Discours de Pierre Laurent sur la guerre en Ukraine

Il y a 2 ans, le 2 mars 2022

Par Pierre Laurent

Discours sur la guerre en Ukraine prononcé à la tribune du Sénat le 1er mars 2022, suite à la déclaration du Premier ministre Jean Castex devant la chambre haute en application de l’article 50-1 de la Constitution.

GARDONS LE CONTACT

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
La guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine le 24 février est inacceptable. Elle est irresponsable. Elle plonge le peuple ukrainien dans un cauchemar in-soutenable. Elle menace la sécurité de l’Europe et du monde. Le risque d’une escalade incontrôlable augmente chaque jour. La situation est donc d’une extrême gravité.
Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur les causes de cette entrée en guerre de la Russie, j’y reviendrai, je veux redire ici la condamnation totale qui est la nôtre. Cette guerre est un crime contre la souveraineté d’un État, l’Ukraine, un crime contre le droit international, un crime contre la paix. Rien ne peut excuser le sort infligé à des mil-lions d’Ukrainiens, aujourd’hui sous les bombes ou sur les routes de l’exode, dont nous sommes solidaires.
Dans un monde si interdépendant, cette guerre est un échec pour tous, un échec pour la sécurité collective de l’Europe. Elle montre les limites dangereuses atteintes par la militarisation des relations internationales, et son cortège de discours guerriers, de haines et de nationalismes.
Pour toutes ces raisons, parce que cette guerre est illégitime et illégale, parce qu’elle est inhumaine pour le peuple ukrainien, parce qu’elle menace la sécurité de l’Europe et du monde, qu’elle risque de nous entraîner vers l’irréparable, la première des exigences que nous clamons haut et fort est celle d’un cessez-le-feu immédiat. Un cessez-le-feu pour épargner les vies, un cessez-le-feu pour faire cesser l’exode, un cessez-le-feu pour garantir la tenue de discussions de paix.
C’est pour ces objectifs, pour stopper la guerre, que la pression internationale la plus large possible doit s’exprimer. Le vote de l’Assemblée générale extraordinaire, actuellement en discussion à l’ONU, sera un moment important. Faisons entendre les mobilisations citoyennes qui exigent partout le cessez-le-feu et la paix. Saluons les manifestations courageuses en Russie, en demandant la liberté des opposants à cette sale guerre. Nous ferons tout pour que ce qui nous concerne pour encourager les mobilisations populaires pour la paix.
Les sanctions internationales contre le régime de Poutine peuvent participer à cette pression, à condition qu’elles frappent juste. Il ne s’agit pas pour nous de mettre à genoux un peuple, mais d’isoler un pouvoir oligarchique, autoritaire, fauteur de guerre. Le risque est grand de punir les peuples, en Russie et ailleurs, alors que les sanctions doivent viser les cercles du pouvoir impliqués dans les décisions guerrières, et les oligarques, qui pillent leur pays sans vergogne avec la complicité tacite, et depuis bien longtemps, du monde de la finance internationale. Les tergiversations sur SWIFT montrent d’ailleurs le degré d’intimité qui règne dans la haute finance et les paradis fiscaux. Retenons au passage qu’il est donc possible, quand on en a la volonté poli-tique, de cibler les flux financiers au plus haut niveau.
Autre urgence, tout doit renforcer l’aide humanitaire et la sécurisation de son accès aux zones de conflit, conformément au droit humanitaire international, la livraison de matériels de protection, l’accueil des réfugiés, avec notamment l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés et l’accueil dans tous les pays de l’Union et pas seulement les pays frontaliers. Là aussi, je vois que beaucoup de tabous se lèvent, qu’il est possible d’accueillir beaucoup, et nous nous en réjouissons, même si le tri ethnique que semblent vouloir organiser la Pologne et la Hongrie avec la complicité de l’UE est parfaitement indécent. L’Union africaine s’en est émue hier. On ne trie pas les victimes des guerres.
Les livraisons d’armes sont l’autre sujet brûlant. Face à l’agression russe caractérisée, qui oserait dénier à l’Ukraine le droit de se défendre ? La France parle d’aider à renforcer ses moyens de défense, mais on entend aussi parler d’avions de chasse, ce qui pourrait impliquer directement ou indirectement le système de l’OTAN. Le Parlement doit être clairement informé, et connaître avec précision ce qui a été livré et ce qui sera livré. Le contrôle du Parlement sur ces évolutions rapides est essentiel. J’entends des « ourrah ! » saluer le soudain emballement militaire de l’Union européenne et l’annonce d’un réarmement de l’Allemagne à hauteur de 100 milliards d’euros, le double de notre budget militaire. La gravité des enjeux devrait nous inciter à plus de clairvoyance et de lucidité.
Il s’agit là de questions hautement inflammables. La frontière est fragile vers une escalade entraînant dans la guerre des pays européens membres de l’OTAN, une escalade aux conséquences alors incalculables. La mise en alerte de la force de dissuasion russe par Vladimir Poutine est dans ce contexte parfaitement irresponsable. Toutes les puissances nucléaires, comme la France, ont l’immense responsabilité de ne pas entraîner le monde dans cette folie. La déclaration de Bruno Le Maire parlant de « guerre totale à la Russie » jette dangereusement de l’huile sur un feu déjà brûlant.
Des efforts de désescalade ont été faits mais tout n’a pas été fait pour la désescalade, ou bien trop tard. Aujourd’hui, la guerre ne doit pas éteindre les efforts de paix, elle doit les renforcer. J’entends la voix des boutefeux nous dire qu’il faut oublier tout cela, que seul compte d’armer l’Ukraine. Mais la guerre c’est le peuple ukrainien qui en est la première victime. Le cessez-le feu, l’arrêt des bombardements, la reprise de discussions pour un accord de paix, respectant la souveraineté de l’Ukraine, voilà ce qui doit rester la colonne vertébrale de l’action de la France.
La paix est plus que jamais affaire de sécurité globale et collective. La guerre en Ukraine nous dit combien la militarisation des relations internationales a atteint la cote d’alerte.
Dès la décennie 1990, après la dissolution du Pacte de Varsovie, des opportunités historiques s’ouvraient pour construire un monde débarrassé de l’affrontement des blocs et ouvrant la voie à de massifs désarmements. C’est le contraire qui a été fait. Tandis que les oligarques pillaient la Russie, sous le regard complice de multinationales à l’affût de leur part du gâteau, la seule logique à l’œuvre fut celle de l’extension de l’OTAN et de l’hégémonie mondiale.
Après l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, les États-Unis ont poussé les feux de cette confrontation. Et les Européens n’ont jamais trouvé les voies d’une parole unie et indépendante, pour rouvrir la voie du dialogue avec la Russie sur ce qu’Emmanuel Macron appelait en 2018 « une nouvelle architecture de sécurité européenne », ou ce que nous appelons « une initiative multilatérale pour un nouveau traité pan-européen de paix et de sécurité ». La Russie s’est elle-même enfoncée dans cette logique guerrière de confrontation, singulièrement depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, jusqu’à cette guerre dramatique en Ukraine. Durant ces longues années il faut le dire, jamais l’occasion ne fut saisie pour ouvrir sérieusement de réelles voies de négociation, laissant seules la confrontation et la force s’exprimer.
Vingt ans d’obsession otanienne pour le surarmement, vingt ans de réarmement russe, vingt ans d’exacerbations des nationalismes, le bilan est désastreux. Que de temps perdu qu’il faudra maintenant regagner en faveur de la paix.
Alors oui, même au cœur de ce terrible orage de bombardements, la paix doit rester notre projet politique. La paix, pas l’équilibre de la terreur ou la confrontation des puissances.
La paix pour l’Ukraine, avec le cessez-le-feu immédiat et le départ des troupes russes. La paix pour la Russie, qui doit trouver avec l’Europe les conditions d’une sécurité sans l’OTAN à ses portes.
Même quand il paraît si étroit, un chemin existe toujours pour le dialogue. La France doit aider les belligérants à l’emprunter, en usant de la voix forte qui est la sienne à l’ONU comme à l’OSCE.
La paix aussi pour la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie, dont l’intégrité doivent être préservées.
La paix pour tous les Européens qui doivent assurer leur sécurité souverainement, dans le respect mutuel des États, sans la tutelle américaine otanienne.
La paix par le désarmement nucléaire et conventionnel multilatéral.
La paix partout dans le monde, en Afrique, au Moyen-Orient avec la fin des opérations militaires extérieures !
Oui, chers collègues, comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations Unies le 18 décembre dernier en recevant la lampe de la paix de saint François : « Dans un monde où nous pouvons tout choisir, choisissons la paix ».
Retrouvez ici la vidéo intégrale de l’intervention

