Climat : démocratie, transformations et révolutions

Il y a 1 an, le 24 février 2022

Par Pierre Laurent

Le mot de Pierre Laurent :
Quelques mois après la COP 26, on a le sentiment qu’une fois de plus « rien n’a changé ». Qu’en est-il réellement ? Quels sont les leviers pour préserver le climat dans les années à venir ? Autour de quel projet de société ? J’ai posé la question à Hervé Bramy, militant communiste, spécialiste des enjeux politiques liés à l’écologie et au climat.

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Climat : démocratie, transformations et révolutions

par Hervé Bramy*

 

15°C, le 15 février 2022 en région parisienne. Une évidence s’impose. Les hivers sont de moins en moins froids et les étés de plus en plus chauds. C’est une tendance, selon toutes les organisations scientifiques. Cela devrait suffire à une prise de conscience générale, en tout premier lieu des chefs d’États de la planète.

Or le bilan de la COP 26 est désolant. Pourquoi ne parviennent-ils pas à agir à la hauteur des défis ? Ils sont pourtant les mieux informés et documentés. Quelles sont donc les raisons de leur quasi-inaction climatique ? S’agit-il toujours d’un déni face à une réalité pourtant avérée par les travaux des scientifiques?

Dans le camp libéral, pour les plus climato-sceptiques d’entre eux, leur déni est une sorte de faire-valoir au service de leur politique économique afin de défendre, d’abord, les intérêts économiques actuels de leur nation au détriment du reste du monde. On peut les classer souvent parmi les nationalistes et identitaires.

D’autres rechignent à la tâche, retardent un engagement vers une transition écologique et énergétique qu’ils savent incontournable. Cependant ils contournent l’obstacle afin de maintenir l’ordre économique libéral dont ils dépendent.

Pour le camp progressiste et humaniste, face à l’ampleur des mesures à prendre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C en 2100, on préfère parler de transformations. Des transformations co-élaborées avec la participation du plus grand nombre pour tendre vers une autre civilisation qui laisse toute sa place au progrès. C’est, avouons-le, un chemin difficile qui ne peut s’appréhender sans une réelle appropriation par la société de ces « révolutions à venir »

 

***

Comme dans les grandes capitales occidentales, les dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Glasgow le 6 novembre dernier ont tenté, malgré une pluie battante, de peser de toutes leurs forces sur le contenu des négociations de la COP 26. Rien n’y a fait. Le poids des lobbies des énergies fossiles – on en a recensé 500 présents dans l’enceinte des négociations, associés aux pays producteurs, ont douché tout espoir d’avancées majeures dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Un mois plus tard, l’ensemble des intervenants au panel climat du 5ème Forum européen organisé par le Parti de la gauche européenne à Bruxelles l’ont confirmé : le bilan de la COP 26 est décevant ! Certes, le président de la COP 26 a cherché à « maintenir en vie » l’objectif des 1,5°C mais à l’issue des débats, les engagements sont très loin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales de 45 % d’ici 2030, comme préconisé par les scientifiques.

Ainsi selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), en 2020 la concentration de CO2 s’est établie à 413,2 ppm1 (parties par million) soit une progression de 49 % par rapport à l’ère préindustrielle (278 ppm). Selon les études du Global Carbon Project, les émissions pourraient même bondir de 4,3 % en 2021… Confirmation : l’année 2021 est classée parmi les sept années les plus chaudes selon l’OMM.

Rien ne semble donc arrêter la course vers l’abîme vers lequel nous conduisent les grands pays producteurs et exportateurs2 de combustibles fossiles. Selon les Nations unies pour l’environnement, les gouvernements de ces pays prévoient de produire en 2030, une quantité de fossiles plus de deux fois supérieure à celle qu’impose la limitation du réchauffement de la planète à 1,5°C.

 

100% du réchauffement climatique est dû aux activités humaines. C’est un fait aujourd’hui établi, sans équivoque. Rappelons que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le 9 août 2021 son 6ème rapport (en attendant son nouveau rapport à paraître à la fin février). L’appel lancé à cette occasion par les scientifiques n’a pas été entendu des chefs d’États dans l’enceinte du Scottish Event Campus à Glasgow. Pourtant le rapport proclamait l’urgence d’agir. « L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique et l’état actuel de nombreux aspects du système climatique sont sans précédent, sur plusieurs milliers d’années3».

