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Guerre en Ukraine : mon intervention au Sénat

Il y a 8 mois, le 7 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce mardi 7 février, le Sénat a examiné une proposition de résolution « exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine ». Je suis intervenu pour exprimer la position des Sénatrices et Sénateurs de mon groupe, en faveur de la désescalade mutuelle et de la paix !

GARDONS LE CONTACT

La résolution que nous discutons arrive à un moment crucial pour l’avenir du conflit et pour celui de la paix mondiale. Hier le secrétaire général  de l’ONU s’est alarmé, je le cite, que le monde se dirige « les yeux grands ouverts » vers une « guerre plus large encore », mettant en garde contre « les risques d’escalade ». Allons-nous entendre, chers collègues, cette mise en garde ?

Il y a un an, l’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine a plongé dans l’horreur le peuple ukrainien, et signé le retour d’une guerre inhumaine au cœur de l’Europe.

Le bilan est d’ores et déjà effroyable : probablement plus de 300 000 victimes, tuées ou blessées, un pays durablement meurtri, des millions de réfugiés et de déplacés internes.

Vladimir Poutine croyait gagner la guerre en un éclair. La résistance de l’Ukraine, aidée par la France et l’OTAN, a changé la donne. Face à cette résistance qu’il n’attendait pas, Vladimir Poutine a choisi le pire : toujours plus de guerres, de crimes, de destructions, de violations des droits humains, d’enrôlements forcés de jeunes russes, sans compter le chantage plusieurs fois brandi de la menace nucléaire. Ce choix du pire a provoqué en riposte un armement massif de l’Ukraine.

Un an plus tard, malgré cet effrayant bilan, des moyens colossaux engagés de part et d’autre, et une ligne de front globalement figée depuis des mois, la guerre ne s’apaise pas, mais semble au contraire à l’aube d’une nouvelle escalade. Et cela en dépit du constat dressé par le général Mark Milley, chef d’état-major des armées des États-Unis le 9 novembre 2022, estimant : « il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire n’est probablement pas réalisable par des moyens militaires », et qu’il faut donc « se tourner vers d’autres moyens ».

J’entends aussitôt la critique : admettre ce constat, ce serait être indifférent au drame ukrainien, ou pire se montrer complice de Vladimir Poutine. Le Président de la République lui-même, Emmanuel Macron, a été confronté à cette accusation larvée, quand il a tenté de maintenir ouverte la porte d’une négociation, sommé alors de rentrer dans le rang des partisans de l’escalade guerrière.

Non, chers collègues, affirmer notre soutien à l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, dénoncer les crimes de Vladimir Poutine, exiger le retrait des troupes russes et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, aider militairement et humanitairement l’Ukraine à se défendre et à protéger sa population, c’est indispensable comme nous le disons depuis le premier jour de la guerre. Mais cela doit aller de pair avec l’impératif de prévenir une guerre généralisée et avec une mobilisation internationale de tous les instants pour stopper le conflit, pour explorer toutes les voies capables de remettre les belligérants à la table des négociations en vue du retour à la paix et à la sécurité mutuelle.

Abandonner l’objectif de la paix au seul profit de l’escalade militaire, c’est abdiquer devant la perspective d’une guerre longue et durable,  toujours plus destructrice, une guerre aux limites inconnues, chaque jour plus proche d’un basculement aux conséquences incalculables.

Ce travail est urgentissime, chers collègues. Ne voyons-nous pas s’accumuler les vents mauvais d’une guerre toujours plus large ? La Russie ne recule devant rien pour envoyer la jeunesse russe à la boucherie. Face à lui, le surarmement des pays de l’OTAN s’accélère dans des proportions inédites. Les ventes d’armes à l’international des États-Unis ont dépassé les 200 milliards de dollars, inondant l’Europe d’armes toujours plus sophistiquées. Les dirigeants polonais, pas à proprement parler des figures de la démocratie, ont augmenté leur budget militaire de 9 milliards d’euros en 2015 à 97 milliards en 2023, à grands coups d’équipements américains. Les surenchères nationalistes et les réécritures de l’histoire se propagent partout et en tous sens, excitant les haines des peuples.

Ne voyons-nous rien de tout cela, des périls encourus ? Européens ayant traversé deux guerres mondiales, avons-nous perdu la mémoire ?

Voilà pourquoi, chers collègues, nous ne voterons pas la résolution qui nous est proposée. Elle énonce des rappels de principes que nous défendons nous-mêmes face à l’agression criminelle de la Russie. Mais elle ne propose face à ce drame qu’un seul chemin de fait : l’escalade militaire clairement revendiquée par l’auteur de cette proposition de résolution Claude Malhuret. C’est le sens de l’alinéa 31. Autrement dit, après les chars lourds porteurs d’obus à uranium appauvri, des avions de chasse, demain des missiles et à chaque cran nouveau des soldats formateurs de l’Otan directement engagés. La résolution donne le feu vert au franchissement futur de toutes les lignes rouges.

Et surtout, la résolution fait l’impasse sur tout appel à une initiative de négociations et de paix. Ce n’est pas un oubli, c’est un choix, celui de la guerre comme seul chemin possible, oubliant la leçon de tous les conflits récents.

Cette résolution est une occasion manquée, celle de faire rimer solidarité avec l’Ukraine et mobilisation pour une solution de  paix. C’est cette double exigence qu’exprimera notre vote contre.

 

La vidéo de l’intervention, à retrouver sur mon compte Facebook

Le texte de la proposition de résolution, à retrouver sur le site du Sénat

Intervention au Sénat sur la politique de l’immigration

Il y a 10 mois, le 13 décembre 2022

Par Pierre Laurent

Monsieur le Président, Madame la Première ministre, Messieurs les Ministres, Chers collègues, Le débat d’aujourd’hui est censé ouvrir celui que nous aurons début 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en 40 ans. En prélude à ce projet de loi, vous avez publié le 17 novembre une circulaire mettant […]

GARDONS LE CONTACT

Monsieur le Président,
Madame la Première ministre,
Messieurs les Ministres,
Chers collègues,

Le débat d’aujourd’hui est censé ouvrir celui que nous aurons début 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en 40 ans.

En prélude à ce projet de loi, vous avez publié le 17 novembre une circulaire mettant gravement en cause le droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence pour les étrangers. Les structures d’accueil et les associations sont vent debout contre cette circulaire.
La discussion commence donc très mal. Si elle partait sur de telles bases, votre texte de loi pourrait être un nouvel appel d’air à tous les débordements, tous les fantasmes sur la submersion migratoire, sur les assimilations immigration/délinquance qui pourrissent le débat public depuis tant d’années. L’hystérie soulevée par l’arrivée de l’Ocean Viking en est le dernier exemple.

Pourrions-nous enfin débattre sérieusement et sereinement ? Les migrations sont un enjeu essentiel du monde et de l’époque actuelle. Depuis toujours la France, comme d’autres grandes démocraties, s’est construite en accueillant des migrants. Pendant longtemps c’est cela aussi qui a contribué à faire de la France, aux yeux des peuples du monde, la « patrie des Droits de l’Homme ».

Mais rompant avec cette histoire au fil des lois régressives, nous sommes devenus un des pays les plus restrictifs d’Europe. Car loin des fantasmes, c’est cela la réalité des chiffres.

Nous vivons une grave crise de l’accueil et un traitement de plus en plus dégradant des migrants en France et en Europe, un traitement indigne des droits humains.

Oui il faut débattre, car les causes des migrations sont multiples. Guerres, pauvreté extrême, violences faites aux femmes, répression des droits humains, catastrophes climatiques jettent des millions de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes de l’exil.
La mondialisation aussi a changé beaucoup de choses. Car les habitants de la planète, où qu’ils vivent, considèrent que les inégalités mondiales et le deux poids -deux mesures dans le traitement de la vie humaine ne sont plus acceptables.