Loi de programmation militaire : 413 milliards pour la guerre ?

Il y a 5 mois, le 28 juin 2023

Par Pierre Laurent

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le rapporteur, Mes chers collègues,   Avec cette Question Préalable, le groupe CRCE souhaite poser à notre Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’une Loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ? Son ampleur, le tournant stratégique […]

GARDONS LE CONTACT

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le rapporteur,

Mes chers collègues,

 

Avec cette Question Préalable, le groupe CRCE souhaite poser à notre Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’une Loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ?

Son ampleur, le tournant stratégique qu’elle opère, son poids énorme face à tous les autres budgets de la Nation, pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l’éducation… Tout appelait à ce qu’elle fasse l’objet d’un large débat avec la Nation. Le terme initial de l’actuelle LPM en 2025 le permettait.

Monsieur le Ministre, le 22 mai à l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que cette LPM est « un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C’est vrai, mais avec une différence de taille : le général de Gaulle installait alors le choix de construire l’indépendance de notre défense. Vous faites aujourd’hui celui de l’otanisation et de la guerre.

Le débat démocratique sur vos choix n’en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement.  Le Président a confisqué l’évaluation stratégique, préalable nécessaire à toute LPM. Il l’a réduite à l’écriture en cercle restreint d’une « revue nationale stratégique ».

Jusqu’ici sous la Cinquième République, les grands tournants de la stratégie militaire française ont tous été pris suite à la publication de Livres Blancs.

Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords essentiels avec les orientations de ces Livres Blancs. Mais ces documents avaient au moins le mérite de permettre un débat stratégique d’ampleur, animé par une Commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l’État et les hiérarchies militaires.

Là, plus rien. Une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de cette LPM. Elle porte la marque d’un grave défaut de conception démocratique.

Pour cette question préalable, je m’en tiendrai à trois critiques majeures.

 

Je tenterai de vous convaincre, chers collègues,  de la nécessité de reprendre le débat sur d’autres bases. Car une autre politique de défense est possible pour notre pays.

D’abord, cette LPM nous éloigne des objectifs de défense de la Nation au profit du choix de la guerre – et en l’occurrence de la guerre projetée hors de nos frontières.

« Avoir une guerre d’avance » : c’est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule, se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. On nous dit que la paix n’est plus une option, qu’il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.

C’est oublier toutes les leçons du XXème siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe,  ont toujours préparé la guerre, et bien pire encore, jamais la paix !

 

C’est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du Mur, le monde n’a pas été en paix. L’Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : guerre du Golfe, ex-Yougoslavie,  Afghanistan, Irak, Libye, Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l’insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés… Jamais la paix durable !

C’est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent les monstres et les entrepreneurs de violence : terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées, trafics de drogue et d’armes, traites d’êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes-droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre, il ne la désarme jamais.

Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.

Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique/guerre militaire. Quant à la Russie, elle s’enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humains, économiques et militaires astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l’Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l’incroyable épisode de la rébellion Wagner.

Quand allons-nous enfin nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s’insurger contre cette folie. D’autres chemins sont possibles.

Vous allez me dire que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine dit qui est l’ennemi et qu’il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines ?

 

Oui, le monde a effectivement changé et les menaces sont nombreuses, mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et les moyens de conjurer ces menaces. Vous vous trompez d’époque. La guerre de Poutine en Ukraine n’est pas le symptôme du retour des blocs d’hier. C’est un signe de plus de la dé-civilisation du monde qu’entraîne la militarisation des relations internationales et l’affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.

Le chaos mondial est le résultat paradoxal d’un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage et les plus riches le refusent. La loi du plus fort, la puissance militaire, ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.

Faut-il suivre alors les États-Unis, ou tout autre d’ailleurs, dans l’escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?

 

Je ne le crois pas, et c’est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d’alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto cette LPM est dangereuse pour notre pays, pour l’Europe, pour la paix mondiale.

Les paradoxes apparents de la LPM – soulignés d’ailleurs dans les débats de la Commission des Affaires étrangères du Sénat –, n’en sont pas. Dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins : dans tous les domaines, cette LPM court après la sophistication militaire. Au risque d’y perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels. Et tout cela au titre d’une « haute intensité », en vérité uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l’OTAN hors de nos frontières. L’intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l’OTAN, révisé à Madrid, est d’ailleurs recyclé dans la LPM.

L’otanisation complète de l’Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d’autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l’armement.

