#DÉMOCRATIE

Lettre ouverte aux candidats à la présidence de la République – Par André Grimaldi

Il y a 2 ans, le 8 décembre 2021

Par Pierre Laurent

Le mot de Pierre Laurent :
Alors que la pandémie repart de plus belle et qu’un inquiétant nouveau variant fait son apparition, l’hôpital public reste dramatiquement sous-doté. Les alertes des soignant·es ont été une fois de plus ignorées par le Gouvernement. A la veille de l’élection présidentielle, André Grimaldi, professionnel de santé engagé, interpelle les candidat·es et propose une série de mesures destinées à améliorer notre système de santé. Le débat est ouvert !

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Une santé égalitaire et solidaire est une valeur commune à l’idéal républicain et à l’éthique médicale. Mais depuis près de 50 ans, les divers gouvernements de droite et de gauche ont empilé les mesures visant à limiter les dépenses publiques de santé.

La question de la limitation des dépenses de santé, qu’on appelle par euphémisme « régulation », est en effet incontournable. Plutôt que continuer à faire le grand écart entre les promesses électorales et la pratique gouvernementale, il vaudrait sûrement mieux aborder la question de front.

La définition de la santé par l’OMS est non seulement l’absence de maladie mais un état de bien-être physique, psychologique et social. Autrement dit, le bonheur. Cette définition holistique signifie que la santé n’est pas réductible aux soins mais concerne également et plus encore, l’environnement, les conditions de vie, de formation et de travail… Mais elle peut aussi servir de justification à une approche réductrice : la médicalisation de la vie par le « panmédicalisme ». A chaque souci sa pilule !

Quoi qu’il en soit, elle signifie que les besoins de santé sont potentiellement illimités. On se souvient de la devise du docteur Knock « la bonne santé est un état précaire qui n’annonce rien de bon ». Elle fait sourire celui qui se croit solide comme le Pont-Neuf, mais inquiète l’hypochondriaque qui sommeille en chacun de nous. D’autant que les progrès dans l’exploration du corps humain notamment par l’imagerie (échographie, scanner, IRM) permettent aujourd’hui de dépister de façon totalement indolore des petites boules de découverte fortuite (des « fortuitomes ») à biopsier rapidement, à surveiller régulièrement ou à opérer sans tarder…

« Tout bien portant est un malade qui s’ignore » ajoutait le bon docteur Knock. C’est également ce que pensaient les partis de gauche et de droite, les syndicats médicaux et les gestionnaires de la Sécurité sociale qui pendant plus de 20 ans dans une belle unanimité ont resserré le numerus clausus. Eux aussi estimaient qu’« en santé c’est l’offre qui créée la demande » et qu’en conséquence, s’il y avait moins de médecins, il y auraient moins de malades ! Le nombre d’étudiants admis à suivre les études de médecine est ainsi passé de 8 500 par an dans les années 1970 à 3 500 dans les années 1990. La limitation des dépenses de santé est donc une question incontournable, quel que soit le gouvernement ou le régime en place.

Il existe trois façons de « réguler » les dépenses de santé :

1) la régulation par les professionnels appliquant la règle éthique du « juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité » et par les citoyens usagers usant sans en abuser de la ressource consacrée collectivement par l’ensemble des citoyens à la santé. Cette ressource est en effet d’autant plus précieuse qu’elle n’est pas illimitée. Mais médecins comme patients se trouvent ici dans un conflit d’intérêts.

2) la régulation par le marché : les patients paient personnellement leur santé, soit directement de leur poche (le reste à charge) soit en adhérant volontairement à une des assurances privées concurrentielles, qu’elle soit mutualiste ou non. La couverture santé des assurés dépend alors du montant de la prime d’assurance plus ou moins élevé. Plus on paie, mieux on est couvert. Ce système augmente les inégalités sociales de santé. C’est largement le modèle américain à la fois très inégal et très cher.

3) la régulation par l‘Etat, fixant à la fois les recettes par les impôts et les dépenses. Ce modèle est beaucoup plus égalitaire mais il fait craindre le rationnement. Il peut même amener les très très riches à recourir à un système privé parallèle. C’est en grande partie le cas du système anglais.

Les fondateurs de la Sécurité sociale voulaient échapper à l’alternative entre privatisation et étatisation, en constituant un bien commun ayant des recettes propres sanctuarisées (les cotisations représentant la part socialisée du salaire) et une gestion autonome. Mais depuis les origines, c’est l’Etat qui fixe les recettes et les dépenses, et c’est donc lui qui a choisi en refusant d’augmenter les recettes de constituer le « trou de la Sécu ». A contrario du souhait des pères fondateurs, l’évolution de la Sécurité sociale s’est faite vers plus d’étatisation avec notamment deux décisions : en 2004 la nomination par le gouvernement et pour 5 ans du directeur général de la CNAM, et en 2018 la suppression de la sanctuarisation des recettes de la sécurité sociale dans lequel peut désormais piocher à sa guise l’Etat. Plus d’étatisation, mais aussi plus de privatisation, les soins courants (hors hospitalisation et affections de longue durée) étant de plus en plus mal remboursés par la Sécurité sociale.

La France, qui a un système de santé mixte public et privé, a utilisé les deux types de régulation, par le marché et par l’Etat. Par le marché : le forfait hospitalier, les franchises, la part croissante des assurances dites complémentaires pour les soins courants (en particulier le dentaire, l’optique et l’audition) et les dépassements d’honoraires du secteur 2. Par l’Etat : la limitation des tarifs du secteur 1 remboursés par la Sécu, le budget global hospitalier, l’objectif national des dépenses de santé (ONDAM), devenu à partir de 2010 un budget contraint grâce à la limitation drastique du budget des hôpitaux.