Pourtant, le GIEC laisse entrouverte la porte d’un avenir meilleur :

– Si nous atteignons la neutralité carbone (c’est à dire : ne pas émettre plus de CO² que ce qui peut être absorbé par les terres, les forêts, les océans…), le réchauffement climatique devrait s’arrêter. C’est une donnée du rapport exprimée avec plus de certitude que dans le précédent rapport.

– De nombreux changements dus aux émissions passées et futures de GES sont irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires, notamment les changements dans les océans, les calottes glaciaires et le niveau global des mers. Cependant, certains changements pourront être ralentis et certains arrêtés en limitant le réchauffement climatique.

 

Où en sommes-nous concrètement à l’issue de la COP 26 ?

La COP 26 à Glasgow a réuni 196 pays. Le compromis obtenu est le reflet des insuffisances de l’Accord de Paris, qui ne comporte aucune contrainte. Le Pacte de Glasgow reflète également l’inaction des chefs d’États puisque très peu d’entre eux ont augmenté leur contribution nationale à la réduction des émissions de GES. C’est pourquoi le texte appelle à « réviser et renforcer » dès 2022 à Charm el-Cheik, en Égypte, les objectifs. Selon les scientifiques, après la COP 26 nous sommes sur une pente de 2,7°C de réchauffement de la planète.

Ce résultat est frustrant pour toutes les forces progressistes (partis, syndicats, ONG, citoyens des pays occidentaux…) mais il l’est énormément plus pour les nations et les peuples les plus exposés, situés au Sud. C’est en effet au Sud, là où les effets se font le plus durement sentir que les populations souffrent le plus du réchauffement climatique. Or ces pays sont vraiment très peu responsables de la situation, en comparaison des pays riches et industrialisés, bien que ces derniers en subissent aussi les conséquences comme on l’a vu l’été dernier (inondations, sécheresses, incendies, dômes de chaleur, montée des océans, pandémies, destruction de puits de carbone…).

Ainsi l’engagement des pays riches et industrialisés de verser 100 milliards de dollars par an décidé à Copenhague en 2009, réaffirmé à Paris en 2015, n’a pas été atteint à Glasgow. A peine 80 milliards ont été versés, constitués pour beaucoup de prêts (ce qui renforcera, au final, la dette des pays en développement). Par ailleurs, leur affectation ne couvre que 20 % des besoins d’adaptation. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) les besoins des pays du Sud sont de 5 à 10 fois supérieurs aux financements proposés. Ces besoins sont estimés – selon des fourchettes hautes – à 300 milliards de dollars d’ici à 2030 puis de 500 milliards d’ici à 2050. Pour le GIEC, il faudrait consacrer de 1 à 2 % du PIB mondial pour agir concrètement. Fabien Roussel, le candidat présenté par le PCF, prévoit d’y consacrer 140 milliards d’euros par an, alimentés par des fond publics et privés.

 

Énergies fossiles : une avancée inédite

Pour la première fois de l’histoire des COP, un texte international évoque la nécessaire réduction des énergies fossiles dont le charbon. Aussi curieux que cela puisse paraître, les pays pétroliers ont toujours refusé de voir mentionner le terme « fossiles » dans les textes. Pour ces derniers, les COP doivent traiter uniquement les conséquences du réchauffement climatique pas les causes de celui-ci. Or les changements climatiques sont la conséquence de l’utilisation principalement du gaz, du charbon et du pétrole. L’amendement soumis, à la dernière minute, par l’Inde et la Chine a affaibli brutalement cette partie du texte. Ainsi le vote a consacré la formule « diminution progressive » en lieu et place de « disparition progressive ». Le président de la COP, le britannique Alok Sharma, s’est dit « profondément désolé »…

 

Quelques engagements non contraignants décidés en marge de la COP :

– 100 pays se sont engagés à réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici à 2030 (gaz très impactant mais qui disparaît plus rapidement que le CO2)

– 180 pays ont décidé d’enrayer la déforestation d’ici à 2030

– 39 pays, dont finalement la France, proclament mettre fin aux financements de projets d’exploitation d’énergies fossiles sans technique de capture de CO2, alors que dans le même temps 25 des principales banques européennes dont la BNP Paribas ont fourni encore 55 milliards de dollars4 à des entreprises qui développent la production de pétrole et de gaz en 2021.

– 32 États, régions, villes et industriels proposent la fin du véhicule à moteur thermique d’ici 2040

– Une dizaine de pays proposent de mettre fin à l’exploitation pétrolière et gazière

 

Pacte Vert européen : révolution ou greenwashing ?

Lors de la présentation du Pacte Vert européen5, si le Parlement a contraint la Commission à rehausser l’objectif de réduction des GES de l’UE pour 2030 à -55%, Ursula Von Der Layen, sa présidente, a pour sa part, déclaré : « ce qui est bon pour le climat est bon pour le business ».