Le bloc atlantiste n’offre pourtant qu’une cohérence de façade et est incapable d’enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d’Erdogan, à l’opportunisme géopolitique décomplexé, en est l’exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe  ? Que dire en Europe même de la Hongrie, de la Pologne, de l’Italie… et du poids grandissant dans ces pays d’extrêmes-droites racistes et militaristes ?

 

Pour notre part, nous vous proposons de remettre la LPM en chantier, car ses objectifs se trompent sur le monde à construire.

Vous sautez comme des cabris : « La guerre, la guerre, la guerre ! » Mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s’avance. Quand accepterez-vous d’entendre qu’une majorité de peuples du monde ne veut plus avoir à s’affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leurs destins, à disposer de souverainetés pleines et entières, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos schémas. Hors de l’OTAN, vous ne voyez que la « main de Moscou » ou « celle de Pékin », quand tant de pays en réalité cherchent de nouveaux partenariats, plus équilibrés.

Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaire, alimentaire, énergétique, climatique, que l’absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation,  sont au cœur de tous les conflits, et par conséquent à la racine de toutes les guerres ?

Entendez le constat lucide du secrétaire général de l’ONU : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits » !

Vous persistez ad nauseam avec des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s’achèvent par le départ des troupes américaines d’Afghanistan. En proie à la famine, le pays est devenu un narco-État sous domination des talibans. Dix ans de Barkhane au Sahel n’ont ni éteint le djihadisme, ni permis le développement de la région.

Il est temps de changer de paradigme. L’agenda pour la paix et la sécurité collective, c’est la construction d’une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !

 

La France dispose encore d’une voix écoutée dans le monde.  Utilisons la pour relancer tous les processus de désarmement multilatéraux, conventionnels comme nucléaires ! Utilisons la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd’hui tabou !

Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n’a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l’Humanité.

C’est pourquoi, constants et cohérents, nous serons tout au long des débats animés par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide, agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix.

Je vous remercie.

 

Seul le prononcé fait foi

La France, Mayotte, et les Comores : sortir de l’impasse, construire un avenir solidaire

Il y a 6 mois, le 12 juin 2023

Par Pierre Laurent

Le 10 juin, j’ai eu le plaisir de rencontrer de nombreux responsables de la communauté comorienne en France. À cette occasion, j’ai prononcé cette intervention sur les relations entre la France, Mayotte et les Comores, rappelant la nécessité de construire un avenir solidaire pour tous dans l’océan indien.

GARDONS LE CONTACT

Mesdames, Messieurs,
Chers amis, Chers camarades,

Je vous remercie de m’avoir invité à votre initiative. Dès le début de son premier mandat en 2017, Emmanuel Macron s’était fait connaître aux Comores en tenant des propos insultants envers les milliers de morts au large de Mayotte. ll avait osé dire au cours d’une visite dans un Centre régional de sauvetage maritime dans l’ouest de la France que « le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien ». Voilà le visage d’une condescendance qui en disait long déjà à l’époque, d’autant que l’État français porte une très lourde responsabilité dans ce crime affreux qui se perpétue et qui fait de la mer d’Anjouan le plus grand cimetière marin du monde.

L’opération Wuambushu à Mayotte, qui vise à la destruction de bidonvilles et à l’expulsion de milliers de femmes et d’hommes, est dans la triste continuité de ces déclarations de Macron. Il s’agit d’une véritable opération de ratissage orchestrée par le gouvernement français, appuyée par un déploiement massif de forces militaires et policières, qui vise à détruire des dizaines de quartiers d’habitat informel et à expulser des centaines, voire des milliers de ressortissants comoriens.

A l’instar de nombreuses agences internationales, institutions nationales ou associations (UNICEF, CNCDH, LDH, Cimade) qui ont alerté sur les graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes visées par cette opération, en particulier les enfants, le PCF et leurs élus condamnent ces agissements inqualifiables. Une partie est d’ailleurs condamnée par la justice. Tout comme il condamne les déclarations irresponsables de dirigeants politiques hexagonaux et mahorais, qui ne font qu’exacerber les tensions.

L’opération Wuambushu, en plus d’être liberticide, ne résoudra aucun des problèmes ni de l’île de Mayotte, ni du reste des Comores. Comme je l’ai déjà souligné lors de ma rencontre avec Mohamed Soilihi et Ben Halidy Halidi, l’opération Wuambushu est la dernière pièce d’une politique répressive qui a d’ores et déjà produit un cimetière maritime engloutissant des milliers de vies, à l’image de ce qu’il se passe dans la Méditerranée.

Notre solidarité internationaliste de communistes nous amène aussi à avoir une position sur le non-respect du droit international par notre pays en ce qui concerne Mayotte et les Comores. En effet depuis le début, la volonté coloniale avec la complicité d’élites locales, a été de garder la main sur Mayotte. Cette politique s’est appuyée sur une stratégie de division. D’un côté, les Comores ont été déstabilisées, déstructurées par l’intermédiaire de multiples coups d’État orchestrés par des mercenaires agissant souvent à la solde de Paris. De l’autre, la France a assuré une stabilité d’apparence à Mayotte et un développement asymétrique, à l’aide de nombreux financements. Cela a créé un contexte favorable pour l’organisation de référendums illégaux au regard du droit international, condamnés par l’ensemble des pays africains. Les consultations ont été organisées à l’échelle du pays, mais la France a entrepris d’analyser les résultats île par île, afin de justifier la « recolonisation » du territoire visé.

Le droit international est pourtant sans ambiguïté. La Résolution 1514, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale de l’ONU le 14 décembre 1960 fixe l’intangibilité des frontières coloniales : « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies». Le droit international précise par ailleurs que le parlement du pays colonisateur n’est absolument pas fondé pour décréter l’indépendance d’un territoire particulier. L’ONU « condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus » ainsi que « toutes autres consultations qui pourraient être organisées ultérieurement en territoire comorien de Mayotte par la France. » Cela vaut donc aussi pour le référendum au cours duquel la population de Mayotte a approuvé le statut de Département d’Outre-Mer le 29 mars 2009.

Voilà l’origine, la genèse de ce drame. Le droit international a été bien pensé et construit pour éviter justement ce genre de situation. Quand l’Etat français à tordu et piétiné ce droit international en y opposant une modification de notre propre constitution, alors il s’est prêté à cette dérive et a créé les conditions du désastre auquel nous assistons. De ce point de vue, je veux rappeler avec force que le Parti communiste français s’est depuis le début opposé à cela. Nous avons même démontré depuis de nombreuses années qu’un scénario du pire était à craindre, tellement la situation constituait une bombe à retardement. On peut reprendre nos interventions au Sénat ou à l’Assemblée, ou tout simplement nos déclarations publiques, il se passe exactement ce qui nous redoutions à l’époque.