Agissons-nous contre ces inégalités et ces insécurités mondiales ? Bien au contraire, la politique des pays les plus riches, comme le nôtre, ne cesse de les renforcer. Citons quelques exemples :
– les opérations militaires à répétition qui déstabilisent nombre d’États du Sud et du Proche-Orient ;
– les ajustements structurels et traités de libre-échange qui laissent exsangues les services publics de ces pays, assignent leurs économies à l’extraversion contre leurs besoins de développement interne ;
– le contrôle monétaire que nous continuons d’exercer sur les pays d’Afrique de l’Ouest via l’ex-franc CFA, qui les empêche d’avoir les moyens de financer leur développement ;
– les atermoiements face à la crise climatique, dont témoigne l’échec de la COP 27…

C’est de tout cela dont nous devrions parler, si nous voulons débattre sérieusement des migrations. Mais nous n’allons pas en parler, et certains nous rediront avec des mots nouveaux « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Mais chaque fois que des solutions concrètes sont mises sur la table pour traiter les causes réelles des désordres mondiaux et des conséquences qu’ils entraînent, toutes ces idées sont balayées d’un revers de main.

L’arrivée des réfugiés fuyant la guerre en Syrie aurait pu signer une nouvelle prise de conscience en Europe. Angela Merkel avait déclaré courageusement en 2016 : « Nous y arriverons ». Ce fut l’échec, et le retour des murs et des barbelés. En 2021,après la prise de Kaboul par les talibans, Emmanuel Macron ne trouvait plus qu’à s’inquiéter face aux « flux migratoires irréguliers ».

L’Europe a tourné le dos à ses devoirs d’accueil et de solidarité humaine. La présidence française de l’UE a passé son tour sur le Pacte asile et immigration. Aujourd’hui, le non-respect des clés de répartition solidaires à l’échelle européenne, un temps évoquées, associé à l’absurde règlement de Dublin, génère souffrance et indignité sur le continent.
Nous vivons avec la multiplication des camps d’exilés, des violences condamnables aux frontières, des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, dans la Manche ou sur la route des Balkans.

L’Europe n’a plus qu’une obsession, externaliser le traitement des migrants et marchander avec les pays de départ les reconduites aux frontières, plutôt que de considérer ces États comme des partenaires pour la coopération et le développement.

Ces politiques, qui n’arrêteront rien tant les causes des migrations sont profondes, ne font que favoriser les contournements et les migrations irrégulières, quand il faudrait au contraire travailler à des voies légales et sécurisées de migrations.
Ces voies légales et sécurisées sont possibles, car sinon comment expliquer que l’Europe puisse accueillir, à juste titre d’ailleurs, plusieurs millions d’Ukrainiens ?
Un Afghan fuyant les Talibans, une Nigériane fuyant un mariage forcé ou l’excision, un Congolais fuyant les massacres, une famille du Pakistan fuyant les inondations, valent-ils moins à nos yeux ?

Mais de tout cela, nous ne débattrons probablement pas. Votre projet, pour ce que nous en savons puisque nous n’avons pas le texte, semble vouloir se concentrer sur deux sujets, présentés comme les deux faces d’une même pièce : la régularisation par le travail pour les uns, l’accélération des expulsions pour les autres. Vous nous demandez donc de nous concentrer sur la situation de ceux qui sont déjà entrés sur notre sol. Sur ces deux sujets, quelques remarques.

Sur la question du travail. Vous connaissez notre position, elle est claire. Nous sommes pour la régularisation de tous ceux qui travaillent. Les grèves de sans-papiers ont montré clairement que des filières entières emploient ces travailleurs sans les déclarer au vu et au su de tous. Ils n’usurpent le travail de personne, car nous peinons aujourd’hui à recruter. Ils travaillent pour notre pays et sont pourtant maintenus dans une situation de vulnérabilité insupportable.
Nous ne voulons pas de quotas, et nous serons vigilants sur cette affaire de « liste des métiers en tension ». Le Gouvernement serait donc prêt à accueillir des étrangers mais à une condition, leur utilité. Pour nous, il ne doit pas s’agir de régulariser des pratiques d’exploitation patronales. Il s’agit de régulariser des femmes et des hommes, qui par leur travail peuvent enrichir notre pays et sécuriser leur vie.

Nous sommes favorables à la suppression du délai de carence afin de permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès leurs six premiers mois en France.

Nous plaidons pour les travailleurs pour une régularisation de plein droit, non soumise à la durée précaire des contrats, avec un titre de séjour d’une durée minimale de deux ans, pour permettre à ces salariés de sécuriser leur vie et leur installation.

Le ministre de l’Intérieur M. Darmanin évoque aussi, cela a été rappelé ce soir, l’exigence de réussir un test de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel. Évidemment, personne ne peut être contre que les étrangers en France qui viennent travailler chez nous apprennent le français. Mais nous serons attentifs là aussi pour que ce ne soit pas un sujet de discrimination. Et d’ailleurs, combien de Français aux origines immigrées ont mis des années avant de maîtriser leur langue nationale, leur langue d’adoption ?

Si au contraire, le titre que vous envisagiez pour les travailleurs sans-papiers ne courait que pour la stricte durée du contrat de travail, sa fin vaudrait alors OQTF et expulsion. Le cycle infernal serait perpétré.
Nous nous inquiétons donc de l’abus de vulnérabilité découlant de la dépendance économique et administrative du travailleur à l’égard de son employeur.

Quant au second volet, le renforcement des OQTF, que vous présentez faussement comme une contrepartie, le risque est grand de prendre de plus en plus de largesses avec le respect du droit.
Vous voulez qu’une OQTF vale expulsion. On peut aisément supposer qu’une telle décision sera sévèrement réprouvée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, car portant atteinte au droit à un recours effectif, garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Du point de vue procédural, vous affirmez la volonté de généraliser le juge unique à la Cour nationale du droit d’asile. Vous risquez de déshumaniser les procédures administratives, avec un risque de rejets systématiques.
Cette déshumanisation passera aussi par la généralisation des audiences en vidéo que vous envisagez. Cet éloignement a sa symbolique car la présence, le corps et ses marques, la souffrance endurée par les migrants, n’est pas perceptible de la même façon dans une procédure menée en présentiel.

Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs les Ministres, dans quel état d’esprit et avec quels principes nous aborderons le débat à venir sur votre projet de loi.

 

Seul le prononcé fait foi

Discours au Congrès du Parti de la Gauche Européenne

Il y a 10 mois, le 10 décembre 2022

Par Pierre Laurent

Ce week-end se tient le congrès du Parti de la Gauche Européenne, à l’occasion duquel je rends mon mandat de Vice-président en charge de l’organisation du Forum européen des forces de gauche, vertes et progressistes. J’y ai prononcé un discours sur l’avenir du Forum et plus largement, les perspectives d’union et de travail conjoint entre les forces progressistes du continent.

GARDONS LE CONTACT

Cher.es camarades,

Il y a six ans à Berlin, le congrès du PGE décidait de lancer une initiative inédite dans le paysage politique européen : le forum européen des forces de gauche, vertes et progressistes.

Le Forum de Sao Paulo, qui rassemble les forces de gauche et progressistes d’Amérique latine, et avec lequel le PGE a tissé des liens de travail étroits, avait inspiré notre décision. Il ne s’agissait pas de copier un modèle. Il s’agissait de créer dans les conditions propres à l’Europe un nouvel espace d’échange politique capable de générer des convergences, et progressivement des fronts communs d’action communs entre toutes les familles de gauche, vertes et progressistes d’Europe pour faire face aux politiques néo-libérales, aux forces de droite, et désormais et de plus en plus aux forces d’extrême-droite.

En ligne de mire, notre objectif est clair : non seulement résister à ces forces réactionnaires, mais surtout créer les conditions d’inverser progressivement les rapports de force en Europe en faveur de politiques sociales, économiques et financières, écologiques, féministes, démocratiques, de paix et de solidarité. Six ans plus tard, nous pouvons être fiers du chemin parcouru.

Nous venons de tenir, grâce aux camarades de Syriza, à Athènes les 21, 22 et 23 octobre une 6ème édition réussie et prometteuse du Forum européen. Nous avons tenu chaque année depuis 6 ans une édition du Forum à Marseille, à Bilbao, à Bruxelles, à Athènes, et deux fois en ligne ou en format hybride, car nous avons réussi à assurer la continuité du Forum pendant la pandémie. A chaque fois, plusieurs centaines de participants, venus de plus de 130 organisations politiques, syndicales, de mouvements sociaux et d’ONG.

