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Hommage à Martine Durlach

Il y a 7 mois, le 9 mars 2023

Par Pierre Laurent

Ce 9 mars avec de nombreux élus et citoyens de Paris, avec la famille et les proches de Martine Durlach, nous avons eu l’honneur d’assister à l’inauguration de la place qui désormais portera son nom, dans le 19ème arrondissement de Paris. À cette occasion, j’ai pu prononcer ce discours pour rappeler qui était Martine et quels étaient ses engagements pour Paris et les Parisiens.

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Madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo,

Monsieur le Maire du 19ème arrondissement, cher François Dagnaud,

Mesdames et Messieurs les Maires-adjoints de la ville,

Cher Bertrand Delanoë,

Chers Jean-François et Gabriel,

 

C’est avec beaucoup d’émotion et une grande fierté que je prends la parole pour honorer la mémoire de Martine Durlach, au nom de la direction nationale du Parti communiste français et des communistes parisiens. Je salue d’ailleurs la présence d’Adrien Tiberti, secrétaire de notre fédération. Fierté de participer avec vous toutes et tous, à inscrire son nom sur cette place, au cœur d’un quartier populaire qu’elle aimait, et qui m’est particulièrement cher.

Permettez-moi pour commencer une petite remarque personnelle. J’ai foulé cette place depuis toujours. Mes parents habitaient au bout de la rue Fessart, tout près des Buttes-Chaumont. J’allais à l’école rue de Palestine, à la maternelle et juste derrière, ma grand-mère habitait rue Olivier-Métra, en face. J’ai donc toujours traversé cette place. J’habite à deux pas d’ici, je continue de le faire tous les jours. Et savoir que cette place, qui m’est si familière va désormais s’appeler Martine Durlach, me remplit de joie.

C’est une juste reconnaissance pour cette femme remarquable, cette militante et cette élue toute sa vie au premier rang des combats progressistes, féministes, démocratiques et sociaux. Je remercie la Mairie de Paris d’avoir très vite, après la disparition de Martine, accepté le principe de cette inscription sur cette place. Et je remercie Jean-François et Gabriel de m’avoir demandé d’y prendre la parole aujourd’hui.

Nous attendions avec impatience cette inauguration. Elle a été un peu reportée, par le Covid ; comme, si je puis dire, un clin d’œil à la maladie d’une manière générale, avec laquelle et contre laquelle Martine a vécu toute sa vie. Mais finalement, le hasard faisant parfois bien les choses, c’est un beau pied-de-nez que d’inaugurer cette place au lendemain de deux énormes mobilisations populaires qui ressemblent tant à ce qui faisait les engagements de Martine.

En ce moment, le pays tout entier dit non à la réforme des retraites, pour que personne ne se voit privé de deux belles années de retraite. Martine n’a pas pu connaître la retraite. Mais elle a connu dans sa chair la valeur du temps, du temps qui manque pour profiter de la vie. Du temps libre, du temps de l’émancipation, elle qui savait si bien transformer tous les temps de la vie militante en moments de joie, de convivialité, de culture, d’humour, de chansons et d’amour.

Et puis nous sommes également au lendemain du 8 mars, en ces temps où le mouvement féministe a pris un nouvel essor, une nouvelle jeunesse. Et tout cela aurait vraiment rempli de bonheur Martine, elle qui n’a jamais désespéré d’un monde meilleur et qui a toujours cultivé sa confiance dans les capacités populaires à ouvrir la voie à une société de justice et d’égalité.

Je vis, comme vous le savez en ce moment, un peu enfermé dans un hémicycle, où je passe quelques jours et quelques nuits – et ce n’est pas fini – pour combattre des ministres et une droite sénatoriale qui, enfermés dans leurs dogmes réactionnaires contre l’immense majorité de notre peuple, tentent de faire reculer nos droits sociaux. Alors, cette inauguration, c’est pour moi en quelque sorte, une petite bouffée d’oxygène. Une bouffée d’oxygène qui nous permet en quelque sorte de respirer l’air de la vraie vie, ce qui manque tant dans l’hémicycle. Celle des souffrances et des espoirs des classes populaires. Et en le faisant, en pensant à Martine et à tous ses combats.