Quant à la régulation dite « médicale », revendiquée par les syndicats médicaux, elle n’a guère montré jusqu’à ce jour, son efficacité. Les syndicats, comme le Conseil de l’Ordre des médecins, défendent plutôt les intérêts corporatistes de leurs adhérents que la règle du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité.

Le paiement à l’acte en ville, comme la tarification à l’activité à l’hôpital, pousse à la multiplication des actes et des activités rentables pour les prescripteurs et les prestataires mais pas forcément utiles pour le patient et donc inutilement coûteux pour la Sécu. Et le patient plus ou moins anxieux tend à se comporter en consommateur grâce la complaisance de son médecin accédant à ses demandes de prescriptions, ne serait-ce que par peur de passer à côté de « quelque chose » ou par souci de satisfaire son client, d’autant qu’il a peu de temps à lui consacrer. Il est plus facile de prescrire que d’écouter, examiner et expliquer. Plus la consultation est courte, plus l’ordonnance est longue.

On estime ainsi à plus de 20% les prescriptions et les actes injustifiés avec une variation d’un territoire à l’autre, pouvant aller d’un à trois sans explication autre que l’offre de soins, qu’il s’agisse des poses de stents coronariens ou de pacemakers, ou d’opérations comme la chirurgie de l’obésité, les thyroïdectomies, les hystérectomies, les cholécystectomies, les canaux carpiens, les prostatectomies…. Un collègue gynécologue obstétricien avait pu déclarer de façon provocatrice lors d’un colloque: « qu’est-ce que l’utérus d’une femme ménopausée ? Réponse : un objet de T2A ! »

La nécessité d’une limitation des dépenses de santé est souvent défendue par la droite dénonçant le « pognon de dingue » dépensé par la France pour la santé. Consacrant à la santé 11% du PIB, nous sommes effectivement en 4ème position des pays de l’OCDE derrière les USA y consacrant 17% du PIB, la Suisse (12%), l’Allemagne (11,5%). Cependant en valeur absolue c’est-à-dire en dollars par habitant, en parité de pouvoir d’achat, nous ne sommes pas quatrième mais douzième. Nous dépensons 20% en moins que les Allemands.

Ceci dit, il est important de comparer les différents secteurs de dépense. Les médecins généralistes français gagnent 30% en moins que leurs collègues allemands. Grâce au Ségur nous sommes passés pour le salaire des infirmières de la honteuse 28ème place des pays de l’OCDE à la médiocre 16ème place derrière les pays frontaliers (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Suisse et Espagne). Par contre, nous sommes 2ème derrière les USA en frais de gestion du système de santé et nous avons une médecine « sur-prescriptive » d’examens complémentaires, souvent inutiles et inutilement répétés, de médicaments princeps ou nouveaux plutôt que de génériques, d’actes chirurgicaux ou de médecine interventionnelle et de dispositifs médicaux innovants.

On dépense beaucoup pour la santé mais il serait sûrement justifié de dépenser plus encore, à la condition toutefois de limiter les gaspillages et de supprimer les rentes. Un plan d’action pour l’application du principe du juste soin pour le patient au moindre coût pour la Sécurité sociale, devrait comprendre plusieurs mesures :

1. Ainsi nous avons un double financeur – l’Assurance Maladie obligatoire (AMO) de la Sécu et les assurances complémentaires (AMC) – pour le même soin réalisé par le ou les mêmes soignants. En conséquence, nous payons deux fois les frais de gestion, sans aucun intérêt. Les mutuelles remboursent un soi-disant ticket modérateur de 20% pour l’hôpital et de 30% pour la ville, qui n’a jamais rien modéré par le fait même qu’il est remboursé. Les frais de gestion des assurances complémentaires (mutuelles, instituts de prévoyance et compagnies d’assurances qui grignotent inexorablement le marché des mutuelles) sont de 7,6 milliards d’euros alors qu’elles remboursent 13% des soins tandis que l’AMO a 6,9 milliards de frais de gestion pour un taux de remboursement des soins de près de 80%. Il faut donc instaurer comme on l’a fait pendant la pandémie de COVID, une Sécu 100% avec des assurances supplémentaires pour ce qui ne relève pas de la solidarité.

La composition du large panier de prévention et de soin solidaire relève d’un débat de démocratie sanitaire impliquant les représentants des patients et des professionnels avant la validation par la représentation nationale, expression de la démocratie représentative. Plus besoin d’être obligé de souscrire à une assurance complémentaire pour avoir accès à des soins spécialisés, grâce au transfert à la Sécurité sociale des sommes versées aux mutuelles et aux complémentaires.

Les tarifs remboursés par la Sécurité sociale devront donc être revalorisés pour mettre fin au secteur 2 avec dépassements d’honoraires. Sur les 7,6 milliards économisés, une part serait consacrée à cette revalorisation ainsi qu’à l’amélioration des revenus des infirmières et des paramédicaux, une autre part pourrait être ristournée aux assurés. Un vrai Ségur de la Santé étalé sur plusieurs mois mettrait en place une grande négociation sur cette réévaluation des tarifs et sur la réforme de la gouvernance de la Sécurité sociale pour organiser sa cogestion entre l’Etat, les représentants des professionnels et les représentants des usagers. Mais pour des raisons historiques, la gauche politique et syndicale est très liée aux mutuelles et aux instituts de prévoyance dont la place a été renforcée par la décision de François Hollande de rendre l’assurance complémentaire obligatoire dans le secteur privé. Et la droite est liée aux compagnies d’assurance.

