La Grande Sécu : dernier jeu de mots du pouvoir macronien

Il y a 2 ans, le 1 février 2022
Par Pierre Laurent
Le mot de Pierre Laurent :
Ces derniers mois, une nouvelle offensive politique gouvernementale en vue de la présidentielle est passée presque inaperçue. Avec leur projet de « Grande Sécu », les macronistes réalisent un tour de force : précipiter la casse de notre système de protection sociale, tout en prétendant œuvrer pour son extension ! J’ai demandé au Dr Michel Limousin, spécialiste des enjeux de santé et protection sociale, de nous donner son point de vue sur les arguments à opposer à cette nouvelle escroquerie intellectuelle du « Président des ultra-riches ».
La Grande Sécu : dernier jeu de mots du pouvoir macronien
par le Dr Michel Limousin*
L’art principal de Macron, c’est le glissement sémantique. Avec la proposition de « Grande Sécu », nous voici sur son terrain de jeu.
Les communistes depuis longtemps – ils ne sont pas les seuls – proposent un élargissement de la prise en charge des dépenses de santé des citoyens. C’est ce que nous appelons « le 100% Sécu ». Il s’agit que disparaissent non seulement tous les restes à charge des familles, mais encore que ce que financent les complémentaires soit intégré dans la prise en charge réalisée par l’Assurance maladie.
Cela signifie : disparition des tickets « modérateurs », disparition de toutes les petites taxes qui se sont ajoutées d’années en années sur les consultations et examens complémentaires, sur les hospitalisations même prises en charge en principe à 100%, disparition des honoraires libres et de tous les dépassements d’honoraires. Toutes ces sommes finissent par représenter plusieurs milliards d’euros à la charge des familles.
L’invraisemblable taxation des assurés sociaux passant aux urgences hospitalières depuis cette année est l’avatar le plus récent inventé par le gouvernement actuel. Dans la perspective du « 100% Sécu », les complémentaires mutuelles seraient intégrées à l’Assurance maladie : disparaitraient les frais de gestions de ces mutuelles, leurs frais de publicité et les personnels de ces mutuelles, pour la part « complémentaire » de leur activité seraient intégrés aux personnels de la Sécurité sociale.
On pourrait résumer ainsi la situation nouvelle : tout ce qui est prescrit sera payé intégralement par la Sécurité sociale via le Tiers payant. Il n’y aurait donc plus de cotisations mutualistes ou assurantielles pour les familles : cela constituerait une économie significative pour elles et particulièrement pour les personnes âgées qui voient leurs cotisations augmenter au fur et à mesure que l’âge avance et que les risques s’accroissent. En effet si le financement de la Sécurité sociale est assis sur les profits des entreprises, le financement des complémentaires est quant à lui, assis sur les revenus des ménages ou sur la valeur ajoutée des entreprises pour les conventions collectives. Il n’y aurait donc que la cotisation sociale qui n’est ni un salaire, ni un impôt, ni une prime mais une part des profits que se réapproprient les travailleurs et dont le montant est calculé à partir des salaires, pour répondre à leurs besoins.
Il y a deux raisons principales à cette proposition. La première est qu’une bonne couverture des dépenses de santé est favorable au bon développement général de la société. Elle participe au développement des capacités humaines. Avoir une population dont la santé est en quelque sorte garantie par un bon accès aux soins est un facteur de développement de toute la société y compris de son économie. Le financement par la cotisation prélevée sur les lieux mêmes de la création de richesses à savoir l’entreprise est de nature à booster cette richesse. Ce sont les humains qui créent la richesse et le capital, aussi indispensable soit-il, ne saurait accaparer la richesse produite au détriment de l’humain.
C’est bien parce que la Sécurité sociale a été créée à la Libération que les années qui ont suivi, ont connu un développement économique formidable. Le développement économique de la société en dépend. Il en est de même aujourd’hui. C’est donc une ambition révolutionnaire parce que la Sécurité sociale est un objet politique, pas un supplément d’âme de l’activité économique. Faire du « 100 % Sécu » un objectif politique, c’est poser que la Sécurité sociale est en soi une dynamique essentielle de la transformation sociale. Qu’elle n’est pas subordonnée à des conditions qui lui échappent (coût du travail, endettement public, croissance du PIB) et qui détermineraient son niveau et son périmètre d’application. Au contraire, la réponse aux besoins sociaux définit l’ensemble des conditions qui permettent une meilleure efficacité de la production.
