Intervention au Sénat sur la politique de l’immigration

Il y a 3 mois, le 13 décembre 2022
Par Pierre Laurent
Monsieur le Président, Madame la Première ministre, Messieurs les Ministres, Chers collègues, Le débat d’aujourd’hui est censé ouvrir celui que nous aurons début 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en 40 ans. En prélude à ce projet de loi, vous avez publié le 17 novembre une circulaire mettant […]
Monsieur le Président,
Madame la Première ministre,
Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
Le débat d’aujourd’hui est censé ouvrir celui que nous aurons début 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en 40 ans.
En prélude à ce projet de loi, vous avez publié le 17 novembre une circulaire mettant gravement en cause le droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence pour les étrangers. Les structures d’accueil et les associations sont vent debout contre cette circulaire.
La discussion commence donc très mal. Si elle partait sur de telles bases, votre texte de loi pourrait être un nouvel appel d’air à tous les débordements, tous les fantasmes sur la submersion migratoire, sur les assimilations immigration/délinquance qui pourrissent le débat public depuis tant d’années. L’hystérie soulevée par l’arrivée de l’Ocean Viking en est le dernier exemple.
Pourrions-nous enfin débattre sérieusement et sereinement ? Les migrations sont un enjeu essentiel du monde et de l’époque actuelle. Depuis toujours la France, comme d’autres grandes démocraties, s’est construite en accueillant des migrants. Pendant longtemps c’est cela aussi qui a contribué à faire de la France, aux yeux des peuples du monde, la « patrie des Droits de l’Homme ».
Mais rompant avec cette histoire au fil des lois régressives, nous sommes devenus un des pays les plus restrictifs d’Europe. Car loin des fantasmes, c’est cela la réalité des chiffres.
Nous vivons une grave crise de l’accueil et un traitement de plus en plus dégradant des migrants en France et en Europe, un traitement indigne des droits humains.
Oui il faut débattre, car les causes des migrations sont multiples. Guerres, pauvreté extrême, violences faites aux femmes, répression des droits humains, catastrophes climatiques jettent des millions de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes de l’exil.
La mondialisation aussi a changé beaucoup de choses. Car les habitants de la planète, où qu’ils vivent, considèrent que les inégalités mondiales et le deux poids -deux mesures dans le traitement de la vie humaine ne sont plus acceptables.
Agissons-nous contre ces inégalités et ces insécurités mondiales ? Bien au contraire, la politique des pays les plus riches, comme le nôtre, ne cesse de les renforcer. Citons quelques exemples :
– les opérations militaires à répétition qui déstabilisent nombre d’États du Sud et du Proche-Orient ;
– les ajustements structurels et traités de libre-échange qui laissent exsangues les services publics de ces pays, assignent leurs économies à l’extraversion contre leurs besoins de développement interne ;
– le contrôle monétaire que nous continuons d’exercer sur les pays d’Afrique de l’Ouest via l’ex-franc CFA, qui les empêche d’avoir les moyens de financer leur développement ;
– les atermoiements face à la crise climatique, dont témoigne l’échec de la COP 27…
C’est de tout cela dont nous devrions parler, si nous voulons débattre sérieusement des migrations. Mais nous n’allons pas en parler, et certains nous rediront avec des mots nouveaux « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Mais chaque fois que des solutions concrètes sont mises sur la table pour traiter les causes réelles des désordres mondiaux et des conséquences qu’ils entraînent, toutes ces idées sont balayées d’un revers de main.
L’arrivée des réfugiés fuyant la guerre en Syrie aurait pu signer une nouvelle prise de conscience en Europe. Angela Merkel avait déclaré courageusement en 2016 : « Nous y arriverons ». Ce fut l’échec, et le retour des murs et des barbelés. En 2021,après la prise de Kaboul par les talibans, Emmanuel Macron ne trouvait plus qu’à s’inquiéter face aux « flux migratoires irréguliers ».
L’Europe a tourné le dos à ses devoirs d’accueil et de solidarité humaine. La présidence française de l’UE a passé son tour sur le Pacte asile et immigration. Aujourd’hui, le non-respect des clés de répartition solidaires à l’échelle européenne, un temps évoquées, associé à l’absurde règlement de Dublin, génère souffrance et indignité sur le continent.
Nous vivons avec la multiplication des camps d’exilés, des violences condamnables aux frontières, des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, dans la Manche ou sur la route des Balkans.