2. Une deuxième façon de réduire la rente sur le dos de la Sécu serait de revenir sur cette décision aberrante de calculer le prix des médicaments et des dispositifs innovants non plus en fonction du coût de la recherche et développement mais en fonction du service médical rendu en déterminant le prix d’une année de vie en bonne santé. Ainsi justifie-t-on les prix exorbitants des bio-médicaments. A ce compte quel aurait dû être le prix lors de leurs découvertes de la pénicilline, des antituberculeux, de l’insuline, du vaccin de la poliomyélite ? La difficulté tient au fait que Big Pharma joue de la concurrence entre les pays, comme on l’a vu pour les vaccins contre le COVID. Au moins faut-il exiger la transparence des coûts tout au long de la chaîne de recherche, de production et de développement, sachant que de nos jours l’essentiel de la recherche initiale innovante (comme l’ARN messager) émane des centres de recherche publique.

Il faut exiger pour les médicaments vitaux des prix « raisonnables » en menaçant les industriels de recourir à la licence d’office avec levée des brevets. Les vaccins et les antiviraux contre la COVID 19 devraient être des biens publics mondiaux avec suspension du brevet. Il s’agit d’un combat international mais il est possible à l’échelle nationale de prendre un certain nombre de mesures telle que l’interdiction du marketing pour les médicaments et dispositifs médicaux pour laquelle l’industrie dépense plus que pour la recherche. La pandémie a bien montré que les soignants n’ont pas besoin pour être informés des visiteurs médicaux payés par l’industrie. Une taxe devrait être prélevée sur les dividendes versés par l’industrie aux actionnaires pour financer la formation continue des soignants organisée en toute indépendance de l’industrie.

Enfin il est inadmissible que la production de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, tombés dans le domaine public, soit délocalisée, parce que ces médicaments anciens sont jugés pas assez rentables par l’industrie. C’est ainsi qu’on enregistre d’une année sur l’autre de plus en plus de ruptures d’approvisionnement en médicaments essentiels (1 200 en 2019 et 2 000 en 2020), ruptures comportant des risques pour les patients. Il faut exiger des industriels d’avoir au moins quatre mois de stock, et construire un établissement public à but non lucratif produisant des génériques à l’échelle nationale et européenne.

3. Une grande politique volontariste doit être mise en place pour améliorer de façon continue la pertinence des actes et des prescriptions. Elle doit s’appuyer sur les données massives de santé émanant de l’hôpital, de la médecine de ville et de la Sécurité sociale. Les résultats nationaux doivent être comparés aux données d’autres pays développés notamment européens. Cette politique devrait mobiliser l’ensemble des acteurs, syndicats de médecins et de paramédicaux, sociétés savantes, HAS, enseignants en médecine, associations de patients, médecins conseils de la Sécurité sociale aboutissant à des accords sur ce qu’il y a lieu de faire et de ne pas faire. Elle doit donner lieu à des études de recherche et à des communications dans les congrès médicaux. Elle doit être intégrée à la formation initiale et post universitaire et être complétée par des campagnes grand public sur le modèle « un antibiotique, ce n’est pas automatique ». L’amélioration de la pertinence des soins suppose de revenir sur le paiement à l’acte et sur la T2A pour les pathologies chroniques qui poussent à la multiplication des actes inutiles et des hospitalisations non justifiées.

Le paiement à l’acte et la T2A doivent être remplacés pour le suivi des patients atteints de maladies chroniques par des forfaits ou un paiement à la capitation ou une dotation annuelle populationnelle modulée en fonction de l’évolution de l’activité et du degré de précarité des populations prises en charge.

Cette politique permanente pour l’amélioration de la pertinence des soins est une condition pour exiger que l’ONDAM redevienne ce qu’il était à l’origine, c’est-à-dire un objectif à atteindre et non un budget contraint indépassable grâce à une mise en réserve systématique en début d’exercice de plusieurs centaines de millions d’euros et d’une politique du rabot imposant une baisse automatique des tarifs payés par la Sécurité sociale aux hôpitaux quand l’activité augmente afin de maintenir un jeu à somme nulle. La régulation des dépenses de santé doit se faire à posteriori et non a priori comme l’a une fois encore démontré la pandémie.

Pour garantir une santé égalitaire et solidaire, il faut donc en finir avec l’austérité mais aussi réduire les gaspillages et supprimer les rentes.

André Grimaldi
Professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière
Auteur du Manifeste pour la Santé 2022, aux éditions Odile Jacob.

Le déni du gouvernement français doit cesser

Il y a 2 ans, le 3 décembre 2021

Par Pierre Laurent

Face à la gravité des évènements survenus au Burkina Faso et au Niger Jean-Paul Lecoq et moi-même avons tenu à faire une déclaration commune demandant un débat parlementaire.

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Le déni gouvernemental face à l’échec de l’opération Barkhane n’a que trop duré : Nous demandons un débat sérieux dans les deux chambres parlementaires sur l’intervention militaire française au Sahel
Communiqué de presse de Pierre Laurent et de Jean-Paul Lecoq –

Par Pierre Laurent, Sénateur Communiste de Paris  / 1er décembre 2021

Dans l’après-midi du samedi 20 novembre 2021 un convoi de l’armée française, en provenance de la Côte d’Ivoire pour rejoindre le Niger, a été bloqué à Kaya, principale ville du centre-nord du Burkina Faso par de nombreux manifestants, hostiles à la présence militaire française. Pour disperser ces manifestants, les soldats français et burkinabés affirment avoir effectué des tirs de sommation. Pourtant, selon le quotidien burkinabé Sidwaya, pas moins de trois manifestants auraient été blessés par balle. Cet événement très grave a entrainé l’arrêt du convoi militaire, qui a rebroussé chemin.

Une semaine plus tard, le samedi 27 novembre, le scénario s’est répété de manière encore plus dramatique à Téra, à l’ouest du Niger. Suite à diverses manifestations contre ce convoi, la tension a été encore plus forte qu’au Burkina Faso et on peut dénombrer au moins 2 morts et 18 blessés, dont 11 graves parmi les manifestants. Nous adressons nos condoléances aux proches des victimes et souhaitons un prompt rétablissement aux blessés.