Donc ceux qui gonflent les muscles aujourd’hui, ceux qui font semblant de s’apitoyer sur la situation et sur les violences ont pourtant été alertés : ils savaient ce que leur propre politique allait produire. Non seulement, les uns et les autres ont laissé faire mais ils ont participé à aggraver au fil des ans leurs sinistres politiques. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » disait Bossuet, écrivain français du 17ème siècle. Cette analyse, pour ce qui nous concerne, s’appuie sur une approche assez simple finalement : on ne divise pas les peuples au risque de semer le chaos. Oui, l’Etat français a participé à diviser le peuple Comorien pour dominer la région, il a semé des graines détestables qui germent aujourd’hui sous forme y compris d’une xénophobie absurde et dangereuse. Il n’y a qu’à voir d’ailleurs le score de Le Pen à Mayotte aux dernières élections. Je rappelle d’ailleurs que le piège Le Pen est là, à Mayotte comme en France, pour absorber la colère, la stériliser, et pour faire bouillir la haine. Ce piège Le Pen, avec son faux discours, vise à empêcher toute réponse humaine, de solidarité, de progrès.

C’est donc ce crime originel de l’Etat français, au fil des années, qui a produit le désastre. Et il faudra en sortir, car le statut quo n’est plus possible. L’écart de développement renforcé par la France pour creuser un fossé entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores produit une déflagration croissante. Le fait que Mayotte ait accédé au statut européen de région ultrapériphérique (RUP), qui lui permet de bénéficier de fonds structurels de l’Union européenne pour son développement économique, va dans le même sens et creuse toujours davantage les inégalités. Celles-ci ne pourront se résorber que si l’ensemble de l’archipel se développe de manière équilibré.

L’asymétrie voulue par la France est un piège qui se retourne contre l’ensemble des Comoriens, Mahorais compris. Mayotte est à l’image des problèmes du monde : il ne peut pas exister de lieu d’apparente et d’illusoire prospérité côtoyant la misère. D’autant que l’État n’a pas assuré ses engagements à Mayotte. La stabilité, les services publics et les avantages tant miroités de la départementalisation ne sont pas au rendez-vous. Le manque de financements obère tout « rattrapage ».

La politique du bâton à Mayotte a atteint ses limites et génère des contradictions indépassables. Des milliers d’enfants dont les parents ont été expulsés de Mayotte se retrouvent livrés à eux-mêmes. Si il y a quelques années la politique de Trump de séparation des familles a provoqué une indignation salutaire dans le monde, c’est pourtant un résultat similaire qui frappe des familles comoriennes, avec des enfants séparés de leurs parents, ce qui contribue aussi aux nombreux problèmes de sécurité que subissent les populations. Le chômage est endémique, la délinquance prolifère, les services publics sont dépassés, à l’image de la maternité de Mamoudzou. Face à la contestation, à la colère, aux risques de divisions et de dérapages engendrés par cette situation délétère, le gouvernement multiplie les promesses sécuritaires et de colmatage incapables d’apporter des solutions à la profondeur des déflagrations en cours. D’autant qu’elles éludent toute issue sérieuse.

Cette issue sérieuse que nous appelons tous ici de nos vœux, passe aussi par le rétablissement de l’État de droit aux Comores, mis à mal par l’actuel chef de l’État Assoumani Azali, qui a un soutien inconditionnel du pouvoir français. Nous avons ensemble évoqué ce sujet mon cher Mohamed.

Il y a besoin d’une discussion globale entre tous les acteurs concernés, dont bien sûr le gouvernement français, sur l’avenir de la zone : développement économique, services publics… Il s’agirait de mettre en œuvre une véritable politique de codéveloppement dans cette zone de l’Océan indien, avec l’ensemble des pays et régions concernés et dans le cadre d’une facilité de circulation grandement améliorée et mise en place rapidement. Cela passe donc par l’abolition du visa Balladur.

Plus globalement pour l’avenir de l’archipel, des réponses nouvelles doivent être trouvées. Il est illusoire de penser que Mayotte puisse s’en sortir seule, quand bien même un improbable « plan Marshall » viendrait à sa rescousse. La France qui veut soumettre les autorités comoriennes afin qu’elles renoncent à l’intégrité des Comores, doit changer d’option. Personne n’a intérêt à rester au statu quo. La réponse aux défis passe par un avenir commun entre Mayotte et l’archipel. Il faut réparer les béances ouvertes, tant sur le plan du droit, de la symbolique, de la culture ou du développement économique.

Publié par le journal Médiapart ce jeudi 8 mars, un rapport camouflé par le gouvernement souligne une nouvelle fois cette urgence en révélant la situation de crise dont souffre Mayotte. Rédigé par l’inspection générale de six ministères (intérieur, justice, affaires sociales, finance, éducation et affaires étrangères), ce compte rendu relate la défaillance de l’État sur l’île dans les domaines de la santé, du logement, de l’éducation, de la justice ou encore de la sécurité. Ce rapport gardé sous le boisseau est une sorte de portrait général de l’île de Mayotte qui est absolument catastrophique en ce qu’il dévoile. Les administrations publiques et notamment de l’État, n’arrivent pas à endiguer les multiples crises qui secouent l’archipel depuis longtemps. Depuis des années mon amie Eliane Assassi, la présidente du groupe Communiste au Sénat, mon amie Laurence Cohen, Sénatrice communiste du Val-de-Marne et membre de la commission des affaires sociales, dénoncent cette situation affreuse et apportent leur solidarité y compris en allant sur place. Mon ami Jérémy Bacchi, Sénateur Communiste de Marseille a récemment posé une question d’actualité sur la situation dramatique de l’île.

Devant la dégradation de la situation, l’heure n’est pas à montrer ses muscles coloniaux mais à faire preuve de retenue et d’humilité. Face à une situation de plus en plus absurde et dangereuse, il faut que nous soyons rapidement en capacité de mener des actions communes pour accélérer la prise de conscience sur ce dossier et avancer vers des solutions concrètes.

