Ou, resterez-vous une ministre du financement public des grands Groupes et de leur stratégie basée sur la recherche du profit maximum ?

J’attends votre réponse ou plutôt, ayant appris à me méfier de vos fluctuations au gré de vos nominations, j’attends vos actes !

Mais soyez assurée que mes collègues sénateurs et sénatrices communistes et moi même avons de la constance et de la suite dans les idées. Et qu’au Sénat, plus nombreux je l’espère après les sénatoriales du 27 septembre, nous continuerons à porter l’ambition des salarié·e·s et de toutes les femmes et hommes qui créent les richesses de ce pays et qui croient en une nouvelle industrialisation sociale et écologique de la France.

Rapport Oxfam sur les inégalités : quand il ruisselle toujours où c’est mouillé !

Il y a 4 ans, le 23 janvier 2020

Par Pierre Laurent

1 % de la population mondiale possède plus que tous les autres, écrivais-je dans un ouvrage récent, « 99 % ». Et cela continue !

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Dans le rapport annuel qu’elle vient de rendre public, Oxfam s’attache à nouveau à calculer les inégalités mondiales pour mieux les dénoncer. Et les chiffres donnent le vertige, confirmant le fossé abyssal entre une minorité d’ultra-riches et le reste de l’humanité. L’étude ajoute que les femmes et les filles sont les premières à payer le prix de ce système économique injuste et défaillant.

Dans ce constat, la France est loin d’être épargnée et s’engage elle aussi sur la voie des inégalités croissantes. Cela mérite de s’attarder sur ces chiffres au moment où le gouvernement persiste à nous faire croire qu’il n’y a pas d’argent à aller chercher pour le système de retraite et pour le système de santé.

Les chiffres que fait paraître Oxfam dans son rapport illustrent à eux-seul l’ampleur des inégalités mondiales. La richesse des 1% les plus riches de la planète est supérieure à celle de 90 % de la population mondiale, soit 6,9 milliards de personnes.

Les milliardaires du monde entier, qui sont aujourd’hui au nombre de 2 153, possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60% de la population mondiale.

Dans le même temps, près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 5 dollars par jour. Le rythme de réduction de la pauvreté s’est ralenti de moitié depuis 2013.

Toujours dans son rapport, Oxfam met particulièrement en lumière les conséquences de ce système économique sur les femmes et les filles. Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses en plus que les femmes !

Et en France donc, me direz vous ? Continuons la lecture du rapport…

Le système social français, basé sur le principe de redistribution, avait jusque-là permis de lutter contre les inégalités et la pauvreté. Mais il est en danger à cause de choix politiques qui réduisent la participation des plus riches à l’effort de solidarité par l’impôt et fragilisent le financement des services publics. La situation s’est aggravée depuis la réforme fiscale de 2017 qui privilégie clairement les intérêts des très riches au détriment des plus précaires.
Résultat : depuis 2018, les inégalités sont reparties à la hausse et la pauvreté aussi.

En France, 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % des plus pauvres. Ils étaient 8 l’année dernière. Les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses du pays.

La France compte 41 milliardaires en 2019. C’est 4 fois plus qu’après la crise financière de 2008 !
Sur ces 41 personnes, plus de la moitié ont hérité de leur fortune.

Les milliardaires français sont ceux qui ont vu leur richesse le plus augmenter l’année dernière, devant les milliardaires américains ou chinois.

Le PDG du groupe Sanofi, grand groupe pharmaceutique français, gagnait en 2018 plus de 343 fois le salaire moyen d’un·e aide-soignant·e.

Depuis 2018, la France compte 400 000 pauvres supplémentaires.

Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, lui, ne connaît pas la misère, même au soleil… Sa richesse est estimée à 117 milliards d’euros !
Et ce n’est pas près de s’arrêter. En 2019, Bernard Arnault a été l’homme d’affaire qui a engrangé le plus de richesse dans le monde.


Il est décidément des rapports et des réalités qui mettent en rage quand on explique qu’il n’y a pas d’argent pour les retraites, les salaires et les services publics.

Qui mettent en rage jusqu’à la nausée quand un journal patronal, qui a pignon sur rue dans les tours de la Défense, nous explique que c’est la CGT, les grévistes et les manifestant·e·s qui ruinent la France…

Chez ces gens là, l’accroissement des dividendes est proportionnel à celui de leur mépris de classe !

Heureusement, la rage fait peu à peu place à la mobilisation lucide et consciente. Celle des femmes et des hommes qui soutiennent et approuvent la lutte contre la réforme Macron des retraites, celle de cette majorité de français·e·s qui, selon un sondage CEVIPOF, pensent que pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres…

Un parfum de nuit du 4 août 1789, qui a aboli les privilèges, reprend force en France ! Les Bastilles du 21e siècle ne sont plus imprenables !

J’écris ces lignes un 21 janvier. Un anniversaire, une annonce des jours qui rallongent, car, comme l’a écrit Aragon, « il n’est point d’hiver qui n’ait finalement cédé au printemps ».

Décidément, « la route ne sera plus du tout la même avec le soleil».

Billet d’humeur

Il y a 4 ans, le 26 novembre 2019

Par Pierre Laurent

Nous étions inquiets…

En cette époque où le pays craque, où les personnels de santé ne tolèrent plus l’état de précarité dans lequel vivent leurs établissements…

Où les chômeurs·euses, les précaires, tous les travailleurs menacés de perdre leur emploi, sont attaqués avec une violence inouïe par une réforme de l’indemnisation du chômage qui va jeter des centaines de milliers d’entre eux dans la pauvreté.