Nous avons tâtonné, expérimenté, amélioré le Forum grâce à des réunions associant largement et plusieurs fois par an les organisations participantes. Au fil du temps, un format original du Forum s’est installé, avec des séances plénières thématiques permettant la confrontation des points de vue pluralistes qui composent le Forum, 4 Assemblées des femmes, des syndicalistes, des jeunes, de la culture pilotées de manière autonome, des ateliers thématiques coorganisés par ceux qui en proposent le thème, et à chaque édition l’adoption d’une déclaration finale et depuis trois ans d’un plan d’action pour l’année à venir. Vous avez dans vos documents ces textes adoptés au Forum d’Athènes.

Aujourd’hui, le Forum est une base sérieuse et crédible de travail pour toutes les organisations qui l’ont fréquentée au moins une fois. Ce n’était pas gagné d’avance. C’est un acquis précieux et je veux saluer toutes celles et ceux qui ont permis ce premier très grand résultat, en investissant beaucoup de temps dans la réussite de chaque édition, et singulièrement les membres de la présidence et du secrétariat politique du PGE qui, à mes côtés, nous représentaient dans le groupe de coordination pluraliste du Forum ( José Luis, Maïté, Natasa, Attila), et l’équipe du bureau de Bruxelles, Lena et tous les autres, sans lesquels la réussite organisationnelle du Forum serait impossible. Vous pouvez les applaudir.

Mais je veux vous livrer une vision lucide. Nous ne sommes pas au bout du chemin. Nous sommes en chemin et c’est maintenant, si nous y consacrons l’énergie
suffisante, que le Forum va pouvoir donner sa pleine mesure pour nous aider à changer les rapports de force en Europe. Nous voulons que le Forum associe toutes les forces de gauche en Europe, celles membres ou observateurs du PGE et toutes celles qui n’y sont pas. Nous progressons dans cette voie grâce à un partenariat solide et renouvelé avec le groupe parlementaire de la Gauche au Parlement, et avec la fondation Transform, qui contribuent par leur participation active à élargir la surface du Forum. Pour ne prendre qu’un exemple significatif, je salue la participation à Athènes de Mary Lou MacDonald, président du Sinn Fein en Irlande. Nous voulons le dialogue avec les forces vertes. Nous progressons là aussi, et je veux saluer l’engagement constant dans la coordination du Forum d’Ernest Urtasun, des Verts catalans, vice-président du groupe des Verts au Parlement européen.

Nous sommes encore loin du compte, car la famille verte européenne est très diverse, allant de forces travaillant avec la gauche à des forces ouvertement associées à des conceptions de capitalisme vert, très compatible avec la droite libérale. Mais nous devons persévérer, car l’avenir écologique de l’Europe est une question majeure indissociable de la transformation sociale et économique du projet européen. L’avenir appartient aux forces qui seront capables de lier luttes pour le climat et la biodiversité et luttes pour changer les règles capitalistes du système productif et financier, car c’est la condition pour réussir une transition juste et solidaire. Donc, oui les forces vertes sont les bienvenues au Forum européen ! Oui, la jeunesse qui se bat pour le
climat sur tout le continent est la bienvenue au Forum !

Nous voulons travailler avec les forces socialistes et progressistes qui comprennent combien le social-libéralisme qui a cogéré l’Europe libérale avec la droite était une grave impasse. Nous progressons là aussi grâce au travail commun avec les membres du Left Progressive Caucus du Parlement européen, grâce à la venue de Jeremy Corbyn il y a deux ans, de représentants du PS français, engagés dans l’alliance de la Nouvelle Union Populaire en France, ou de l’eurodéputé allemand Udo Bollman à Athènes. Nous voulons là aussi élargir encore car les urgences de l’époque et les menaces d’extrême-droite dans toute l’Europe nous imposent la construction de fronts de lutte toujours plus larges.

Nous voulons avec les Assemblées des femmes, des syndicalistes, des jeunes et de la culture dans le Forum élargir le travail commun entre les forces politiques de gauche, vertes et progressistes, et tous les mouvements sociaux qui génèrent la révolution féministe en cours, les luttes syndicales dans toute l’Europe, les mouvements de jeunes et ceux de la culture. Je veux souligner la place prise par l’Assemblée des femmes, par celle des syndicalistes avec la participation de dirigeants de premier plan de la confédération européenne des syndicats et de grandes fédérations syndicales européennes dont Esther Lynch cette année à Athènes, avec laquelle nous avons convenu d’échanger sur le travail commun possible dès après le congrès de la CES en mai prochain. Je veux saluer le travail patient pour installer l’Assemblée des jeunes et les débuts prometteurs de l’Assemblée de la culture. Je veux dire aussi notre volonté d’installer le travail dans la durée avec les fondations européennes verte et socialiste grâce à l’engagement de Transform. Oui, le Forum est bien en train de devenir un espace utile de co-élaborations communes pour des bifurcations de progrès, de justice et de paix en Europe.

Le Forum d’Athènes, qui a consacré de nombreuses heures de discussion, aux enjeux de la paix et de la guerre, a adopté cinq axes dans son plan d’action pour amplifier la bataille féministe en Europe, pour appuyer les luttes en faveur de la construction de droits sociaux capables d’unir les travailleurs européens et d’engager un autre type de développement , pour promouvoir une transition climatique juste, pour construire en Europe un mouvement de paix capable de combattre la militarisation et le surarmement en cours en Europe, et pour construire une bataille culturelle et idéologique d’ampleur à l’échelle de l’Europe contre l’extrême-droite néo-fasciste.

L’objectif pour 2023 est que dans la préparation de la 7ème édition du Forum nous soyons en mesure de mettre en œuvre le plan d’action. La 7ème édition du Forum, dont le lieu sera décidé en début d’année prochaine, se tiendra à l’automne prochain. Ce sera six mois avant les prochaines élections européennes. Le Forum n’a pas vocation, compte tenu de sa grande diversité, à discuter stratégies électorales. Il reviendra aux partis de d’élaborer ces stratégies, mais je crois que le Forum peut trouver une autre utilité. Je pense , c’est en tous cas une opinion personnelle, que le Forum pourrait travailler à élaborer en vue de ces échéances des objectifs concrets de transformation sociale, écologique, économique, féministe, démocratique, de paix de l’Europe versés au pot commun des forces de gauche, vertes et progressistes de toute l’Europe. Nous pourrions le faire sur des objectifs concrets : le remplacement du pacte budgétaire par de nouvelles règles, la transformation écologique, industrielle, agricole, énergétique, la paix, des droits des femmes, les migrations… Aux forces politiques d’en faire alors leur miel comme elles l’entendront. Voilà un bel objectif que l’on pourrait suggérer au prochain Forum, car toutes les décisions du Forum , je le répète, sont prises par des instances de coordination pluralistes, représentatives des forces diverses qui s’y engagent, et nous y tenons.

Permettez-moi de conclure par un mot personnel. J’ai présidé le PGE pendant six ans, puis, comme vice-président ces six dernières années, j’ai assuré grâce à votre confiance le lancement et la coordination du Forum, aux côtés de mon ami José Luis Centella ces dernières années et de Lena Chapiro au bureau de Bruxelles. D’autres camarades vont assurer à l’issue de notre congrès ces responsabilités. Je quitte ces responsabilités, je sais que mon parti, le PCF poursuivra l’engagement entrepris au service de nos efforts communs, et je me tiendrai disponible pour transmettre cette expérience. Je veux vous remercier de tout ce que cette aventure militante m’a apporté en souhaitant le meilleur pour l’avenir du PGE et l’avenir du Forum européen. Merci à tous !

 

Seul le prononcé fait foi

Guerre en Ukraine – l’intervention de Pierre Laurent au Sénat

Il y a 11 mois, le 27 octobre 2022

Par Pierre Laurent

Monsieur le Président, Madame la Première Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mes chers collègues,   Le 24 février Vladimir Poutine ordonnait l’invasion illégale de l’Ukraine par l’armée russe, violant le droit international et l’intégrité d’un État souverain. Il déclenchait un conflit d’une ampleur inédite depuis 1945, qui appelle notre solidarité auprès du peuple ukrainien. […]

GARDONS LE CONTACT

Monsieur le Président,

Madame la Première Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mes chers collègues,

 

Le 24 février Vladimir Poutine ordonnait l’invasion illégale de l’Ukraine par l’armée russe, violant le droit international et l’intégrité d’un État souverain. Il déclenchait un conflit d’une ampleur inédite depuis 1945, qui appelle notre solidarité auprès du peuple ukrainien.