Le gouvernement doit impérativement s’expliquer sur cette situation, afin que toute la lumière soit faite sur ces deux événements sans précédent, et que des réflexions soient menées sur le sens profond de ces manifestations dénonçant la présence de l’armée française et l’insécurité chronique de cette zone.

Car il n’est plus possible de nier le fait que, chez beaucoup d’habitants du Sahel, l’image renvoyée par l’armée et l’État français est désormais négative, sa présence étant de moins en moins bien vécue, et sa mission de protection étant très fortement questionnée.

Pour tenter de comprendre cette situation, il faut, pour le moins, s’interroger sur les causes de cet échec. En huit ans de présence militaire française dans cette zone, force est de constater que la situation humaine, politique, sécuritaire et économique des pays du Sahel empire au lieu de s’améliorer.

Parmi de nombreux facteurs, le legs de la guerre menée par l’État français sous Sarkozy contre la Libye en 2011 qui a profondément déstabilisé la sous-région. Ce passif n’est pas soldé et il faudrait d’urgence le résoudre.

Dans ce contexte de déstabilisation sociale et politique du Sahel, les entrepreneurs de violence, islamistes, trafiquants et autres mafias, continuent de développer leurs sinistres entreprises. Les peuples de la région sont à bout et expriment leur ras-le-bol de plus en plus ouvertement face à cette terrible impasse.

Il serait plus que temps d’entendre ce que les groupes parlementaires de la Gauche Démocrate et Républicaine de l’Assemblée nationale et le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste du Sénat proposent depuis des années, tant du point de vue sécuritaire que du point de vue du développement et de la lutte contre les flux financiers illicites qui subventionnent les trafics, les violences et les guerres en Afrique.

Les déclarations de notre ministre des Affaires étrangères, qui est dans le déni face à la gravité de la situation et qui répète sans cesse que les manifestants africains remettant en cause la présence militaire française seraient manipulés par la Russie, ne sont pas à la hauteur de la situation. Pire, elles font état d’un mépris supplémentaire envers ces populations.

Des réponses sérieuses doivent être apportées face à une situation qui risque de virer au chaos. Le Parlement doit être saisi d’urgence. Nous continuerons à agir en ce sens.

Jean-Paul Lecoq
Député communiste, membre de la Commission des Affaires Étrangères à l’Assemblée nationale

Pierre Laurent
Sénateur communiste, vice-président de la Commission des Affaires Étrangères, de la Défense et des Forces Militaires et des Forces Armées

Coopération militaire France-Egypte – La lumière doit être faite

Il y a 2 ans, le 25 novembre 2021

Par Pierre Laurent

La coopération entre militaires français et égyptiens en matière de reconnaissance aérienne aurait été détournée de son objectif premier de lutte contre le terrorisme et aurait ainsi eu pour résultat la mort de nombreux civils selon des révélations d’une enquête du site web d’investigation français Disclose. Ces faits s’ils étaient confirmés seraient extrêmement graves et ne pourraient rester sans conséquences. J’ai interpellé la ministre de la défense à ce sujet par question écrite. Je soutiens par ailleurs la demande d’Amnesty International de mettre en place une enquête parlementaire, en vue d’obtenir des réponses claires et immédiates au plus haut niveau de l’État. J’ai aussi demandé hier matin, lors de la réunion de la commission des affaires étrangères du Sénat, que les ministres concernés soient auditionnés à ce sujet.

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J’ai attiré l’attention de Mme la ministre des armées sur la coopération militaire entre la France et l’Égypte. Selon des révélations de la presse, une mission de reconnaissance aérienne du renseignement militaire français, initialement prévue pour contribuer à la lutte contre le terrorisme dans la région frontalière entre la Libye et l’Égypte, aurait été détournée de son objectif premier, au vu et au su des autorités françaises et ce, malgré des alertes de soldats français à leur hiérarchie.

Elle aurait permis aux autorités égyptiennes, entre 2016 et 2019, de mener un certain nombre de frappes contre des réseaux ordinaires de trafiquants d’armes, de drogues, de produits alimentaires ou de migrants, qui se sont soldées par la mort de nombreux civils.

Je lui ai demandé ce qu’il en est et, si ces informations se confirmaient, ce que le Gouvernement compte prendre comme mesures.

 

 

L’après capitalisme de plateforme, c’est maintenant !

Il y a 2 ans, le 15 novembre 2021

Par Pierre Laurent

Le mot de Pierre Laurent :
Depuis quelques années et plus que nous ne saurions le dire, le capitalisme de plateformes bouscule nos vies. De la fiscalité au droit du travail en passant par les mobilités, de nouvelles entreprises visent à imposer leur loi aux citoyen·nes et aux Etats. En 2022, un projet de gauche cohérent et conséquent ne peut passer outre cette question : comment construire des alternatives à ce modèle destructeur pour les droits sociaux ? J’ai posé la question à Pascal Savoldelli, Sénateur communiste du Val-de-Marne et spécialiste du dossier.

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Les plateformes numériques de travail s’inscrivent dans des mutations profondes du monde du travail, illustrées par l’externalisation de l’activité et la précarisation des travailleuses et travailleurs.

Nous nous trouvons effectivement face à une véritable crise du travail, de l’entreprise et du salariat. Cette crise s’inscrit dans une tendance continue de fragilisation de notre modèle social, par un capitalisme qui a su se redéfinir, à l’issue de 40 années de laboratoire : capitalisme industriel d’abord, puis capitalisme financier, pour finir aujourd’hui avec ce capitalisme de plateformes, qui a su s’approprier les outils du numérique et des nouvelles technologies afin de remettre le taylorisme au goût du jour, avec le travail à la tâche, voire à la pièce.