La deuxième raison est que ce système où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins est la meilleure façon d’offrir à tous ce progrès en ouvrant des droits. La solidarité transgénérationnelle se met alors en place de même qu’une solidarité sociale : tous ont accès aux soins. Les systèmes des restes à charge et des cotisations complémentaires variables selon les risques sanitaires individuels vont à l’encontre de ce progrès. On voit bien qu’alors les inégalités sociales de santé, voire territoriales, se creusent lorsque la prise en charge diminue comme c’est le cas aujourd’hui.
Cette idée que nous avons avancée s’est développée dans la population et est devenue une aspiration très majoritaire. La crise de la Covid 19 depuis deux ans a montré la solidité des systèmes solidaires, leur efficacité malgré les politiques austéritaires accumulées depuis des années. Il y a une aspiration à une couverture universelle efficace. On a bien vu que ce ne sont pas les assurances complémentaires qui sont venues au secours des gens mais l’Assurance maladie. L’idée que la prise en charge complète favoriserait le gaspillage n’est plus opposée.
Le concept qui affirmait que les cotisations sociales sont des « charges » (donc charges insupportables) pour l’économie n’est plus crédible. Le capital doit en rabattre. Dans ces conditions nouvelles, la seule solution pour lui est de faire des propositions qui contournent le projet en ayant l’air de le soutenir. C’est le principe du glissement sémantique macronien : faire des propositions qui reprennent le vocabulaire mais qui détournent l’idée. C’est ici qu’apparaît la proposition de « Grande Sécu ».
En fait Macron reste sur la proposition avancée par les institutions internationales (Banque mondiale, FMI) à savoir les trois piliers : couverture publique obligatoire, couverture complémentaire obligatoire, sur-complémentaires volontaires. La proposition de « Grande Sécu » prétend regrouper les différents financements y compris les mutuelles et les institutions de prévoyance mais ne prendra en charge que la partie de base des soins. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) a planché sur le sujet : il déroule quatre scénarii différents de mise en œuvre de la réforme.
Le premier propose des réformes visant à répondre à certaines limites du système actuel, sans modifier son architecture. C’est un système de panier de soins qui se met en place, une solution proche de ce que défend le célèbre Professeur Grimaldi. Et le financement proposé est pour l’essentiel la fiscalisation mettant complètement la Sécurité sociale dans les mains de l’État (proposition proche de celle de Mélenchon). La perspective est la suppression de la cotisation sociale. Le deuxième instaure une assurance privée obligatoire, universelle et mutualisée. Le troisième, celui dit de la «Grande Sécu», augmente les taux de remboursement de la Sécurité sociale, supprime les tickets modérateurs et autres participations des patients. Enfin, la dernière piste est celle d’un décroisement des domaines d’intervention de la Sécurité sociale et des assurances privées.
Le HCAAM s’est également penché sur les améliorations de la couverture prévoyance, compatibles avec chaque scénario. En termes de financement, si le choix d’une nouvelle injection de produit de TVA est fait, la perspective d’un relèvement du taux normal est ouverte, la France n’étant pas au maximum des 25 % autorisés. Ce seront alors les familles qui paieront cet impôt le plus inégalitaire qui soit. Si cela passe par la CSG, il faudra bien constater une perte de recettes au niveau de l’impôt sur le revenu de par la déductibilité de ce supplément éventuel de contribution. Il faudra alors augmenter la fiscalité ou alors réduire les dépenses publiques. Si l’on reste sur la base de 22 Mds d’euros (chiffre évoqué en coût de la réforme), cela donne un peu plus de 11 % du produit net de la TVA attendu pour 2022 et deux points de CSG pour le moins puisque le rendement attendu de la contribution est de 133 Mds d’euros pour 2022.
Globalement dans les quatre scénarii proposés et singulièrement celui de « Grande Sécu », on se dirige vers moins de cotisations sociales et d’abord patronales, vers une étatisation complète de la Sécurité Sociale, vers un recul complet de la démocratie sociale (les salariés n’auront définitivement plus voix au chapitre), vers un recul de la couverture sociale, vers un transfert des dépenses sur les familles et vers des perspectives de privatisation du système social. Tout le contraire de ce qu’on peut souhaiter.
*Michel Limousin est membre de la Commission santé et protection sociale du PCF, rédacteur-en-chef des Cahiers de santé publique & de protection sociale.
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