Illégale, et terriblement meurtrière, cette guerre ne connaît depuis février que l’escalade. Elle menace aujourd’hui la sécurité internationale.

Cette guerre c’est à ce jour selon le HCR, 8 millions d’Ukrainiens réfugiés à l’extérieur de l’Ukraine, des millions de déplacés intérieurs, plus de 15 000 victimes civiles, tuées ou blessées, ce sont des dizaines de milliers de morts au combat, ukrainiens et russes, ce sont des crimes de guerre. Et c’est la répression des dissidents et des conscrits en fuite. La jeunesse des deux pays est chaque jour fauchée dans les combats.

La guerre, c’est l’effondrement de moitié du PIB ukrainien, la destruction du tiers des infrastructures énergétiques. Le Premier ministre ukrainien annonce déjà qu’en l’état le coût de la reconstruction se chiffrera en centaines de milliards de dollars.

La guerre, c’est l’aggravation de la crise économique et énergétique partout sur la planète, frappant d’abord les plus faibles. C’est le spectre de la famine, comme en Somalie où le manque de nourriture tuera aussi sûrement et même plus que les bombes.

Cette guerre, c’est l’engloutissement quotidien de ressources considérables qui manquent tant aujourd’hui pour répondre aux défis du développement humain et du changement climatique. C’est l’aggravation catastrophique des émissions de gaz à effet de serre, qui bat en brèche tous les objectifs climatiques. La nouvelle dépendance de l’Europe au GNL américain, 2,5 fois plus émetteur de CO2 que le gaz naturel, en est un exemple frappant.

La guerre, c’est l’embrasement possible à tout instant en Moldavie, en Géorgie, et déjà à l’œuvre en Arménie avec l’attaque azérie. Ce sont tous les points de tension du globe ravivés, le spectre d’un nouveau conflit mondial, le retour de la menace de l’annihilation nucléaire.

Moscou réinterprète dangereusement la grammaire de sa dissuasion. Et la surenchère peut mener, de manière irresponsable, à l’éventualité d’un conflit nucléaire. Ces faits alarmants devraient d’ailleurs inviter à relancer, de la manière la plus vigoureuse qui soit, les discussions sur le désarmement multilatéral et un régime mondial d’interdiction des armes nucléaires.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine, et derrière elle les forces de l’OTAN, est un terrible engrenage dont nous aurons, nous le savons, beaucoup de mal à sortir.

Faut-il dès lors se résigner à l’escalade ? Sauf à accepter de voir s’amplifier la catastrophe en cours pour des semaines, des mois, et peut-être des années encore, nous pensons, Madame la Première Ministre, qu’il faut avoir le courage de ne pas abandonner l’exigence d’un cessez-le-feu le plus rapide possible sur le front.

Dire cela est-ce céder aux Russes, comme on l’entend dire, comme s’il s’agissait d’accepter de geler la situation sur la ligne de front actuelle ? Bien sûr que non ! Dire cela, c’est demander que dans la guerre, la voie de la paix et de la diplomatie ne s’éteigne pas, et qu’elle reprenne la main au plus vite, sans accepter le terrible prix humain d’une amplification de cette guerre ; une guerre à l’heure qui l’est sans perspective de fin, et probablement sans vainqueur parmi les peuples.

Nous voulons le retour de la diplomatie pour tracer le chemin d’une négociation globale récusant le changement de frontières et l’acquisition des territoires par la force, demandant le retrait des troupes russes, rouvrant le dialogue sur l’autodétermination, la garantie de souveraineté et de sécurité pour tous les  peuples.

A ceux qui préconisent la guerre, et donc aujourd’hui forcément son escalade, avec toutes ses conséquences imprévisibles, en faisant miroiter sa fin prochaine, je demande de me dire dans quel pays la guerre a ces trente dernières années apporté la solution et la paix promise : en Afghanistan ? En Irak ? En Syrie ? En Libye ? Au Yémen ? Au Sahel ? Tous ces pays sont en ruines et en proie aux violences. Et pourtant les ennemis étaient tout aussi condamnables. Non la voie de la diplomatie pour la paix n’est pas celle de la reddition. Elle peut être celle de l’espoir, celle qui épargne aux peuples la misère, la destruction et la barbarie.

Nous livrons des armes à l’Ukraine, et malgré nos demandes répétées le Parlement ne dispose pas à ce jour de toutes les informations, ni sur ce que nous livrons, ni sur les incidences de ces livraisons sur nos propres capacités de défense. Qui peut dénier, tant que la guerre dure, à un Etat agressé comme l’Ukraine le droit de se défendre et de faire appel pour cela à ses alliés ? Personne. Mais qui peut assurer que ces livraisons, même massives, ouvriront la voie à la solution militaire du conflit en cours ? Alors quelles que soient les décisions prises à ce propos, rien ne doit nous détourner d’un effort immédiat pour retrouver la voie de la paix par la négociation internationale et entre les deux parties du conflit.

Le président de la République a eu raison, le 12 octobre sur France 2 puis ce dimanche en Italie, de remettre dans le débat cette perspective de la paix et du retour à la table des négociations, mais il semble dans le même mouvement en repousser toujours l’échéance.

Nous pensons que la France, avec d’autres,  doit y travailler sans tarder. Que pensez-vous madame la Première Ministre de la proposition d’un ancien ambassadeur de France hier dans un grand journal du soir, d’engager sans tarder entre Ukrainiens et alliés une discussion sur ce que devrait être un calendrier et une position de négociation ?

Que pensez-vous des voix qui s’élèvent, dans une tribune d’anciens diplomates italiens, s’exprimant sur les bases possibles d’un règlement négocié, ou dans la lettre adressée par 35 démocrates de la Chambre des Représentants à Joe Biden pour l’enjoindre de « déployer de vigoureux efforts diplomatiques en soutien à un règlement négocié » ? Que pensez-vous des déclarations du pape François, que le président de la République vient de rencontrer, et qui n’a cessé d’appeler à ce que les armes se taisent depuis le début du conflit ?

Pour avancer dans ce sens, parce que nous savons que le chemin est rempli d’obstacles, nous pouvons travailler à conforter tous les accords partiels déjà négociés pour élargir les brèches.

Je pense à l’accord sur les exportations de céréales, qui arrive à échéance le 22 novembre : travaillons-nous à sa reconduction ?

Est-il également possible d’agir pour conforter l’accord sur la sécurisation des centrales nucléaires en lien avec l’ONU et l’AIEA ?

Comment agir encore pour permettre l’action des organisations humanitaires, alors que le droit international humanitaire est aujourd’hui partout bafoué. Comment assurer la protection des installations civiles indispensables aux populations ?

La priorité est également de prévenir l’extension du conflit aux pays frontaliers. Un engagement réciproque des parties prenantes, doublé d’un engagement multilatéral à ne pas impliquer de nouveaux pays frontaliers dans la guerre pourrait être un objectif.

Au-delà, l’objectif doit bien être celui de rouvrir une négociation globale de sécurité,  sous l’égide de l’OSCE.

Madame la Première Ministre, pour toutes ces raisons nous pensons que la France devrait entamer la construction d’une grande coalition mondiale pour la paix, qui ne peut être enfermée dans le seul bloc de l’OTAN ! La logique des blocs, d’ailleurs, fait partie du problème, qui nous voit sans barguigner classer la Turquie, l’Arabie Saoudite et des gouvernements d’extrême-droite européens dans le camp de la démocratie.

De nombreux pays, qui refusent l’alignement derrière la Russie, mais aussi derrière l’OTAN, souhaitent une telle coalition de la paix, qui se donne pour but la construction commune de la paix, par la construction de sécurités collectives et de sécurité humaine, alimentaire, sanitaire, énergétique, climatique… partagées.