La tâche n’est pas simple, car comme à chaque fois qu’il y a une crise, ou même une guerre, une fois que le mal est fait on ne peut plus le réparer aussi facilement qu’avant. Il faut donc imaginer, produire un scénario alternatif pour construire une issue au contentieux, qui apporte sur le plan du droit international, des réponses immédiates aux problèmes urgents, et pour plus tard, des réponses acceptables et désirables par tout le monde, sur toutes les îles de l’archipel. Il faut réparer les divisions et les asymétries, cela ne peut se faire non pas avec des logiques répressives et seulement de sécurité ou de police, mais par la reconstruction de solidarités. Avec l’idée que les peuples des îles comoriennes ne font qu’un, ils ont évidemment une destinée commune. On ne peut pas vivre bien sur une île si celle d’à côté souffre. L’idée à véhiculer, à répandre est la suivante : « On ne peut pas vivre bien si son voisin souffre. Nous avons les mêmes intérêts, les mêmes problèmes. J’ai donc intérêt à ce que mon voisin voie ses conditions de vie s’améliorer, et il faut lutter ensemble pour cela ». Cette approche définit en partie la gauche sur le plan politique. Alors qu’à droite on cultive les divisions, les mises en concurrence, les oppositions entre travailleurs partout dans le monde.

Au-delà de cet aparté, et si vous me le permettez, j’ai le sentiment qu’il nous faudra faire preuve d’une grande créativité pour cette feuille de route dégageant une issue pour les peuples des Comores. Nous avons besoin de votre réflexion, de votre expérience, nous pouvons y contribuer à notre niveau, pour ensemble imaginer les chemins à emprunter afin de réparer les dégâts et arriver à décoloniser les Comores, avec une sorte de 2ème indépendance. Cela passe vraisemblablement par des étapes, pour à la fois viser notre objectif commun, et être crédible et utiles sans attendre, c’est-à-dire dès maintenant, en nous posant les questions du type de bataille à mener, des propositions à faire, des coopérations à développer, et y compris de l’évolution du statut de l’île de Mayotte.

En tant que Comoriens vivant en France ou Français avec des origines comoriennes vous pouvez être pleinement acteurs de ces changements nécessaires pour les habitants des Comores, de Mayotte et de l’Hexagone. Ne nous interdisons rien et avançons ensemble en ce sens.

Je vous remercie.

Mon discours au Sénat : « En Afrique, la France doit changer de logiciel ! »

Il y a 6 mois, le 7 juin 2023

Par Pierre Laurent

Mercredi 6 juin, le Gouvernement organisait un débat au Sénat sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, concernant la politique de la France en Afrique. Je suis intervenu au nom du groupe CRCE, pour appeler à un changement complet de logiciel concernant nos relations avec le continent africain !

GARDONS LE CONTACT

Monsieur le Président,

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

 

La déclaration du Gouvernement sur la politique de la France en Afrique dont nous débattons ce soir s’inscrit dans la droite ligne du discours du chef de l’État du 27 février dernier. Dans ce discours, le chef de l’État a proclamé que la France doit refuser d’entrer dans une logique de compétition, qu’il faut tourner la page de l’économie de rente, qu’il convient d’entrer dans une logique partenariale d’investissement solidaire.

Mais le problème, c’est que tous les fondamentaux dépassés de nos rapports économiques, qui sapent depuis tant d’années le développement des pays africains, et qui sapent aujourd’hui la confiance dans notre relation à l’Afrique, sont aujourd’hui maintenus au mépris de tous les nouveaux enjeux du XXIᵉ siècle.

Alors que les pays africains cherchent par exemple, le financement de leur développement, nous continuons de faire l’éloge de la pseudo-réforme unilatérale du franc CFA, qui laisse en l’état les instruments de la domination monétaire en vigueur, et n’a constitué en vérité qu’une OPA hostile, visant à tuer dans l’œuf le projet de monnaie ouest-africaine de la CEDEAO. L’Afrique, elle pourtant, continue de parler de retrouver de la souveraineté monétaire. Mais quand j’ai interrogé, dans la foulée de ce débat, le gouvernement sur le stock d’or de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, qui est toujours détenu à 81 % à la Banque de France, ou sur la publication d’une annexe mentionnée à la convention de garantie entre la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest et la République française, on m’a répondu « circulez, il n’y a rien à voir ».

Nous parlons d’être un partenaire d’avenir du développement de l’Afrique, mais nous ne portons pas le fer contre l’organisation du commerce international, la nature des échanges franco-africains qui l’entrave, les traités de libre échange foncièrement inégaux, le démantèlement des services publics et des embryons d’État social dans ces pays, la course au moins-disant fiscal, le nivellement par le bas de la protection des travailleurs, les politiques de prédation et de maxi-bénéfices des multinationales qui agissent sur place en toute impunité.

Dans le cas de la France, par exemple, si le commerce extérieur en Afrique subsaharienne ne représente qu’environ 2% de notre commerce extérieur, les parts de marché, nous le savons tous, sont concentrées dans les mains de quelques grands groupes qui font des affaires avec un taux de profit indécent, en complicité avec des élites extraverties et corrompues, au détriment de la très grande majorité des Africains. J’ai souvent dénoncé des exemples caricaturaux, comme la surfacturation par des groupes français du train urbain d’Abidjan, ou les profits accumulés par le groupe Bolloré dans les ports ouest-africains, dont il est parti sans égard pour les pays concernés.

Le coût pour les peuples africains du maintien de ces rapports économiques est exorbitant. Il se nomme grande pauvreté, sous-alimentation, maladies endémiques, insécurité, corruption des élites, migrations forcées. Et c’est tout cela dont les jeunesses africaines ne veulent plus ! Quand allons-nous comprendre que le rejet de la politique française trouve ici ses racines profondes, et ne peut être réduit au succès d’influences russes, turques, chinois ou d’autres encore ?

Quand tirerons-nous vraiment les leçons des dizaines d’interventions militaires françaises en Afrique, dont la dernière, Barkhane, est en vérité un échec politique lourd de conséquences ? Notre politique reste à mille lieues des exigences populaires dans les pays africains en faveur d’une vraie souveraineté, d’une deuxième indépendance comme ils disent, exigence qu’ils expriment concrètement de plus en plus souvent. Vous ne comblerez pas ce fossé en lançant un média de propagande pour vanter les mérites de la politique française, n’en déplaise à ceux qui, au gouvernement et parmi nos collègues, évoquent abondamment la lutte d’influence pour tout expliquer.

La seule manière de combattre efficacement les fake news et les propagandes hostiles, est la mise en cohérence entre les paroles et les actes de la politique française en Afrique.

Si nous écoutions vraiment les jeunesses africaines si la France changeait réellement de politique pour respecter la soif de liberté et de souveraineté, de développement choisi, alors nous aurions tous à y gagner, ici et là-bas. Car l’agenda des objectifs d’un développement durable, maîtrisé par les Africains eux-mêmes, est la clé d’un véritable avenir de paix et de justice sur lequel refonder nos relations.