Se plaçant dans les interstices de flous juridiques, en fragilisant et contournant le droit du travail, le capitalisme de plateformes joue sur ces nombreuses zones grises, entre travail et hors travail, entre travail indépendant et salariat déguisé, entre autonomie et subordination…

La stratégie commerciale des plateformes numériques de travail repose davantage sur le service rendu, sur sa qualité, sur sa portée novatrice, mais jamais – ou rarement – sur les conditions de travail de celles et ceux qui rendent ces services. Comme l’a bien décrit le sociologue Christophe Dejours à l’occasion d’un colloque qui s’est tenu les 4 et 5 novembre derniers au Palais du Luxembourg, le modèle d’ubérisation impose une forme de domination par une « discipline de la faim », à mi-chemin entre servitude volontaire et involontaire. Résultat, les premiers à en pâtir sont ces travailleuses et travailleurs ubérisés, qui payent parfois de leur santé pour espérer s’en sortir financièrement.

La sécurité économique n’est pas non plus garantie, lorsque l’on voit ces images choquantes de jeunes livreurs faisant la queue pour recevoir une aide alimentaire. Quoi de plus paradoxal que des livreurs de repas, qui ne sont même pas en mesure de se payer de quoi manger ?

L’impact de l’ubérisation sur les conditions de travail des personnes concernées est un sujet qui me tient à cœur. Il a été l’objet d’un engagement politique continu depuis des années. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi avec mon collègue Fabien Gay et les membres du groupe Communistes, Républicains, Citoyens et Ecologistes, en juin 2020. Nous y proposions de renforcer le statut des travailleurs des plateformes, en les intégrant dans le livre 7 du Code du Travail, afin de leur permettre d’accéder à la protection du salariat, tout en bénéficiant de l’autonomie permise par le véritable travail indépendant. Aucun groupe politique n’a voté en faveur de cette proposition de loi, en dehors du nôtre. Elle a donc été rejetée.

Mais nous n’en sommes pas restés là. Plus récemment, j’ai été rapporteur d’une mission d’information intitulée : « Plateformisation du travail : agir contre la dépendance économique et sociale ». Nous avons organisé dans ce cadre plus d’une trentaine d’auditions et entendu plus d’une soixantaine de personnes : des chercheuses et chercheurs, des syndicalistes, des représentants d’institutions nationales et internationales, et même de certaines plateformes.

A l’issue de ces auditions, nous avons produit un rapport rendant 18 recommandations, portant sur les conditions de travail, mais aussi sur l’impact du management algorithmique pour les travailleurs des plateformes numériques. Ce rapport a été voté à l’unanimité le 29 septembre dernier, dans un travail collectif, mené avec les sénatrices et sénateurs membres de la mission, issus de groupes politiques différents. Dans la recherche des convergences possibles, nous sommes parvenus à nous accorder sur la nécessité de mieux réguler les plateformes, et d’ouvrir la boite noire de leurs algorithmes, dont l’explicabilité et l’encadrement font aujourd’hui cruellement défaut.

Les algorithmes sont bel et bien une chaîne de responsabilité humaine. En ce sens, ils jouent un rôle politique important, qu’il convient de réguler avec plus de transparence. Les plateformes sont arrivées sur le marché économique tels des chercheurs d’or dans le Far West, venus chercher leur nouvel eldorado. Mais tout cela s’est fait au détriment du droit du travail et des conditions de vie des personnes qui sont à leur service. Il est donc urgent de mieux les encadrer.

Nous savons par ailleurs que la force de ce modèle économique réside dans l’éclatement des collectifs de travail, dans l’individualisation à outrance permettant des formes d’inégalités devant le droit. Chacun se trouve ainsi isolé, connecté à son téléphone, mais de plus en plus déconnecté des autres.

Je nous invite à prolonger le débat, à réfléchir aux angles morts, aux secteurs moins visibles, tels que les travailleurs du clic, ou les plateformes de services à domicile, qui s’opèrent dans l’espace domestique, et qui concernent, cette fois-ci, une majorité de femmes.

Mais si certaines plateformes sont devenues aujourd’hui des géants du numérique, dont le pouvoir économique et politique fait parfois trembler certains dirigeants, je reste persuadé qu’il est possible d’agir, concrètement, et dès maintenant. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé et coordonné la rédaction d’un ouvrage collectif publié le 30 septembre dernier, intitulé « Ubérisation, et après ? » (Editions du Détour), intégrant les contributions d’acteurs universitaires, politiques, syndicaux, militants et bien sûr, de terrain, premiers concernés par l’ubérisation. Car « l’après », c’est maintenant !

Les textes budgétaires, projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances pour 2022 intègrent des enjeux propres au capitalisme de plateformes. Avec les membres du groupe CRCE, nous restons vigilants, et nous veillerons à défendre les intérêts des travailleurs avant ceux des plateformes.

Pascal Savoldelli
Sénateur du Val-de-Marne

Le temps du commun : menons ensemble la bataille des idées

Il y a 2 ans, le 9 novembre 2021

Par Pierre Laurent

Il y a quelques jours, un éditorialiste du Figaro résumait sa vision de la situation politique dans un éditorial titré « Les trois droites ». La victoire de la droite à l’élection présidentielle est acquise, résumait-il, et la question qui se pose est de choisir la droite qui l’emportera : celle conduite par Emmanuel Macron, celle des Le Pen/Zemmour, ou celle que représentera le candidat désigné le 4 décembre prochain par Les Républicains.

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Cruel constat de la saturation du paysage présidentiel par la droite, organisée par le système politico-médiatique dominant. Pour pérenniser leur pouvoir, les grands intérêts financiers sont prêts à toutes les hypothèses. Quitte à les combiner dans une future majorité parlementaire, qui associerait toutes les facettes de la droite et de l’extrême-droite. Tout doit être fait pour empêcher ce sinistre scénario, que notre peuple paierait une nouvelle fois très cher.