La France devrait en prendre l’initiative. Nous devons pour cela parler à des grands pays comme l’Inde ou comme la Chine, sans les jeter dans les bras des Russes comme certains le font, à des pays plus modestes comme en Asie centrale, comme le Kirghizstan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, qui sont intervenus à plusieurs reprises pour critiquer la guerre. Nous devons parler à des pays africains, menacés par les conséquences de la guerre, et qui veulent un ordre mondial plus juste et plus solidaire, sans avoir à choisir entre deux systèmes de domination.

Pour constituer cette grande coalition, la France doit reprendre sa liberté d’initiative pour assumer pleinement, en Europe et dans le monde, son rôle au service de la paix.

Je vous remercie.

Forum Européen 2022 à Athènes – Ouverture de la conférence politique

Il y a 11 mois, le 21 octobre 2022

Par Pierre Laurent

Réuni du 21 au 23 octobre 2022 à Athènes, le Forum Européen des forces de Gauche, Vertes et Progressistes est plus que jamais un temps fort pour toutes les forces engagées en faveur du changement sur notre continent. Il y a quelques minutes j’ai eu le plaisir d’introduire la conférence politique de cette 6ème édition, en rappelant les enjeux brûlants auxquels nous sommes confrontés, du climat à la justice sociale, en passant évidemment par la paix !

GARDONS LE CONTACT

Chers camarades, chers amis,

La conférence politique qui nous réunit maintenant, après les premières séances de travail du Forum, est un moment très important. Dans quelques instants, je céderai la parole, pour accueillir cette conférence à notre camarade Alexis Tsipras. Je veux le remercier de sa présence, qui nous honore. Comme coordinateur de ce Forum, je suis très heureux qu’il se tienne cette année à Athènes.

Je n’oublie rien de ce qui a commencé ici, il y a dix ans, pour ouvrir la voie à tous nos combats contre les politiques d’austérité qui déferlaient alors sur les peuples européens pour leur faire payer le krach financier des marchés capitalistes de 2008.  Syriza et Alexis à sa tête, avec le soutien de la Gauche européenne, vous avez ouvert la voie. Elle ne fut pas sans difficultés. Nous avons éprouvé tous ensemble l’espoir, les points marqués et les revers,  la férocité de nos adversaires, qui ont voulu faire payer cher au peuple grec son audace d’alors. Nous avons appris combien nos combats pour changer l’Europe s’inscriraient dans la durée et combien les victoires futures ne pourraient s’écrire que dans la solidarité la plus large. Et je suis sûr que vous êtes en train de construire vos prochaines victoires.

Aujourd’hui, les urgences sont décuplées. En ce moment même, le  Conseil européen accueille à sa table une première ministre italienne d’extrême-droite, et le peuple britannique subit un nouvel épisode du  chaos politique du Brexit, avec la démission de Lizz Truss. En Ukraine, la guerre tue et menace la sécurité de tous en Europe. Oui, ce Forum européen, créé il y a  six ans maintenant à Marseille, pour défricher les voies de combats communs entre forces de gauche ,vertes, socialistes, progressistes, forces sociales et syndicales, est plus que jamais nécessaire.

Les peuples européens  sont face à des défis historiques, et même existentiels avec les menaces qui pèsent sur l’avenir même de l’Humanité que sont les déréglements climatiques et la guerre.

Tous les domaines de la vie humaine sont impactés. Inventer un autre mode de développement pour une égalité durable, une autre manière de faire l’Europe, un nouvel ordre mondial plus juste et plus sûr, ne sont pas des utopies mais des urgences concrètes. Ici, nous cherchons des solutions concrètes à ces urgences, des voies concrètes de changement.

Nous sommes divers, notre Forum est pluraliste, et nous en sommes fiers. Mais beaucoup nous rassemble. Partout où nous vivons , nous pouvons agir ensemble, dans les mêmes directions. Permettez moi d’ en souligner quelques unes.

 

  1. La transition vers une économie décarbonée, protégeant l’humain et tout le vivant, la grande transformation vers une nouvelle civilisation durable ne peuvent plus attendre. Nous voulons pour cela des trajectoires et des conceptions nouvelles en Europe, avec des plans d’investissements massifs dans toute l’Europe, avec de grands services publics pour promouvoir la logique des biens communs. La déréglementation, la mise en concurrence systématique sont devenues, pas seulement un mal social, mais  des dangers mortifères pour nos sociétés. On l’ a vu pendant la pandémie. L’anticipation, la planification, la coopération redeviennent des exigences modernes. L’Europe doit changer d’échelle, de trajectoire, de stratégie économique.

 

  1. Pour être réussie, cette grande transformation sera juste socialement ou ne sera pas. La sécurité humaine, et non celle des profits, doit devenir la priorité, sécurité sociale, sanitaire, alimentaire, sécurité de tous les droits humains. Réussir la transition, c’est faire de la sécurité humaine l’objectif, et non la compensation de dérèglements qui se généraliseraient sans et contre ceux qui produisent et travaillent pour la société. Repenser la finalité du travail est nécessairement au cœur de la refondation productive nécessaire. Les indicateurs de la richesse doivent changer, et la mise en partage devenir la règle des sociétés qui veulent penser l’avenir.

 

  1. Les changements concernent l’humanité toute entière. Les Européens sont interdépendants et l’Europe est interdépendante avec le reste du monde. Nous voulons une Europe ouverte et solidaire parce que c’est la condition d’une sécurité humaine globale.

 

Le combat féministe est pour cela central. Pas d’humanité durable, sans égalité durable, sans extinction du patriarcat et de toutes les violences.

C’est la même chose pour l’accueil digne des migrants. Un combat qui doit être mené en changeant les relations de l’Europe au monde, pour appuyer le développement libre de leurs pays d’origine, contre toutes les guerres, les prédations, les dominations dont les grandes puissances occidentales européennes ont été et restent les grands organisateurs aux côtés des grandes firmes multinationales.

Jamais, pour toutes ces raisons fondamentales, les extrêmes droites ne peuvent être une alternative pour les peuples. C’est le contraire. C’est un grand combat car la perte de confiance politique des peuples nourrit les extrêmes-droites . Elles ne sont pas le remède, mais le mal aggravé, un danger pour nos sociétés. Elles sont autoritaires, liberticides et ultralibérales, machistes, racistes, hostiles aux principes fondamentaux de la solidarité humaine. Elles portent en elles le poison nationaliste qui conduit tôt ou tard à la guerre.

Pour gagner la course de vitesse engagée, il ne suffira pas de faire barrage, notre travail unitaire doit construire les nouvelles réponses de la gauche, en phase avec les enjeux de ce monde en pleine mutation. Pour cela, il y a deux impératifs :

– le premier est de renverser, bataille après bataille, la logique des politiques économiques et financières de l’Union européenne. Toutes les urgences du quotidien, de l’énergie à la santé, appellent aujourd’hui des réponses d’urgence, mais surtout des changements structurels, et des financements massifs. Le Pacte budgétaire, suspendu pendant la pandémie, doit être définitivement abandonné, au profit d’un nouveau modèle de financement des investissements sociaux et durables indispensables.

– Le second impératif est d’enrayer la logique de guerre qui s’installe car si l’escalade guerrière l’emporte, elle balaiera avec elle tous les espoirs d’améliorer la vie humaine. Elle répandra la peur et la terreur, comme elle le fait aujourd’hui en Ukraine et parmi le peuple russe.

La décision inacceptable de Vladimir Poutine d’attaquer l’Ukraine place l’Europe et le monde au bord du précipice. L ‘escalade guerrière ne fera pas de vainqueur parmi les peuples.

Nous devons remettre au plus vite dans le paysage la nécessité absolue de stopper la guerre et de retourner à la négociation d’une solution conforme au respect du droit international et à l’intégrité de l’Ukraine. Cela devrait aller de pair avec  une nouvelle conférence paneuropéenne  sur les principes de sécurité collective en Europe .

Nous devons résister à l’emballement actuel du surarmement et de la militarisation des relations internationales. C’est une folie. La logique des blocs militaires est une hérésie dans un monde qui appelle à la mise en commun des connaissances, des technologies, des intelligences.