Martine a adhéré au Parti communiste français en 1970, avec cette génération qui, dans la foulée de mai-juin 68, allait faire du Parti communiste une force motrice et majeure des combats unitaires qui conduirait à nouveau la gauche au pouvoir. Une génération communiste qui a su aussi ouvrir la voie à de nouvelles conceptions communistes, plaçant la démocratie au cœur de tout notre projet. Dégageant notre projet de conceptions dépassées, faisant entrer de plain pied le communisme dans le XXIᵉ siècle.

Entrée au comité central en 1987, devenue secrétaire de la Fédération de Paris en 1995 et le restera jusqu’en 2001, succédant dans cette fonction à Henri Malberg, qui a lui aussi une place pas très loin d’ici. Membre du bureau national de notre parti pendant de nombreuses années, elle a joué un rôle essentiel pour ancrer la réflexion et l’action communiste dans les nouveaux enjeux contemporains, et sa mémoire nous est pour cela aussi tellement utile aujourd’hui.

Jeune membre du comité fédéral parisien quand elle en était la première secrétaire, je reste marqué par sa précision, sa créativité, son intelligence des situations politiques, son humanité, sa passion pour le rassemblement, des communistes d’abord, mais des forces progressistes et populaires partout à Paris et dans le pays. Et bien sûr, marqué par sa légendaire bonne humeur, avec laquelle elle conduisait tout son travail politique.

Martine a été une actrice majeure de la reconquête par la gauche parisienne. Après avoir dirigé la section du Parti communiste du quatrième arrondissement, elle est venue habiter dans le 19ᵉ avec Jean-François en 1980. C’est là qu’elle est devenue conseillère d’arrondissement en 1989, conseillère de Paris en 1995. Elle joua alors un rôle de premier plan pour la construction de la bataille unitaire de la gauche pour reconquérir Paris en 2001, avec Bertrand Delanoë.

Dans le 19ᵉ, elle a fait ses armes aux côtés de Paul Laurent, permettez-moi de l’évoquer. Et elle en a pris la relève quand il est décédé, trop tôt, en 1990. Je peux témoigner de la confiance que Paul avait en Martine. Il savait qu’elle serait une grande dirigeant communiste, et il ne s’était pas trompé. Il en était d’autant plus heureux qu’il partageait avec Martine un sens de l’humour aiguisé, et cette devise « qu’un communiste triste, est un bien triste communiste ». Nous savions tous que Martine a lutté toute sa vie contre la maladie génétique qui la rongeait. Mais jamais cela n’entamait sa joie de vivre, c’était même son antidote. Et nous étions tellement reconnaissants de nous faire partager ses éclats de rire permanents.

Martine a consacré sa vie d’élue parisienne à en faire une ville pour tous. Elle a mis autant d’énergie à faire revenir le cinéma au 19ᵉ puisque quand elle est arrivée dans le 19ᵉ, elle a constaté qu’il n’y avait plus un seul cinéma dans cet arrondissement. Tous les cinémas avaient fermé les uns après les autres. Elle a pris la tête d’une bataille mémorable pour le retour du cinéma dans Paris, qui a débouché sur la création des MK2 quai de Seine, et quai de Loire, qui est aujourd’hui un des plus grands lieux du cinéma à Paris.

Mais elle mettait autant d’énergie à faire revenir le cinéma et la culture qu’à se consacrer à la politique de la ville dans les quartiers populaires. D’abord comme maire adjoint à la politique de la ville aux côtés de Bertrand Delanoë de 2001 à 2008, et ensuite à la tête de la mission sur les jeunes filles dans les quartiers populaires que lui avait confié Bertrand Delanoë quand elle a quitté, trop affaiblie, ses mandats. Ce rapport est d’ailleurs d’une incroyable actualité, en ces temps de revendications sociales et féministes. Jean-François nous rappelait hier dans son rapport, par exemple, la recommandation d’une campagne de vaccination des jeunes filles des quartiers populaires contre le papillomavirus. On voit qu’il y a des gens qui découvrent aujourd’hui l’utilité de cette campagne, Martine la recommandait il y a des années déjà.