L’Europe n’a plus qu’une obsession, externaliser le traitement des migrants et marchander avec les pays de départ les reconduites aux frontières, plutôt que de considérer ces États comme des partenaires pour la coopération et le développement.
Ces politiques, qui n’arrêteront rien tant les causes des migrations sont profondes, ne font que favoriser les contournements et les migrations irrégulières, quand il faudrait au contraire travailler à des voies légales et sécurisées de migrations.
Ces voies légales et sécurisées sont possibles, car sinon comment expliquer que l’Europe puisse accueillir, à juste titre d’ailleurs, plusieurs millions d’Ukrainiens ?
Un Afghan fuyant les Talibans, une Nigériane fuyant un mariage forcé ou l’excision, un Congolais fuyant les massacres, une famille du Pakistan fuyant les inondations, valent-ils moins à nos yeux ?
Mais de tout cela, nous ne débattrons probablement pas. Votre projet, pour ce que nous en savons puisque nous n’avons pas le texte, semble vouloir se concentrer sur deux sujets, présentés comme les deux faces d’une même pièce : la régularisation par le travail pour les uns, l’accélération des expulsions pour les autres. Vous nous demandez donc de nous concentrer sur la situation de ceux qui sont déjà entrés sur notre sol. Sur ces deux sujets, quelques remarques.
Sur la question du travail. Vous connaissez notre position, elle est claire. Nous sommes pour la régularisation de tous ceux qui travaillent. Les grèves de sans-papiers ont montré clairement que des filières entières emploient ces travailleurs sans les déclarer au vu et au su de tous. Ils n’usurpent le travail de personne, car nous peinons aujourd’hui à recruter. Ils travaillent pour notre pays et sont pourtant maintenus dans une situation de vulnérabilité insupportable.
Nous ne voulons pas de quotas, et nous serons vigilants sur cette affaire de « liste des métiers en tension ». Le Gouvernement serait donc prêt à accueillir des étrangers mais à une condition, leur utilité. Pour nous, il ne doit pas s’agir de régulariser des pratiques d’exploitation patronales. Il s’agit de régulariser des femmes et des hommes, qui par leur travail peuvent enrichir notre pays et sécuriser leur vie.
Nous sommes favorables à la suppression du délai de carence afin de permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès leurs six premiers mois en France.
Nous plaidons pour les travailleurs pour une régularisation de plein droit, non soumise à la durée précaire des contrats, avec un titre de séjour d’une durée minimale de deux ans, pour permettre à ces salariés de sécuriser leur vie et leur installation.
Le ministre de l’Intérieur M. Darmanin évoque aussi, cela a été rappelé ce soir, l’exigence de réussir un test de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel. Évidemment, personne ne peut être contre que les étrangers en France qui viennent travailler chez nous apprennent le français. Mais nous serons attentifs là aussi pour que ce ne soit pas un sujet de discrimination. Et d’ailleurs, combien de Français aux origines immigrées ont mis des années avant de maîtriser leur langue nationale, leur langue d’adoption ?
Si au contraire, le titre que vous envisagiez pour les travailleurs sans-papiers ne courait que pour la stricte durée du contrat de travail, sa fin vaudrait alors OQTF et expulsion. Le cycle infernal serait perpétré.
Nous nous inquiétons donc de l’abus de vulnérabilité découlant de la dépendance économique et administrative du travailleur à l’égard de son employeur.
Quant au second volet, le renforcement des OQTF, que vous présentez faussement comme une contrepartie, le risque est grand de prendre de plus en plus de largesses avec le respect du droit.
Vous voulez qu’une OQTF vale expulsion. On peut aisément supposer qu’une telle décision sera sévèrement réprouvée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, car portant atteinte au droit à un recours effectif, garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Du point de vue procédural, vous affirmez la volonté de généraliser le juge unique à la Cour nationale du droit d’asile. Vous risquez de déshumaniser les procédures administratives, avec un risque de rejets systématiques.
Cette déshumanisation passera aussi par la généralisation des audiences en vidéo que vous envisagez. Cet éloignement a sa symbolique car la présence, le corps et ses marques, la souffrance endurée par les migrants, n’est pas perceptible de la même façon dans une procédure menée en présentiel.
Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs les Ministres, dans quel état d’esprit et avec quels principes nous aborderons le débat à venir sur votre projet de loi.
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