Nous devons relancer les mobilisations sur le désarmement. La signature du traité pour l’interdiction des armes nucléaires est une bataille d’avenir. La 1ère convention annuelle de l’ONU sur ce traité a eu lieu à Vienne en Autriche. L’Irlande accueillera  le 17 juin à Dublin la cérémonie de signature d’une nouvelle déclaration internationale arrachée de haute lutte pour limiter l’usage des armes explosives en zones peuplées. L’Europe peut être une terre de paix et de désarmement, à nous d’en lever le drapeau.

Enfin l’Europe doit garantir la paix dans les Balkans, agir pour mettre fin à l’occupation turque à Chypre, faire respecter les accord de paix en Irlande du Nord et ouvrir la voie à la réunification de l’Irlande. Aucune bombe à retardement ne doit demeurer enfouie sous la braise  en Europe. On sait aujourd’hui le prix payé de la non application des accords de Minsk.

Voilà, chers camarades, bien des sujets de travail entre nous.

Je passe maintenant la parole à Alexis, en lui redisant le plaisir que nous avons à tenir ce Forum, ici, à Athènes.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Bilan de la présidence française de l’Union Européenne

Il y a 1 an, le 13 juillet 2022

Par Pierre Laurent

Hier face aux Ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes, j’ai dressé le piètre bilan de la présidence française de l’Union Européenne, occupée par Emmanuel Macron depuis six mois. J’ai rappelé les urgences sociales, écologiques et de paix auxquelles doit faire face le continent européen. Nous continuerons à nous battre sans relâche pour y répondre.

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Paris, le 12 juillet 2022

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Président,

Mesdames les Ministres,

Chers Collègues,

Le choix d’assumer la présidence française en pleine campagne électorale était discutable, mais une fois fait cela aurait pu avoir du sens s’il s’était agi d’ouvrir un grand débat démocratique sur l’avenir de l’Union Européenne dans un moment historique tellement crucial.

Mais une fois encore, le débat n’a pas eu lieu. La non-campagne électorale du Président en France et une conférence sur l’avenir de l’Europe restée clandestine pour la grande majorité des Européens en ont scellé le sort.

C’est la guerre en Ukraine qui a tout bousculé, diront certains. C’est vrai, l’agression Russe a changé la donne, mais elle aurait dû renforcer l’exigence de refondation européenne, pour rebâtir la puissance d’avenir que revendiquait le président Macron en ces termes devant le Parlement européen, je cite : « une Europe apte à répondre aux défis climatiques, technologiques, numériques mais aussi géopolitiques ; une Europe indépendante en ce qu’elle se donne encore les moyens, de décider pour elle-même de son avenir, et de ne pas dépendre des choix des autres grandes puissances. »

Mais loin d’une puissance retrouvée par une autonomie stratégique reconstruite, l’Union européenne, toujours fracturée, sort plutôt de cette présidence en puissance passive, plus que jamais dépendante pour son devenir de l’action de puissances extérieures. Les États-Unis auront signé sous présidence française leur grand retour au cœur des choix européens.

Le président Macron promettait pour l’Europe autonomie stratégique et reconstructions des souverainetés. Or avant même le déclenchement de l’agression russe en Ukraine, il était déjà écrit que l’autonomie stratégique, promise dans la boussole stratégique, ne serait qu’un complément de l’OTAN.

Six mois plus tard, c’est en réalité le document stratégique de l’OTAN – dont vous n’avez même pas parlé une seule fois dans votre intervention Mme la Ministre – document stratégique de l’OTAN écrit à Madrid sous la dictée américaine, qui devient la doctrine européenne. Avec à la clé, d’immenses perspectives de ventes d’armes américaines sur le sol européen. Face à une guerre qui la menace au premier chef, l’Europe lie tout son sort à la politique américaine, guidée elle, par l’obsession de la confrontation avec la Chine. La voix de l’Europe s’aligne au moment où nous aurions au contraire besoin qu’elle s’affirme, et qu’elle affirme sa capacité d’initiative propre.

L’avenir énergétique de l’Europe est lui aussi en cause. Le gaz illustre par exemple un périlleux transfert de dépendance, du gaz russe au gaz naturel américain. C’est un mouvement qui s’était d’ailleurs amorcé avant la guerre d’Ukraine. Entre 2016 et 2021 les importations en Europe de gaz naturel liquéfié ont été multipliées par 20. Nous n’arrêterons pas là : 15 milliards de mètres cube de plus abreuveront l’Europe dès 2022 ; 50 milliards de plus par an jusqu’à la fin de la décennie. De quoi raviver les projets d’investissement américains massifs dans des terminaux méthaniers.

Or 80 % de la production américaine est issue du gaz de schiste. Un comble, au moment où nous parlons d’ambitionner la neutralité carbone en 2050. Sur 20 ans son pouvoir de réchauffement est 80 fois supérieur à celui du CO2.

Que dire encore de notre souveraineté alimentaire, et de l’énième accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, signé dans les derniers jours de la Présidence française. J’ai une question Madame la Ministre : le Parlement français, à l’instar du CETA, n’est-il là que pour constater les dégâts écologiques et économiques de cet accord, sans jamais pouvoir en discuter ?

Comme la couche d’ozone, le paquet climat européen commence à avoir vraiment beaucoup de trous. S’il continue d’afficher de grandes ambitions, la dimension « socialement juste » de la transition ne cesse de s’étioler au fil des discussions. Ainsi, la fin des immatriculations de véhicules thermiques et hybrides et l’instauration d’un marché carbone pour le transport routier et le chauffage, sont des bombes à retardement sociale et sociétale. Dans un contexte de prix de l’essence élevé, ce nouveau marché carbone aboutira de fait à une forme de « taxe carbone européenne », frappant sans distinction ménages et entreprises et risquant d’aggraver les précarités énergétiques et les fractures face au droit à la mobilité.

En effet, le Fonds social pour le Climat, qu’il aurait fallu dans ces conditions massivement renforcer, a été finalement plafonné à 59 milliards d’euros, sans cofinancement des États. La soutenabilité même des mutations de la production et des modes de vie est donc menacée.

Dans ces conditions, Madame la Ministre, je vous le demande : que compte faire la France pour demander la révision complète du marché européen de l’électricité, que le président de la République résumait de cette formule : « une forme d’impôt de l’extérieur qui vient par le gaz et l’électricité » ? Quand allons-nous sortir de ce système responsable d’une inflation particulièrement pénalisante ?

Une fois encore, l’Europe sociale est restée la grande oubliée. La directive sur le salaire minimum, car on parle enfin de salaire minimum en Europe, 60 ans après la création de l’UE, ne comporte aucune disposition contraignante. Le dumping social risque de rester dans ces conditions la règle en Europe. Les hauts revenus, eux, continueront de battre des records en toute indécence.

Ah oui, j’allais oublier, vous l’avez citée, une autre avancée sociale majeure sous présidence française : après dix ans de négociations, elle obligera à accorder au moins 40% des postes d’administrateurs dans les sociétés cotées en Bourse à des dirigeantes. Donc, l’égalité progresse… au CAC 40, c’est une bonne nouvelle.

En réalité l’Europe ne retrouve ni souffle, ni ambition pour son avenir, car elle ne conçoit sa souveraineté que comme un repli. Ainsi vient-elle, sous présidence française, d’enterrer l’esprit du pacte global pour la migration déposé il y a près de deux ans par la Commission européenne et qui prônait la notion de solidarité « obligatoire ».

Au contraire le texte final avalise le recul de nos valeurs d’accueil. Car les migrations ne sont vues que comme une menace. Même la crise ukrainienne ne nous aura pas aidé à réfléchir au fond sur l’avenir de cette question.

Toute la négociation aura été menée sous la pression du courrier indigne cosigné en octobre dernier par douze ministres de l’intérieur et adressé aux institutions européennes, qui appelaient aux rétablissements de murs financés par le budget de l’UE aux frontières de l’Union. L’accord obtenu resté dominé par le « partage du fardeau migratoire ».

La présidence française a subi les évènements et aura manqué à lancer les grands débats d’avenir.