Je pourrais évidemment parler encore très longtemps de Martine. Au moment de terminer ce propos, je ne peux m’empêcher que trotte dans ma tête la voix de Martine qui aimait tant chanter. Je voudrais dire, pour finir, aux habitant·es du 19e arrondissement, qu’ils ont beaucoup de chance et peuvent être très fiers de cette place Martine-Durlach.

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Hommage à Samuel Paty – 16 octobre 2022

Il y a 12 mois, le 17 octobre 2022

Par Pierre Laurent

Le matin du dimanche 16 octobre à Paris, je participais au nom du Parti Communiste Français et de ses parlementaires à l’hommage solennel rendu à Samuel Paty par les forces de la NUPES. Voici l’allocution que j’y ai prononcée.

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Hommage à Samuel Paty – 16 octobre 2022 – Allocution de Pierre Laurent

L’hommage que nous rendons aujourd’hui à Samuel Paty, deux ans jour pour jour après son lâche assassinat, après ceux rendus ces jours-ci dans des centaines d’établissements scolaires et ici même à la Sorbonne par l’association nationale des professeurs d’histoire-géographie en présence du ministre de l’Éducation nationale Pap N’diaye, est l’hommage que nous devons à un homme qui faisait tout simplement son métier, éduquer, et participait ainsi à l’inlassable combat mené dans la République pour la liberté et l’égalité.

La liberté, l’égalité, le savoir partagé, c’est ce que visait le bras d’un jeune fanatique armé par l’obscurantisme islamiste quand il a tué Samuel Paty à la sortie de son collège.

« Enseigner, c’est expliquer et non se taire », a déclaré hier Michaëlle Paty, la sœur de l’enseignant. Oui, deux ans après il ne faut toujours pas se taire, et dire haut et fort, en rendant hommage à Samuel Paty, notre soutien plein et entier aux enseignants de notre pays, notre soutien à l’école de la République, qui ont tant besoin de moyens et de respect pour leur métier.

Dire haut et fort aux enfants de notre pays qu’ils sont libres d’apprendre, et qu’ils et elles seront ainsi des femmes et des hommes libres.

Dire haut et fort que notre hommage va droit à toutes les femmes et hommes qui, ici et dans le monde, sont les victimes d’interdits archaïques, religieux et non-religieux, d’oppressions inacceptables.

L’éducation est partout dans le monde au cœur de ce combat. Je n’oublie pas le sens que les collègues et amis de Samuel Paty ont donné, ici il y a deux ans dans la cour de la Sorbonne, à l’hommage national à leur ami, auquel j’assistais. En lisant la lettre aux instituteurs de Jean Jaurès, ils ont rappelé la force du savoir et de la transmission, et la confiance qu’il convient d’avoir dans l’intelligence humaine. « Si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler » écrivait Jaurès, n’oubliez pas que les enfants « seront citoyens et qu’ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la Nation ».

C’est ce libre choix, cette éducation à la libre conscience que Samuel Paty a injustement payé de sa vie, comme avant lui l’équipe de Charlie ou les victimes du Bataclan, comme tant d’autres aujourd’hui dans le monde.

La liberté de conscience, philosophique, politique, religieuse pour chacune et chacun, pour garantir la pleine égalité d’accès aux droits de toutes et tous, voilà les deux piliers indissociables des fondements laïques de notre République. La laïcité est aujourd’hui doublement attaquée, par ceux qui menacent la liberté de conscience, comme par ceux qui en dénaturent le sens pour miner la promesse d’égalité contre toutes les haines et les divisions. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit toujours de rouvrir la voie à la domination d’une partie de la société et de l’humanité sur l’autre.

Nous voulons transmettre les principes de la République pour l’exact inverse : la réalisation pleine et entière de l’Humanité dont Jaurès fixait l’objectif en nommant son journal du même nom. Voilà pourquoi la lutte contre tous les racismes, contre l’antisémitisme, contre les musulmans, contre toutes les haines, la lutte des femmes pour leur totale égalité, la lutte contre toutes les injustices, tous combats aux fondements de la gauche, sont constitutifs du combat de toute la société pour la liberté, l’égalité, la fraternité, et la laïcité qui les garantit.

C’est pour transmettre le savoir qui est le cœur battant de l’égalité que Samuel Paty voulait vivre, et c’est pour cela que nous l’honorons aujourd’hui.

 

Seul le prononcé fait foi