Les forces de gauche ne se sont pas placées dans la meilleure situation pour y faire face. C’est un fait. Et pourtant notre société regorge d’idées, d’actions, d’initiatives, de consciences prêtes à relever ce défi. Effacées de la une des médias par le rouleau-compresseur piloté par l’Elysée, ces forces continuent de travailler en profondeur le pays, nos quartiers, nos villes, nos campagnes. Je ne crois pas à la droitisation de la société française. Je pense plutôt qu’elle souffre cruellement d’une absence de perspectives progressistes. Et ce n’est pas la même chose.

Je crois nécessaire, pour sortir du verrouillage politique qui vise à décourager les énergies alternatives, de changer l’agenda du débat public. Les idées de progrès doivent reprendre le devant de la scène. Car sinon, notre peuple continuera à désespérer d’un débat politique dans lequel il ne reconnaît pas ses attentes les plus profondes.

Modeste contribution, j’ai décidé d’ouvrir, ces prochaines semaines, ces prochains mois, les colonnes de ce blog à des paroles qui méritent d’être davantage écoutées, prises au sérieux, placées au premier plan des priorités politiques de la gauche, si celle-ci de toutes celles et ceux désirant ouvrir une nouvelle perspective progressiste.

Ainsi ces prochains jours, je donnerai la parole à Philippe Rio, maire de Grigny, sur les services publics et la citoyenneté, à Pascal Savoldelli, sénateur, sur l’ubérisation et les plateformes numériques, ou encore à Ernestine Ronai sur le combat contre les violences faites aux femmes. De nombreux autres thèmes suivront, tous très divers, mais toujours avec l’ambition d’une approche innovante et constructive, avec la volonté de rendre les idées de gauche plus influentes dans le pays.

Je souhaite que cette initiative aide à faire circuler ces idées, à rassembler autour d’elles pour penser et agir ensemble. Ce ne sera pas tout le nécessaire, c’est certain. Mais en ces temps difficiles et étouffants, aucun espoir ne doit être négligé, aucune idée utile à avancer ne doit être laissée au bord du chemin.

Situation au Cameroun – Ceux qui prônent le dialogue et le respect de l’Etat de droit doivent être soutenus

Il y a 2 ans, le 4 novembre 2021

Par Pierre Laurent

J’ai interpellé le ministre des affaires étrangères français sur la situation qui s’aggrave de jour en jour au Cameroun.
J’appelle les autorités de mon pays à y soutenir ceux qui prônent le dialogue et le respect de l’État de droit, malmenés depuis des décennies dans ce pays.

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J’ai attiré l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation au Cameroun. Le Cameroun ne cesse de s’enfoncer dans une crise multiforme avec de nombreux foyers de tension militaire.

Les massacres d’hommes, de femmes et même d’enfants s’y multiplient notamment dans la zone anglophone (20 % de la population) avec des belligérants qui radicalisent leurs positions. De plus en plus d’acteurs du Cameroun se prononcent contre la gestion des conflits dans le pays, notamment en ce qui concerne la crise anglophone et l’élection présidentielle controversée de 2018. Ceux qui prônent le dialogue et le respect de l’État de droit continuent à faire l’objet de répressions comme en témoigne, entre autres, la non-légalisation du plus vieux parti politique camerounais, l’union des populations du Cameroun-manifeste national pour la nouvelle démocratie  (UPC-Manidem), pourtant demandée par la commission africaine des Droits de l’Homme et des peuples depuis 2016. En témoignent aussi les nombreux prisonniers d’opinion détenus dans les prisons camerounaises. S’ajoutent à cela les inquiétudes concernant la succession de l’actuel chef de l’État au pouvoir depuis près de 40 ans et dont le règne autoritaire a participé fortement au délitement social et économique de plus en plus prononcé.

Il est à noter par ailleurs que la présence française, notamment économique, reste très importante. Nombre d’acteurs camerounais estiment qu’il est urgent qu’un cessez-le-feu intervienne entre tous les groupes armés et que s’engage un vrai dialogue, impliquant toutes les forces vives du Cameroun en vue de trouver des solutions politiques pour sortir du délitement de ce pays et également pour que les droits élémentaires des populations soient respectés.

Je lui ai demandé ce que les autorités françaises en coordination avec l’Union africaine comptent prendre comme initiatives tant du point de vue national, européen qu’à l’organisation des nations unies (ONU), en vue d’appuyer une telle démarche et de cesser d’être d’un mutisme déconcertant au sujet de ce pays, lequel mutisme est aperçu de plus en plus comme une complicité avec des pratiques inqualifiables.

L’urgence du désarmement

Il y a 2 ans, le 28 octobre 2021

Par Pierre Laurent

Nous sommes au cœur de la semaine internationale pour le désarmement, du 24 au 30 octobre, mais qui le sait ? Le silence politique et médiatique de nos dirigeant·e·s est total, alors même que les urgences du désarmement sont si nécessaires pour stopper l’escalade de surarmement international, qui a repris depuis plus de dix ans.

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Les enjeux sont pourtant fondamentaux pour la sécurité humaine et collective, pour la préservation de la biodiversité, pour la prohibition programmée et multilatérale des armes de destruction massives et de tous les commerces d’armes contraires au respect du droit international.

Un exemple d’actualité illustre parfaitement les dangers nouveaux qui menacent et qui devraient conduire à considérer avec priorité l’urgence de la désescalade mondiale. L’annonce de la rupture du contrat de vente de sous-marins par la France à l’Australie au profit d’un accord stratégique avec les Etats-Unis, assorti d’un contrat de livraison de sous-marins à propulsion nucléaire a une toile de fond : une folle course aux armements dans la région indo-pacifique.

La France, qui pensait avec l’accord de vente de sous-marins militaires à l’Australie prendre sa part dans la stratégie occidentale de militarisation de la région face à la Chine, vient de se faire sèchement écarter du jeu par son allié américain.