J’aurai pu relever les premières avancées, réelles celles-là, vers la reconstruction d’une souveraineté numérique, au premier rang desquels les règlements DSA et DMA. Mais les révélations sur Uber noircissent sérieusement le tableau, car elles montrent au fond qu’on est loin d’en avoir fini de la connivence entre les pouvoirs politiques et les puissances d’argent, dont les GAFAM. A ce propos, l’Europe numérique ne peut se faire sur le dos des travailleurs des plateformes. Pourquoi Madame la Ministre, la France traîne les pieds sur le projet de directive qui permet de reconnaitre enfin la présomption de salariat, et de reconnaitre les droits attachés ?

Plus fondamentalement, le temps est venu de se préparer il faut le craindre, à une nouvelle crise financière, à la récession qui menace. Il faut dès lors rouvrir le débat sur la mobilisation des financements, d’investissements publics massifs alors qu’au contraire nous voyons revenir le refrain sur la dette et la compression des dépenses publiques.

Qu’est devenu le débat promis sur la révision du Pacte de stabilité ? Nous ne pourrons plus longtemps, Madame la Ministre, éviter d’affronter des choix politiques à même de dégager des perspectives de financements nécessaires.

Rapport sur les dépenses de l’UE pour le climat : quelles initiatives pour remédier aux manquements dénoncés ?

Il y a 1 an, le 7 juin 2022

Par Pierre Laurent

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le rapport publié le 30 mai 2022 de la Cour des comptes européenne (CCE) portant sur les dépenses de l’Union européenne (UE) pour le climat de 2014 à 2020. La CCE estime que les dépenses climatiques correspondantes étaient plus […]

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le rapport publié le 30 mai 2022 de la Cour des comptes européenne (CCE) portant sur les dépenses de l’Union européenne (UE) pour le climat de 2014 à 2020.

La CCE estime que les dépenses climatiques correspondantes étaient plus susceptibles de représenter environ 13 % du budget de l’UE, soit 144 milliards d’euros, plutôt que les 20 % déclarés. Elle estime également que la méthodologie de suivi des dépenses climatiques ne prend en compte que l’impact positif potentiel sur le climat et ne suit pas les impacts négatifs potentiels des mesures qui servent d’autres objectifs de l’UE.

Le rapport de la CCE stipule également que c’est dans la politique agricole que les dépenses climatiques sont le plus surestimées, de près de 60 milliards d’euros. Citant, comme un des exemples en la matière, l’agriculture biologique, elle déclare que les chiffres de la Commission ignorent les inconvénients potentiels tels que la baisse de la productivité agricole et l’augmentation des importations de céréales en provenance de pays dont les règles environnementales sont moins strictes.

La CCE s’est inquiétée, en outre, de la fiabilité des rapports sur le climat pour la période actuelle, affirmant que la plupart des problèmes identifiés pour la période 2014-2020 subsistent. Elle s’en inquiète d’autant plus que, dans le budget actuel, l’UE s’est engagée à consacrer au moins 30 % de son budget à l’action climatique, un objectif qui passe à 37 % lorsqu’il s’agit du fonds de relance de l’UE de 800 milliards d’euros résultant de la crise de la Covid-19, adopté en 2020

La CCE formule de nombreuses recommandations parmi lesquelles figurent celles qui traitent de la politique agricole commune (PAC), qui représente environ 40 % de l’ensemble des dépenses de l’UE. Par conséquent, il lui demande ce que la France compte prendre comme initiatives au niveau national et européen pour remédier aux manquements dénoncés par ce rapport, rattraper le retard et remplir les objectifs futurs.

 

Suppression du corps diplomatique : renoncer à une mesure décidée loin de tout débat démocratique

Il y a 1 an, le 3 juin 2022

Par Pierre Laurent

J’ai attiré l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la suppression du corps diplomatique prévue le 1er janvier 2023. Le décret qui institue cette suppression de la diplomatie de métier, aurait un effet néfaste sur l’action de la France dans le monde selon de très nombreux acteurs, dont les actuels […]

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J’ai attiré l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la suppression du corps diplomatique prévue le 1er janvier 2023.

Le décret qui institue cette suppression de la diplomatie de métier, aurait un effet néfaste sur l’action de la France dans le monde selon de très nombreux acteurs, dont les actuels fonctionnaires du quai d’Orsay qui mènent un mouvement social à son encontre.

Ce déclassement de la diplomatie française prolonge malheureusement la logique en cours depuis de nombreuses années avec la diminution des moyens mis à la disposition de celle-ci alors que parallèlement les budgets militaires augmentent sans cesse. Elle est l’un des derniers symptômes d’une politique étrangère française à la dérive depuis des années et qu’il faut revoir de toute urgence de la cave au grenier.

L’un des premiers pas dans cette direction serait de renoncer à cette suppression du corps diplomatique décidée loin de tout débat démocratique.

 

Question écrite n°28189 : https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/les-questions-au-gouvernement/les-questions-ecrites/article/renoncer-a-une-mesure-decidee-loin-de-tout-debat-democratique

Discours de Pierre Laurent sur la guerre en Ukraine

Il y a 2 ans, le 2 mars 2022

Par Pierre Laurent

Discours sur la guerre en Ukraine prononcé à la tribune du Sénat le 1er mars 2022, suite à la déclaration du Premier ministre Jean Castex devant la chambre haute en application de l’article 50-1 de la Constitution.