D’abord, l’Afrique a besoin de financements massifs et de création monétaire. La France doit cesser sa mise sous dépendance de la zone du français CFA, mais plus, elle doit agir au plan international pour changer radicalement les règles d’attribution des DTS du FMI. Au-delà d’une nouvelle distribution des DTS non utilisés par les pays riches, qui se fait actuellement au compte-gouttes, et c’est nouveau, une réforme des conditions d’émission des DTS devrait favoriser les critères de lutte contre la pauvreté et le financement à grande échelle de la transition économique et écologique du continent africain. Nous pourrions ainsi aider ces pays réellement, comme nous l’avons à plusieurs reprises, proposé. Soyons attentifs, je constate que les BRICS ne restent pas inertes pour répondre à ce besoin. Et si nous continuons comme nous le faisons, nous passerons une fois de plus à côté des besoins d’aujourd’hui dans le domaine fiscal.

Nous constatons que si les recettes fiscales représentent en moyenne 34% du PIB dans les pays de l’OCDE, elles sont deux fois moins importantes dans les pays en développement, notamment en Afrique. Ce n’est pas dû au hasard. Les pays africains ont besoin de nouvelles recettes fiscales, et nous devrions y consacrer des efforts, en cohérence avec la réalisation des objectifs contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que nous avons ratifié. Et c’est au nom des propositions de ce pacte que nous renouvelons notre proposition de flécher au moins 10% de l’APD vers le soutien au renforcement des systèmes fiscaux de ces pays, pour leur donner des moyens budgétaires de développement et de financement endogènes.

J’entends souvent dire ici « l’Afrique est notre avenir », mais elle est d’abord l’avenir des Africains. Et c’est par là que tout doit commencer, et qu’avec eux, partenaires enfin respectés, nous devrons surmonter les défis communs en matière sociale, climatique et environnementale. La France pourrait ainsi passer d’une politique de conquête abrupte inopérante de parts de marché à trop court terme, une politique de VRP, de ventes d’armes et de systèmes de sécurité, une politique de stigmatisation hypocrite des migrations, alors que ce sont les politiques que nous développons qui les provoquent à une autre logique de rapports mutuellement avantageux, de coopérations repensées en appui des choix endogènes de développement de ces pays.

Nous devrions encourager une industrialisation indispensable pour ces pays. Nous devrions ré-encourager une agroécologie vivrière qui a largement fait ses preuves, y compris au Sahel, plutôt que de soumettre les pays africains à des accords commerciaux qui déstructurent leurs filières agricoles et de pêche.

Enfin, si nous comprenons l’impasse de nos aventures militaires à répétition, nous devrions prendre un tournant concernant les bases militaires permanentes, en allant le plus rapidement possible vers leur suppression. Soyons lucides et honnêtes. L’exercice par la France de ce pan important de la souveraineté des pays africains a produit globalement des résultats très médiocres. Dire cela n’est pas renoncer à toute coopération militaire avec les pays précités, mais c’est accepter le refus des pays africains d’être dans une relation exclusive et dépendante en matière militaire comme dans tous les autres domaines. Il faut accepter qu’il y ait une pluralité de partenaires stratégiques. A défaut, nous précipiterons une évolution que nous dénoncerons peut-être avec véhémence.

Oui, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, c’est dans tous les domaines qu’il faut changer de logiciel en Afrique. J’y suis allé un peu à la serpe, je le reconnais. Mais je conclus pour dire qu’il faudra résolument aller vers ce changement de logiciel. C’est ce que nous ne cessons de proposer et c’est ce que ne cesseront désormais de nous rappeler les peuples africains. Merci.

 

Seul le prononcé fait foi

Mon intervention au Sénat sur la proposition de résolution reconnaissant le génocide ukrainien de 1932-1933

Il y a 7 mois, le 17 mai 2023

Par Pierre Laurent

Ce 17 mai au Sénat, nous débattions d’une proposition de résolution présentée par Mme Joëlle Garriaud-Maylam (LR), visant à appliquer le qualificatif de génocide aux famines meurtrières de 1932-1933 en Ukraine. À travers l’intervention ci-dessous, j’ai pu porter la position des sénatrices et sénateurs CRCE sur cette question.

GARDONS LE CONTACT

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

A la fin des années 20, Staline rompt avec la nouvelle politique économique établie en 1921 dans la nouvelle Union soviétique. Il décide alors d’engager une collectivisation forcée des terres agricoles à un rythme effréné et avec une brutalité inouïe.

Cette décision va désorganiser durablement et en profondeur les récoltes et la paysannerie au seul profit de la constitution d’une industrie lourde.

Le coût humain en fut terrible dans toute l’Union soviétique, en particulier dans les années 1932-1933 où, après deux terribles récoltes en 31 et 32, les quotas imposés et prélevés par l’État ne furent corrigés qu’à la marge, engendrant des famines historiques.

Dans sa quête fanatique de ses objectifs économiques, le pouvoir stalinien et ses relais locaux iront jusqu’à établir des blocus afin que les agriculteurs ne désertent pas les terres, tout particulièrement en Ukraine. Ce sont des millions de citoyens soviétiques, ukrainiens, mais aussi kazakhs et russes qui en furent victimes. L’Ukraine fut particulièrement frappée.

Selon l’historien ukrainien de référence Stanislas Kulchitskii, ce sont 3 à 3 millions et demi de personnes en Ukraine qui décèdent suite à cette famille. Dans une étude de démographes ukrainiens de 2008, le nombre de morts excédentaires en Ukraine pour la période de 1926 à 1939 était de 3 millions et demi, dont la plupart durant les famines du début des années 30.

Ces famines de l’ère soviétique produisirent davantage de victimes que la grande famine russe de 1891 1892. Les famines résultant de la guerre mondiale et de la guerre civile avaient fait des millions de morts. C’est d’ailleurs notamment pour conjurer ces famines que la NEP avait été établie en 1921.

Avant l’ouverture des archives de l’URSS. la théorie intentionnaliste selon laquelle Staline avait consciemment tué par la faim les paysans ukrainiens parce qu’ukrainiens, était répandue. Depuis le début des années 2000, le travail des chercheurs a rouvert le débat. Roland Davies, Stephen Wheatcroft, Mark Tauger et Hiroaki Kuromiya, qui ont travaillé sur les archives, et les correspondants des dirigeants de l’époque, mettent en cause cette thèse de qualification de génocide. En 2022, lors de l’examen du débat sur une résolution traitant elle aussi de l’Holodomor le Parlement belge a sollicité l’avis d’historiens qui ont considéré ce terme inapproprié pour désigner ces famines.