Les Etats-Unis ont scellé un accord stratégique rassemblant américains, britanniques et australiens baptisé AUKUS, qui franchit un pas supplémentaire dans la systématisation de la tension avec la Chine. L’Australie se voit promettre l’acquisition de 8 sous-marins nucléaires américains. Elle vient également de signer un accord portant sur 12 hélicoptères d’attaque et un avion de guerre fourni par les Etats-Unis.

Fait nouveau et gravissime, les sous-marins promis seraient dotés de propulsion nucléaire, ce qui suppose de faire entrer l’Australie dans le club fermé des puissances disposant de capacités militaires nucléaires.

La création de cette nouvelle alliance occidentale dans l’Indo-Pacifique témoigne de l’agressivité redoublée des Etats-Unis dans la course à la militarisation du monde, pour laquelle elle pousse déjà les feux au sein de l’OTAN. La menace chinoise est sans cesse brandie pour justifier cette escalade. Mais il faut remettre les pendules à l’heure.

En 2020, selon une étude du Stockholm International Peace Research Institute, les dépenses militaires des Etats-Unis auraient atteint près de 778 milliards de dollars contre 252 milliards pour la Chine. Tandis que les Américains détiennent 6 185 ogives nucléaires, les Chinois n’en disposeraient que de 290. La Chine dispose de 2, bientôt 3 porte-avions alors que les Etats Unis en possèdent 11.

Ce qui inquiète les Etats-Unis n’est donc en rien le déséquilibre militaire, mais bien le risque de perdre son leadership économique et de voir mise en cause son hégémonie politique, déjà largement en déclin. En redoublant d’agressivité au plan militaire, et en entraînant ses alliés dans cette relance de la course aux armements, c’est d’abord et avant tout cette hégémonie politique et économique qu’elle entend défendre.

Mais elle le fait une fois de plus en faisant courir des risques insensés à la sécurité de la planète, à la sécurité humaine collective. La France n’a aucun intérêt à emboîter le pas de cette stratégie. Elle devrait au contraire prendre la tête d’une urgente relance d’initiatives internationales faveur d’un désarmement multilatéral mondial.

Le volet nucléaire du contrat passé par les Etats-Unis avec l’Australie est particulièrement inquiétant. Qu’il aboutisse ou pas (car il faudrait de longues années avant que l’Australie puisse maîtriser de telles technologies), il est politiquement lourd de conséquences. Les Etats-Unis ouvrent officiellement la possibilité d’utiliser à des fins militaires une technologie avec de l’uranium enrichi.

Si tel était le cas, ce serait la première fois qu’un Etat ne possédant pas l’arme nucléaire puisse malgré tout acquérir des sous-marins à propulsion nucléaire. Jusqu’alors, aucun des cinq Etats officiellement dotés de l’arme atomique, signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968 et disposant de la technologie de propulsion nucléaire navale, n’avait transféré une telle technologie à un Etat ne disposant pas de l’arme atomique.

Un tel précédent serait alarmant en matière de prolifération nucléaire, puisque des pays comme le Canada, la Corée du Sud ou encore même l’Iran, qui envisageaient déjà de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire, pourraient dorénavant s’engouffrer sans crainte de sanctions dans ce dangereux vide juridique. A cette problématique, s’ajoute celui du risque d’une utilisation fallacieuse des programmes de propulsion nucléaire navale pouvant servir d’une couverture afin de mener des programmes de recherche d’armes nucléaires.

Ni la France, ni l’Europe ne doivent s’aligner et contribuer à l’instauration progressive dans l’Indo-Pacifique d’une telle zone de confrontation directe. Ce climat de guerre froide, où la perspective de conflit de haute intensité est dès lors ouvertement envisagée, fait peser de lourdes menaces sur la sécurité du monde, déjà bien mal en point.

Dans ce contexte – et on pourrait parler de bien d’autres alarmes en cours comme la militarisation accélérée de l’espace qui va de pair aux Etats-Unis avec sa marchandisation et sa privatisation sous pilotage des milliardaires des GAFAM – la relance de batailles mondiales pour le désarmement est un urgence. Au cœur de ces urgences, la lutte contre la prolifération doit se conjuguer à la bataille pour la ratification par la France du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur le 22 janvier 2021, afin d’ouvrir la voie à la relance de véritables négociations de désarmement multilatéral.

La stratégie de la dissuasion réside dans le « coup de bluff » fonctionnant dans un double sens : rien ne nous sera fait, et nous pensons que nous ne serons jamais obligés de faire quoi que ce soit. Dans le monde d’aujourd’hui, où les instabilités se multiplient, où des acteurs intermédiaires surarmés se multiplient eux aussi, il faut réinterroger cet équilibre de la terreur.

Les signaux d’alerte sont nombreux : le retrait des Etats Unis en 2019 du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), le transfert technologique à l’Australie envisagé au nom d’une prétendue expansion belliqueuse chinoise, les vives tensions entre les deux Etats nucléaires d’Asie du Sud, Pakistan et Inde, les guerres et conflits régionaux meurtriers (7 000 morts dans le conflit Arménie-Azerbaïdjan), les escalades nationalistes…

Chercher dans ce monde-là la sécurité dans l’équilibre de la terreur, est-ce bien raisonnable ? Est-ce supportable quand les urgences sociales et celles du changement climatique frappent aussi fortement à la porte ? Selon l’ONU, en 2017 les dépenses militaires mondiales ont dépassé les 1 700 milliards de dollars soit près de 80 fois le montant nécessaire pour l’aide humanitaire.

C’est le désarmement mutuel qui apparaît plus que jamais comme la seule solution apte à garantir la sécurité collective des peuples. Le désarmement suppose la coopération entre les Etats. Et c’est tant mieux, car la coopération entre les peuples et les nations apparaît seule capable de répondre aux extraordinaires défis de notre temps. C’est la voie la plus lucide et la plus juste : le temps du commun est venu.

