« Ils sont venus les ennemis de la régénération de l’humanité, ces blancs, ces colons, ces planteurs, ces hommes de négoce… Ils étaient couverts, les superbes, d’armes, de panaches et d’habits magnifiques à l’œil, et ils nous méprisaient parce que nous sommes noirs et nus… ».
C’est par ces mots, prêtés à l’un des personnages acteur de la révolte des esclaves de Saint Domingue en 1791, qu’un jeune auteur de 16 ans, Victor Hugo, dénonce l’esclavage, dans son premier roman, Bug Jargal.
Aujourd’hui, le 23 mai 2020, 200 ans plus tard, est un jour que nous consacrons à la mémoire en hommage aux victimes de l’esclavage colonial.
Je m’associe avec tous les communistes à cette journée nationale, aux côtés des Français-e-s descendants d’esclaves qui se mobilisent pour rendre hommage à leurs aïeux.
Cette reconnaissance des souffrances infligées à des populations et des pays entiers fut l’objet d’un grand combat, un combat légitime et humaniste, dont le roman cité en ouverture fut l’un des jalons.
Ce combat se poursuit aujourd’hui et il est essentiel. C’est même toujours un combat de tous les instants.
Chaque année nous avons notre lot d’actes racistes, abjects, qui nous insultent et insultent délibérément les descendant.e.s d’esclaves. Le dernier en date, est cette semaine !
Mercredi 20 mai 2020, le géant de l’automobile Volkswagen a présenté ses excuses après la diffusion d’un spot publicitaire sur son compte Instagram pour sa nouvelle Golf. Dans une vidéo de 10 secondes, on y voit distinctement un homme de couleur portant un costume, saisi par une main blanche en gros plan qui le renvoie d’une pichenette vers l’intérieur d’un établissement dénommé « le petit colon ». Le tout pour l’éloigner d’une Golf jaune garée devant l’entrée.
A la fin du clip apparaît une séquence de lettres dont l’ordre suggère le mot « nègre ».
Je demande que le Parquet se saisisse de l’affaire pour que l’entreprise soit mise devant la justice et condamnée à une peine lourde, ainsi que l’ensemble des responsables de cette publicité.
On le mesure : beaucoup reste à faire pour éradiquer de l’avenir de l’Humanité le poison du racisme et du rejet de l’autre.
A nos yeux ce combat est planétaire : la générosité, l’altruisme, le refus des injustices, l’attachement à la dignité de chacune et de chacun, toutes ces valeurs essentielles à la vie en société ne s’arrêtent pas aux frontières . Pour Emile Durkheim, l’un des pères de la sociologie moderne, pour qu’une société existe, il faut que ses membres éprouvent de la solidarité les uns envers les autres.
C’est vrai à l’échelle de l’humanité tout entière. Comme le dit Bertrand Badie, « un monde en paix ne peut l’être que globalement dans la reconnaissance complète de l’autre ».
Cet horizon nous le faisons nôtre et, à sa façon, la terrible pandémie du Covid-19 pose en termes renouvelés l’urgence de refonder les relations internationales sur des bases nouvelles de coopération et d’égalité, quand beaucoup, dont le Président de la première puissance mondiale, veulent en profiter pour réactiver des logiques de guerre froide et d’opposition entre les peuples.
Notre démarche est à l’opposé des logiques d’un groupe multinational comme Sanofi : la santé fait partie des biens communs, l’être humain, ses droits, sa santé, ne sont pas des marchandises !
Ce que nous réapprenons peut être en ces jours sombres de Pandémie c’est que la mondialisation rend la solidarité internationale plus qu’impérative : vitale ! Non pas seulement pour prêter main forte à des victimes du système, de l’impérialisme ou du néocolonialisme, mais pour s’entraider mutuellement à humaniser ce nouvel espace
commun qu’est le monde, à y défendre mutuellement nos droits et à en conquérir de nouveaux, à y protéger mutuellement nos biens communs et à les promouvoir.
A l’heure de la révolution numérique, des dérèglements climatiques, sous la domination des marchés financiers, la
solidarité internationale change de dimension. C’est devenu une lapalissade que de dire que les enjeux sociaux et économiques, environnementaux ou culturels, et donc politiques, s’ils continuent à être ressentis localement, ont désormais des racines et des prolongements qui pulvérisent les frontières nationales. Tous ceux qui prétendent se soustraire à leur part de responsabilité dans la gestion des affaires du monde sont condamnés à une fuite en avant sans issue.
Nous sommes conscients de l’immensité du défi à relever : en coopération étroite avec quiconque ressent la même exigence, nous nous donnons le projet de nourrir d’idées progressistes l’indispensable débat citoyen sur les valeurs qui doivent fonder une vision alternative, humaniste, de l’avenir de l’humanité et de la coopération entre les peuples.
Avec et 200 ans après Hugo, c’est le sens que nous voulons donner à ce 23 mai 2020, celui d’un nouveau récit pour l’Humanité dans cette période de notre histoire humaine où, comme le disait Gramsci, « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître ».
« Dans ce clair-obscur surgissent les monstres », et la journée du 23 mai, en hommage aux victimes de l’esclavage et du colonialisme, est un beau jour pour les combattre et engager l’Humanité sur un autre chemin, celui de ’épanouissement de chacun-e.