L’historien français Nicolas Werth, qui lui admet le terme de génocide, expose dans une tribune récente au Monde l’objet et l’existence de ces débats d’historiens. La qualification de génocide continue donc de faire débat. Ce débat n’atténue pour nous en rien ni l’ampleur des crimes commis contre la paysannerie de l’époque, ni la terrible responsabilité du pouvoir stalinien dans ce drame abominable d’autant que s’y ajoutait une cruelle répression envers ceux qui étaient considérés comme des opposants, qui décima également massivement les rangs des communistes. La dénonciation de ces crimes staliniens est pour nous irrémédiable. d’autant que, face à l’ampleur de la famine, effrayée de montrer la réalité, Staline mit sous scellés les informations la révélant, empêchant toute solidarité nationale ou internationale, aggravant considérablement ses effets.

 

Les sénateurs communistes tiennent par ailleurs à interroger l’intention politique de cette résolution. Nous avons voté la dénonciation du crime de déportation d’enfants ukrainiens il y a quelques jours.

Nous n’avons pas, chère rapportrice, la main qui tremble. J’imagine que les auteurs de cette résolution souhaitent, à travers son adoption, apporter une marque de soutien à l’Ukraine. Et, je l’espère, à la perspective d’une paix civile retrouvée à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières ukrainiennes retrouvées.

Or, il est frappant de constater que la guerre des récits nationaux est depuis dix ans au cœur du conflit. Poutine ne cesse de réécrire l’histoire pour justifier sa croisade criminelle au nom d’une prétendue dénazification.

En Ukraine, des responsables nationalistes réhabilitent Stepan Bandera en effaçant les épisodes peu glorieux de son histoire, comme si la guerre d’aujourd’hui était condamnée à répéter les crimes du passé. 30 ans après, la chute de l’Union soviétique continue de réveiller des frontières non seulement physiques, mais historiques, culturelles, politiques et mémorielles qui nourrissent les conflits d’aujourd’hui et que la construction d’une Ukraine en paix dans ses frontières étatiques retrouvées devra dépasser pour faire vivre ensemble l’entièreté de sa population. Est-ce notre responsabilité d’alimenter au cœur de la guerre actuelle ces conflits mémoriels est les haines qu’ils alimentent.

Cette résolution nous semble donc relever moins d’une reconnaissance historique et d’une compassion légitime à l’égard des victimes de la famine, qu’au souci d’alimenter le récit de justification de l’amplification de l’effort de guerre réclamé par les dirigeants ukrainiens au détriment de la recherche d’une reconstruction de la paix.

Pour toutes ces raisons, et aussi pour exprimer plus généralement notre malaise face à l’inflation parfois inappropriée du qualificatif de génocide qui par définition est exceptionnel dans le cadre de résolutions parlementaires, le groupe CRCE votera contre cette résolution.

 

Seul le prononcé fait foi

Tribune dans Le Monde : « Voter 413 milliards de crédits militaires sans avoir de débats avec le pays, ce ne serait pas sérieux »

Il y a 7 mois, le 16 mai 2023

Par Pierre Laurent

Alors que s’ouvre en France la discussion sur la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, j’ai fait le choix de m’exprimer aujourd’hui dans les colonnes du Monde, avec cinq de mes collègues parlementaires, membres des groupes GDR de l’Assemblée et CRCE du Sénat. Dans cette tribune, nous exposons les questions structurantes liées à notre politique de défense, qui devraient faire l’objet d’un grand débat public et démocratique avec les Français·es !

GARDONS LE CONTACT

« Le gouvernement a présenté le 4 avril une loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros. Son inscription au Parlement n’est précédée d’aucun débat stratégique, d’aucun Livre Blanc. Sa justification est martelée sans contradiction : la guerre est revenue, le monde se surarme, la France doit suivre le mouvement pour « tenir son rang ».

Une telle loi nous engage pour des décennies. Elle repose sur une vision du monde et du rôle qu’entend y jouer la France, sur une conception de la Défense nationale et de nos alliances, sur des coopérations et programmes industriels d’ampleur.

La trajectoire budgétaire proposée ferait passer le budget de la Défense de 43,9 milliards en 2023 à 69 milliards en 2030. Le Haut Conseil des Finances Publiques souligne la lourde contrainte que cela fera peser sur les autres budgets de l’État.

Pour nous, de tels choix ne peuvent être actés sans grand débat national. En pleine crise démocratique, nous ne pouvons nous contenter de discussions expéditives, tenant à distance les Français.  Plusieurs questions doivent être ouvertes au débat public.

Réévaluer notre vision stratégique de l’état du monde. De l’Afghanistan jusqu’au Sahel, et aujourd’hui l’Ukraine, toutes les guerres récentes montrent l’échec des solutions militaires. La sécurité du monde appelle d’autres choix. Santé, alimentation, social, énergie, climat… Nous avons besoin d’une approche globale des insécurités mondiales. Le développement à l’heure de la transition écologique, les nouvelles interdépendances, l’émergence politique d’un Sud refusant les dominations d’hier exigent une vision renouvelée de nos partenariats mondiaux, loin de l’enfermement dans l’alliance militaire occidentale qu’est l’OTAN.

Rompre notre dépendance aux opérations militaires extérieures. Les « OPEX », ces coûteuses expéditions néocoloniales, se sont multipliées depuis 20 ans avec des résultats calamiteux. Après le fiasco de Barkhane au Sahel, il est temps d’abandonner le modèle d’une armée de projection extérieure, bâtie au détriment des missions de protection du territoire national. Cela implique des révisions structurantes. A quoi sert un nouveau porte-avions ? A quoi servent nos bases permanentes en Afrique ou au Moyen-Orient ?

Reconstruire une Défense Opérationnelle du Territoire digne de ce nom. Défense du territoire et lien à la Nation sont les grands oubliés de la professionnalisation de nos armées tournées vers la projection extérieure. Ni le SNU envisagé, ni le doublement hypothétique de la Réserve opérationnelle ne sont la réponse. La France a besoin d’un débat pour une conception citoyenne renouvelée de nos capacités de défense territoriale, aux missions diversifiées, activables en cas de menace majeure. Cette révision doit prendre en compte les besoins spécifiques de protection des départements, régions et collectivités d’outre-mer et de leurs zones économiques exclusives.