Il est temps que la France retrouve une voix indépendante pour avancer sur cette voie nouvelle, celle qui hier lui faisait reconnaître la République Populaire de Chine en 1964 ou quitter le commandement intégré de l’OTAN en 1966. C’est cette diplomatie audacieuse, non alignée, humaine, écologique et coopérative que le Parti Communiste Français entend porter lors des élections présidentielle et législatives de 2022.

Il y a 2 ans, le 7 octobre 2021

Par Pierre Laurent

Avec mon collègue Pierre Ouzoulias, j’ai eu l’honneur de recevoir hier Monsieur Charbel Nahas, ancien ministre de la République libanaise, accompagné de représentants du parti « Citoyens et Citoyennes dans un État ». Parti prenante des mouvements populaires de 2019-2020 le parti vise, avec les forces progressistes du pays, à construire un État démocratique et social au […]

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Avec mon collègue Pierre Ouzoulias, j’ai eu l’honneur de recevoir hier Monsieur Charbel Nahas, ancien ministre de la République libanaise, accompagné de représentants du parti « Citoyens et Citoyennes dans un État ».
Parti prenante des mouvements populaires de 2019-2020 le parti vise, avec les forces progressistes du pays, à construire un État démocratique et social au Liban, au-delà des communautés confessionnelles.
Nous avons échangé sur la situation politique actuelle, gravissime pour le peuple libanais, ainsi que sur les initiatives à prendre pour favoriser la coopération et l’échange d’expériences, dans des domaines tels que la santé ou l’éducation.
En effet bien loin de l’opération publicitaire de M. Macron à Beyrouth, la France pourrait jouer un véritable rôle d’appui au développement de services publics solides, dans le respect de l’indépendance du Liban.
Dans cette période difficile, nous restons mobilisé·e·s et n’oublions pas le peuple libanais.

Candidature problématique à la présidence d’Interpol – Eviter la privatisation d’une instance publique internationale

Il y a 2 ans, le 21 septembre 2021

Par Pierre Laurent

Ahmed Nasser Al-Raisi,  général émirati accusé de complicité de torture dans son pays, se porte candidat à la présidence d’Interpol après que son pays ait « préparé » le terrain en versant notamment des dizaines de millions d’euros à la Fondation d’Interpol ! J’ai attiré l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires […]

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Ahmed Nasser Al-Raisi,  général émirati accusé de complicité de torture dans son pays, se porte candidat à la présidence d’Interpol après que son pays ait « préparé » le terrain en versant notamment des dizaines de millions d’euros à la Fondation d’Interpol !

J’ai attiré l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation d’Interpol. En vue de favoriser leur candidat à la tête de cette institution, les Émirats arabes unis (EAU) se sont engagés à y verser 50 millions d’euros pendant cinq ans, soit la cotisation annuelle d’une centaine d’États.

Ces sommes considérables transitent par la fondation Interpol.

Depuis 2016, il y eut l’ouverture d’un bureau central à Abou Dabi, l’organisation d’un forum d’Interpol sur la sécurité en 2017, d’une assemblée générale dans la capitale des EAU et, en 2018, la création d’un poste d’« ambassadeur » de la Fondation, confié à un émirati.

Avec ces dons, les EAU, dont la quote-part du budget d’Interpol est seulement de 0,455 %, deviennent ainsi deuxième contributeur après les États-Unis d’Amérique.

Il est à noter que le candidat à la présidence d’Interpol que veulent favoriser les EAU est un général émirati, accusé de complicité de torture dans son pays.

Le Parlement européen s’est inquiété en septembre 2021 du profil de ce candidat, qui fait objet de plusieurs procédures juridiques.

Je lui demande quelle est la position de la France par rapport à cette candidature, qui semble aux yeux de beaucoup inappropriée pour le moins.

Plus généralement, je lui demande si lors de la prochaine assemblée générale la France compte lancer une réflexion en vue de financements suffisants pour le fonctionnement de cette institution, avec pour objectif d’éviter la situation actuelle que beaucoup dénoncent comme une tentative de privatisation d’une instance publique internationale.

« Silence like a cancer grows – Le silence comme un cancer grandit, et il tue » (Simon and Garfunkel)

Il y a 2 ans, le 16 septembre 2021

Par Pierre Laurent

Aujourd’hui, 16 septembre, 2021, 84ème femme tombée, depuis le 1er janvier, sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint.

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Au gouvernement, plus personne n’en parle. Comme si l’urgence était de se taire, de ne plus entendre le cri des femmes, de leurs enfants, de toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus des silences complices, de l’impunité, des demi-mesures, qui ont pour conséquence de préserver un système basé sur les dominations patriarcales et masculines.
Le Grenelle organisé « contre les violences conjugales » en 2019, après 132 victimes cette année-là, n’a accouché que d’ajustements juridiques, de promesses législatives lointaines… mais d’aucun centime de plus consacré au budget de l’État contre les violences faites aux femmes.
Deux ans après, c’est le règne du « circulez y a rien à voir » ! « Silence like a cancer grows… » chantent Simon and Garfunkel. Ce cancer grandit et il tue.
Nous sommes déterminés à poursuivre le combat pour que l’État prenne ses responsabilités et débloque les fonds nécessaires pour lutter contre ces drames quotidiens. Il en va de vies humaines, de la société d’égalité que nous voulons construire, du monde que nous voulons laisser à nos enfants.
« Dans 16 féminicides, c’est Noël » disait une pancarte en 2019. Aujourd’hui, 16 septembre 2021, une 84ème victime est décédée. Qu’en sera-t-il le 24 décembre Emmanuel Macron ? Le cadeau laissé par le Gouvernement sera-t-il toujours aussi inhumain ?
J’avais à cœur aujourd’hui de rappeler l’urgence de ce combat et la ténacité qu’il exige.