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En cette époque où les enseignants, les parents, n’en peuvent plus d’entendre le gouvernement parler de priorité éducative quand ils vivent le contraire au quotidien.

Où les femmes ne voient rien venir en termes de mesures tangibles et de moyens à la hauteur pour éradiquer les violences et les inégalités qu’elle subissent.
En cette époque où les territoires et leurs habitant·e·s, tant des banlieues que des campagnes, souffrent d’abandon, de services publics sacrifiés, de désagrégation du lien social. Où les cheminots tirent la sonnette d’alarme sur la qualité et la sécurité des réseaux et subissent en retour la violence du mépris gouvernemental.

Où les militants de l’urgence climatique ne supportent plus les envolées présidentielles d’un côté et l’inaction gouvernementale de l’autre et, plus encore, la complaisance face aux pratiques destructrices de la course au profit.

En cette époque, enfin, où tous ces gens là vont avoir l’outrecuidance de manifester pour leur retraite et l’avenir de leurs enfants le 5 décembre prochain.

Nous étions inquiets disais-je… Nous dormions mal… hantés par cette angoisse : mais comment se portent nos « premiers de cordée » ?

Et bien, nous voilà rassurés, enfin !!
Le journal Le Parisien s’est chargé de nous apaiser en révélant que, selon le portrait social de la France publié par l’Insee, la suppression de l’ISF et la mise en place de la « Flat Tax » ont été  pour les plus aisés un véritable jackpot.

Et l’étude -je la cite- de nous révéler : « Les personnes les plus aisées sont celles qui bénéficient le plus des mesures socio-fiscales. Ce résultat est principalement du fait des réformes qui concernent les détenteurs de capital ».

Et d’ajouter pour que nous soyions pleinement rassurés : « Ainsi, les mesures socio-fiscales déployées en 2018 font grimper beaucoup plus vite – en valeur – le niveau de vie des 10 % de Français les plus aisés (+ 790 € par an en moyenne) que pour le reste de la population (+ 130 € à + 230 € en moyenne). Et si l’on prend en compte les 5 % de Français les plus riches, l’avantage est encore plus marqué (+1 200 €). Enfin, les plus pauvres sont d’autant plus pénalisés que « la hausse des prélèvements indirects, sur les produits pétroliers et le tabac, en 2018 pénalise l’ensemble de la population, mais davantage les personnes modestes, à comportement de consommation constant ».

Nous ne sommes plus inquiets… mais nous sommes en colère.

En colère contre un président et un gouvernement qui ont fait leur la devise du « Guépard » Changeons tout pour que rien ne change.
En pire : toujours d’avantage d’inégalités, d’injustices, de précarité, de dureté, de violences. Moins de droits, une démocratie en miette !

En colère car il n’est pas acceptable que la gestion des richesses créées échappe ainsi au plus grand nombre dans des proportions de plus en plus tentaculaires.

Nous sommes en colère mais mais déterminés et confiants. Confiants dans la force des peuples, dans leur mobilisation, dans leur capacité à reprendre du pouvoir sur l’argent et à construire une démocratie nouvelle, dans laquelle la vie humaine prendra le pas sur la Bourse !

Nous serons dans la rue le 5 décembre !

Faire du commun, c’est prendre soin de nos anciens

Il y a 4 ans, le 26 août 2019

Par Pierre Laurent

Une des grandes questions de société qui va être à l’ordre du jour des débats et des mobilisations sociales est celle des retraites.

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La pierre angulaire de la réforme Macron des retraites se résume à un chiffre : la limitation des dépenses de retraites à 14 % du PIB en bloquant définitivement le levier de l’augmentation des ressources financières pour répondre aux besoins.

Il faut bien retenir ce chiffre car il en sera beaucoup question au cours des prochains mois. Comment ? En restant au travail plus longtemps, avec des pensions réduites à la retraite. L’arnaque, qui commence à être ressentie comme telle par l’opinion publique, consiste à faire croire que l’âge légal de départ à la retraite n’est pas remis en cause, tout en créant les conditions d’un départ effectif à 63 ou 64 ans. Ils s’agit donc d’un hold-up sur les plus belles années à la retraite, celles en bonne santé. 

Si nous en sommes d’accord, la dénonciation de cette hypocrisie, de cette arnaque, de ce hold-up pourrait être l’un des axes prioritaires de bataille publique.

Je participerai à la journée d’action décidée par les syndicats le 24 septembre prochain.

Nous proposons de mettre la barre haut en parlant d’un enjeu de société et de civilisation en répondant à un triple défi : l’augmentation de la part des plus de 60 ans dans la population, l’allongement de la durée de vie, l’aspiration à une autre vie.

Rien – et surtout pas les évolutions démographiques prévisibles – ne justifie une régression par rapports aux conquêtes sociales : possibilité de partir à la retraite à 60 ans, avec une pension équivalente à 75 % des meilleures salaires de carrière, toutes primes comprises, et indexée sur l’évolution des salaires. Chaque travailleur crée bien plus de richesses qu’en 1945 et en créera encore plus au fil des prochaines décennies. Il s’agit de s’attaquer à tout ce qui mine notre économie : le chômage et la précarité, la domination de la finance, une concurrence internationale effrénée.