Interroger le concept d’armée complète pour la haute intensité. Sans avoir été vraiment discuté, ce concept se voit consacré par la LPM. Nous préparons la guerre, dit le Président de la République. Mais où, contre qui et quelles menaces ? S’agit-il de mieux défendre notre territoire et de concevoir notre modèle d’armée en conséquence, ou s’agit-il plutôt de renforcer la capacité de nos armées à prendre part aux opérations militaires de l’Otan, en acceptant le pilotage de la définition des menaces par les États-Unis ?

Rouvrir le débat national sur la dissuasion nucléaire. Dans la nouvelle LPM, 54 milliards d’euros seraient fléchés vers la modernisation de notre force de dissuasion. C’est une somme considérable, investie dans une technologie capable d’anéantir la vie humaine, et ce alors que la doctrine française de non-emploi est questionnée par l’escalade mondiale actuelle. Les tensions internationales appellent à réévaluer notre politique de dissuasion, en lien avec le respect de nos engagements internationaux dont l’article 6 du Traité de Non-Prolifération (TNP) visant au désarmement nucléaire multilatéral. Pourquoi refuser la nécessité pour la France d’accéder au statut de membre observateur du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) ?

Repenser nos industries d’armement. Le président de la République abuse de la formule « économie de guerre ». Nos industries de défense sont en vérité dans un état très contradictoire : de grandes capacités technologiques cohabitent avec de graves lacunes à couvrir les besoins de nos armées. Nos industriels sont tournés vers l’exportation. Troisième marchand d’armes au monde, la France est doublement dépendante, de ses clients (dont les riches dictatures du Golfe), et des États-Unis pour la fourniture de composants et de renseignement. Pour une conduite souveraine de notre défense, nous devons repenser la gouvernance et le modèle économique de nos industries d’armement.

Reprendre l’initiative pour la paix. Avec la LPM, Emmanuel Macron parle d’avoir « une guerre d’avance », mais ne risquons-nous pas d’avoir toujours « une paix de retard » ? La diplomatie française doit être replacée au premier plan, au service de la désescalade, de la paix, du désarmement, et d’une approche multidimensionnelle des enjeux de sécurité et de développement. En Ukraine, en Afrique, au Moyen-Orient, que faisons-nous pour reconstruire des chemins durables pour la paix ? Reprendrons-nous enfin l’initiative contre la militarisation et le surarmement actuel ?

Voter 413 milliards de crédits militaires sans avoir ces débats avec le pays ne serait pas sérieux. Menons partout ces débats au grand jour, sans tabous ni interdits ! Nos choix de Défense ont besoin de redevenir l’affaire des citoyens. »

 

Signataires : « Steve Chailloux, député (Tavini huiraatira) de Polynésie, membre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale ; Michelle Gréaume, sénatrice (PC) du Nord, membre de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ; Pierre Laurent, sénateur (PC) de Paris, vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ; Jean-Paul Lecoq, député (PC) de Seine-Maritime, vice-président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; Tematai Le Gayic, député (Tavini huiraatira) de Polynésie, membre de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; Fabien Roussel, député (PC) du Nord, membre de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale. »

 

Une tribune parue dans Le Monde, le 16 mai 2022 : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/16/defense-voter-413-milliards-de-credits-militaires-sans-avoir-de-debats-avec-le-pays-ce-ne-serait-pas-serieux_6173573_3232.html

Évacuation du Soudan des ressortissants étrangers et rôle des entreprises de sécurité privée

Il y a 7 mois, le 3 mai 2023

Par Pierre Laurent

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur l’évacuation du Soudan des ressortissants étrangers en général ainsi que des Français et des ressortissants de l’Union européenne (UE), en particulier. Les opérations d’évacuation des ressortissants se fondent sur les devoirs de protection des États vis-à-vis de leurs citoyens. […]

GARDONS LE CONTACT

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur l’évacuation du Soudan des ressortissants étrangers en général ainsi que des Français et des ressortissants de l’Union européenne (UE), en particulier. Les opérations d’évacuation des ressortissants se fondent sur les devoirs de protection des États vis-à-vis de leurs citoyens.

Au Soudan la situation s’est dramatiquement dégradée avec des centaines de morts et des milliers de blessées résultant d’un conflit entre factions militaires. Ce conflit est très dommageable pour l’évolution démocratique de ce grand pays d’Afrique. L’opération « Sagittaire » y a été déclenchée par la France. Celle-ci a utilisé des moyens humains et matériels de la base militaire française à Djibouti pour évacuer 538 personnes de 40 nationalités dont 209 Français.

Nonobstant le fait que les opérations d’évacuation de ressortissants sont par nature étatiques, le journal Ouest-France du 24 avril 2023 révèle que des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) dirigés par des Français comme Comya Group, Algiz Security et Lafayette Praetorian sont également à l’œuvre au Soudan pour participer à l’évacuation de clients de leurs prestations. Ces EMSP sont spécialisées dans la sécurité rapprochée et les services de protection privée pour les entreprises. Il est à noter vient que selon cet article Comya Group vient de renforcer son équipe en envoyant deux anciens officiers de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour superviser les opérations d’évacuation demandées par des clients privés. Il est également à noter que l’autre société évoquée dans l’article, Algiz Security a été fondée en 2015 par un ancien légionnaire et « a déployé ses équipes en Ukraine lors du début de la guerre, d’Odessa à Marioupol, en passant par le Donbass. »

Tout cela reflète le fait que depuis la fin de la guerre froide le recours aux EMSP a explosé. Tout cela reflète aussi que face à la dégradation importante des relations internationales le recours et l’opportunité du recours aux EMSP apparaissent de plus en plus problématiques notamment du fait qu’il s’agit d’une privatisation de missions habituellement propres à l’État comme les évacuations de ressortissants par exemple. Il l’avait souligné lors de sa question écrite n°00036 du 7 juillet 2022. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères dans sa réponse du 20 octobre 2022 lui avait assuré notamment que « les entreprises de sécurité privées françaises ne peuvent être autorisées à assurer des missions régaliennes. »

Compte tenu de tous ces éléments, il lui demande si l’action évoquée plus haut des EMSP précitées n’est pas en contradiction avec l’esprit et la lettre de la doctrine des opérations d’évacuation des ressortissants et avec la réponse à la question écrite n° 00036. Il lui demande combien de ressortissants français et de ressortissants de l’UE résidant au Soudan ont été concernés par des actions d’EMSP, dont celles précitées. Il lui demande enfin quelles sont les missions de ces EMSP au Soudan et quelles sont leurs interactions avec l’État français.

 

Question écrite n°06625 : https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/les-questions-au-gouvernement/les-questions-ecrites/article/les-entreprises-de-securite-privees-ne-devraient-pas-etre-autorisees-a-assurer

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