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Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
La guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine le 24 février est inacceptable. Elle est irresponsable. Elle plonge le peuple ukrainien dans un cauchemar in-soutenable. Elle menace la sécurité de l’Europe et du monde. Le risque d’une escalade incontrôlable augmente chaque jour. La situation est donc d’une extrême gravité.
Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur les causes de cette entrée en guerre de la Russie, j’y reviendrai, je veux redire ici la condamnation totale qui est la nôtre. Cette guerre est un crime contre la souveraineté d’un État, l’Ukraine, un crime contre le droit international, un crime contre la paix. Rien ne peut excuser le sort infligé à des mil-lions d’Ukrainiens, aujourd’hui sous les bombes ou sur les routes de l’exode, dont nous sommes solidaires.
Dans un monde si interdépendant, cette guerre est un échec pour tous, un échec pour la sécurité collective de l’Europe. Elle montre les limites dangereuses atteintes par la militarisation des relations internationales, et son cortège de discours guerriers, de haines et de nationalismes.
Pour toutes ces raisons, parce que cette guerre est illégitime et illégale, parce qu’elle est inhumaine pour le peuple ukrainien, parce qu’elle menace la sécurité de l’Europe et du monde, qu’elle risque de nous entraîner vers l’irréparable, la première des exigences que nous clamons haut et fort est celle d’un cessez-le-feu immédiat. Un cessez-le-feu pour épargner les vies, un cessez-le-feu pour faire cesser l’exode, un cessez-le-feu pour garantir la tenue de discussions de paix.
C’est pour ces objectifs, pour stopper la guerre, que la pression internationale la plus large possible doit s’exprimer. Le vote de l’Assemblée générale extraordinaire, actuellement en discussion à l’ONU, sera un moment important. Faisons entendre les mobilisations citoyennes qui exigent partout le cessez-le-feu et la paix. Saluons les manifestations courageuses en Russie, en demandant la liberté des opposants à cette sale guerre. Nous ferons tout pour que ce qui nous concerne pour encourager les mobilisations populaires pour la paix.
Les sanctions internationales contre le régime de Poutine peuvent participer à cette pression, à condition qu’elles frappent juste. Il ne s’agit pas pour nous de mettre à genoux un peuple, mais d’isoler un pouvoir oligarchique, autoritaire, fauteur de guerre. Le risque est grand de punir les peuples, en Russie et ailleurs, alors que les sanctions doivent viser les cercles du pouvoir impliqués dans les décisions guerrières, et les oligarques, qui pillent leur pays sans vergogne avec la complicité tacite, et depuis bien longtemps, du monde de la finance internationale. Les tergiversations sur SWIFT montrent d’ailleurs le degré d’intimité qui règne dans la haute finance et les paradis fiscaux. Retenons au passage qu’il est donc possible, quand on en a la volonté poli-tique, de cibler les flux financiers au plus haut niveau.
Autre urgence, tout doit renforcer l’aide humanitaire et la sécurisation de son accès aux zones de conflit, conformément au droit humanitaire international, la livraison de matériels de protection, l’accueil des réfugiés, avec notamment l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés et l’accueil dans tous les pays de l’Union et pas seulement les pays frontaliers. Là aussi, je vois que beaucoup de tabous se lèvent, qu’il est possible d’accueillir beaucoup, et nous nous en réjouissons, même si le tri ethnique que semblent vouloir organiser la Pologne et la Hongrie avec la complicité de l’UE est parfaitement indécent. L’Union africaine s’en est émue hier. On ne trie pas les victimes des guerres.
Les livraisons d’armes sont l’autre sujet brûlant. Face à l’agression russe caractérisée, qui oserait dénier à l’Ukraine le droit de se défendre ? La France parle d’aider à renforcer ses moyens de défense, mais on entend aussi parler d’avions de chasse, ce qui pourrait impliquer directement ou indirectement le système de l’OTAN. Le Parlement doit être clairement informé, et connaître avec précision ce qui a été livré et ce qui sera livré. Le contrôle du Parlement sur ces évolutions rapides est essentiel. J’entends des « ourrah ! » saluer le soudain emballement militaire de l’Union européenne et l’annonce d’un réarmement de l’Allemagne à hauteur de 100 milliards d’euros, le double de notre budget militaire. La gravité des enjeux devrait nous inciter à plus de clairvoyance et de lucidité.
Il s’agit là de questions hautement inflammables. La frontière est fragile vers une escalade entraînant dans la guerre des pays européens membres de l’OTAN, une escalade aux conséquences alors incalculables. La mise en alerte de la force de dissuasion russe par Vladimir Poutine est dans ce contexte parfaitement irresponsable. Toutes les puissances nucléaires, comme la France, ont l’immense responsabilité de ne pas entraîner le monde dans cette folie. La déclaration de Bruno Le Maire parlant de « guerre totale à la Russie » jette dangereusement de l’huile sur un feu déjà brûlant.
Des efforts de désescalade ont été faits mais tout n’a pas été fait pour la désescalade, ou bien trop tard. Aujourd’hui, la guerre ne doit pas éteindre les efforts de paix, elle doit les renforcer. J’entends la voix des boutefeux nous dire qu’il faut oublier tout cela, que seul compte d’armer l’Ukraine. Mais la guerre c’est le peuple ukrainien qui en est la première victime. Le cessez-le feu, l’arrêt des bombardements, la reprise de discussions pour un accord de paix, respectant la souveraineté de l’Ukraine, voilà ce qui doit rester la colonne vertébrale de l’action de la France.
La paix est plus que jamais affaire de sécurité globale et collective. La guerre en Ukraine nous dit combien la militarisation des relations internationales a atteint la cote d’alerte.
Dès la décennie 1990, après la dissolution du Pacte de Varsovie, des opportunités historiques s’ouvraient pour construire un monde débarrassé de l’affrontement des blocs et ouvrant la voie à de massifs désarmements. C’est le contraire qui a été fait. Tandis que les oligarques pillaient la Russie, sous le regard complice de multinationales à l’affût de leur part du gâteau, la seule logique à l’œuvre fut celle de l’extension de l’OTAN et de l’hégémonie mondiale.
Après l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, les États-Unis ont poussé les feux de cette confrontation. Et les Européens n’ont jamais trouvé les voies d’une parole unie et indépendante, pour rouvrir la voie du dialogue avec la Russie sur ce qu’Emmanuel Macron appelait en 2018 « une nouvelle architecture de sécurité européenne », ou ce que nous appelons « une initiative multilatérale pour un nouveau traité pan-européen de paix et de sécurité ». La Russie s’est elle-même enfoncée dans cette logique guerrière de confrontation, singulièrement depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, jusqu’à cette guerre dramatique en Ukraine. Durant ces longues années il faut le dire, jamais l’occasion ne fut saisie pour ouvrir sérieusement de réelles voies de négociation, laissant seules la confrontation et la force s’exprimer.
Vingt ans d’obsession otanienne pour le surarmement, vingt ans de réarmement russe, vingt ans d’exacerbations des nationalismes, le bilan est désastreux. Que de temps perdu qu’il faudra maintenant regagner en faveur de la paix.
Alors oui, même au cœur de ce terrible orage de bombardements, la paix doit rester notre projet politique. La paix, pas l’équilibre de la terreur ou la confrontation des puissances.
La paix pour l’Ukraine, avec le cessez-le-feu immédiat et le départ des troupes russes. La paix pour la Russie, qui doit trouver avec l’Europe les conditions d’une sécurité sans l’OTAN à ses portes.
Même quand il paraît si étroit, un chemin existe toujours pour le dialogue. La France doit aider les belligérants à l’emprunter, en usant de la voix forte qui est la sienne à l’ONU comme à l’OSCE.
La paix aussi pour la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie, dont l’intégrité doivent être préservées.
La paix pour tous les Européens qui doivent assurer leur sécurité souverainement, dans le respect mutuel des États, sans la tutelle américaine otanienne.
La paix par le désarmement nucléaire et conventionnel multilatéral.
La paix partout dans le monde, en Afrique, au Moyen-Orient avec la fin des opérations militaires extérieures !
Oui, chers collègues, comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations Unies le 18 décembre dernier en recevant la lampe de la paix de saint François : « Dans un monde où nous pouvons tout choisir, choisissons la paix ».
Retrouvez ici la vidéo intégrale de l’intervention

Qui est responsable du drame de Calais

Il y a 2 ans, le 26 novembre 2021

Par Pierre Laurent

Ce mercredi 24 novembre, 27 personnes sont mortes dans la Manche, après le naufrage de leur embarcation de fortune. Majoritairement Kurdes d’Irak et d’Iran, ils et elles fuyaient la misère et le danger, bien souvent à la recherche de membres de leur famille résidant au Royaume-Uni.

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Par son ampleur, ce naufrage a réveillé la mauvaise conscience des dirigeants européens, qui depuis des mois, voire des années, laissent pourrir la situation à la frontière franco-britannique, alimentent dans le débat public la surenchère anti-migrants, et construisent une Europe forteresse.

Oui, les larmes de crocodile de nombreux responsables politiques sont insupportables. Les mêmes qui proposaient la semaine dernière de construire un mur à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, déplorent aujourd’hui de la mort de ces 27 migrant·es. La réalité, c’est que depuis bien longtemps nos zones frontalières sont devenues des zones de grand danger pour les migrant·es, à commencer par la Méditerranée dans laquelle des dizaines de milliers se sont noyé·es depuis 2015.

Faire reposer toute la responsabilité sur les « passeurs », comme l’a fait le Ministre de l’Intérieur, n’est pas crédible. Evidemment, n’ayons aucune faiblesse à l’égard de ces trafiquants, qui pratiquent de fait la traite d’êtres humains. Chaque fois que cela est possible, ils doivent être arrêtés et lourdement sanctionnés.

Mais pense-t-on sérieusement que cela suffira pour tarir les flux migratoires clandestins ? En réalité, une seule option crédible est sur la table : agir en même temps pour traiter à la racine les causes des migrations forcées – à commencer par les guerres, les inégalités de développement, le dérèglement climatique – et ouvrir sans attendre des voies légales et sécurisées de migration, organisées et coordonnées au sein de l’Union européenne et avec ses partenaires, dont le Royaume-Uni.

Face au jeu dangereux des populistes britanniques, Johnson en tête, la France devrait hausser le ton et appeler à la renégociation des accords du Touquet et du traité de Sandhurst. Notre pays ne peut être relégué au rôle de vulgaire sous-traitant de la politique de chasse aux migrants de M. Johnson.

Au-delà, la France pourrait être motrice d’une véritable stratégie d’accueil, d’installation et d’accès aux droits en Europe, pour celles et ceux qui le souhaitent. Nous pourrions enfin rompre avec les discours haineux et xénophobes, qui ont pris bien trop de place dans le débat public national et européen.

Les communistes comptent bien aborder toutes ces questions dans le débat de l’élection présidentielle, et avant cela, à l’occasion de la présidence française de l’Union Européenne qui va débuter en janvier.