En aucun cas, les principes du marché capitaliste tournés vers la satisfaction des profits ne sont mis en cause. On peut craindre les conséquences des règles du Pacte vert sur l’emploi et le pouvoir d’achat des Européens, déjà lourdement pénalisés par les hausses des coûts de l’énergie privatisée et cotée en bourse en lieu et place d’une gestion publique.

D’autant que le 14 juillet dernier, la Commission a rendu public un paquet de 12 mesures regroupées sous l’intitulé « Fit-for-55 » qui vont de la révision de directives libérales à la fin de la voiture à moteur thermique en 2035, ou encore à la mise en place de nouveaux outils dont des marchés carbone supplémentaires dans le transport et le bâtiment.

 

Les marchés carbone

La COP 26 a eu pour mission de finaliser la boîte à outils de l’Accord de Paris. Il s’agissait d’harmoniser les annonces de réduction des GES par pays, de définir une fréquence et un calendrier commun, de décider les modalités du calcul du bilan de leur action… bref de gagner en transparence, en particulier pour éviter les doubles comptages liés aux marchés carbone. Il faudra attendre encore 2023 pour que cela soit le cas.

Les règles sur les mécanismes de marché carbone constituent un fort sujet de blocage en raison de leurs modalités techniques complexes, à forts enjeux politiques et économiques. Le recours aux règles du marché carbone permettent d’échanger entre pays des réductions d’émissions à l’aide de quotas alloués à une entreprise ou un pays.

Nous savons, par expérience, que le marché carbone européen (système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre EU- ETS, selon son acronyme anglais) a montré son inefficacité. Sur l’European Energy Exchange (EEX), la bourse européenne du carbone, la tonne de CO² se négocie actuellement aux alentours de 58 €, contre 17 € il y a deux ans.

En tant que progressistes nous ne sommes pas convaincus que les règles du marché soient de nature à répondre aux problèmes posés, car ils privilégient toujours les profits des actionnaires. En fait en Europe, les marchés carbone sont de véritables droits à polluer. C’est un échec avéré. La réforme engagée en 2019 est-elle de nature à rendre enfin le système efficace ?

 

Comment accélérer la sortie des énergies fossiles ? Quel contenu donner à une transition juste ?

Le 4 novembre dernier, plusieurs chefs d’États et de gouvernement6 ont cosigné une « Déclaration sur la transition internationale juste ». Il s’agit de placer, au cœur des processus des transformations industrielles rendues nécessaires par de nouvelles modalités de production et de consommation, les enjeux de la préservation de l’emploi, les intérêts sociaux des salariés comme des citoyens. En Europe, ce sujet trouve sa réalité avec la Déclaration de Silésie/Katowice en 2018, intégrée au Pacte vert européen en 2019.

La Confédération européenne des syndicats précise le concept : avancer vers une conciliation de la lutte contre le dérèglement climatique et de la réduction des inégalités sociales autour d’emplois dit « verts » et du slogan « pas d’emplois sur une planète morte ».

Les progressistes doivent impérativement investir ce champ, car encore une fois on peut légitimement douter de la bonne volonté des libéraux européens. Se rapprocher des salariés et des syndicats des filières concernées (automobile, mines de charbon etc..) est déterminant pour l’avenir d’une Europe de justice sociale et écologique. Nous sommes au cœur des enjeux de classe.

Selon une enquête de l’Institut Paul Delouvrier7 parmi une série d’actions que les Français seraient prêts à adopter trois d’entre elles se détachent : une proportion de 91 % se déclare ou se dit prêt sans problème à trier systématiquement les déchets, 80 % pour privilégier les fruits et légumes locaux et de saison même si cela réduit son choix et 79 % pour ne plus prendre de bain et raccourcir la durée de ses douches.

Actions notables mais très éloignées des enjeux auxquels nous devons faire face. Très distantes également des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat. Le 24 août dernier le gouvernement a publié la loi Climat et Résilience en conclusion des travaux de la convention citoyenne et après de passionnants débats au Parlement. Un texte important, qui comporte pas moins de 300 articles mais très en-deçà de l’urgence et des préconisations des participants à la Convention citoyenne.

Jean-Luc Fugit, député LREM, membre de la commission du développement durable et président du Conseil national de l’air, résume assez bien l’état d’esprit du président Macron : « Avec ce texte, nous rendons possible la mise en œuvre des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat. Bien sûr, toutes n’y figurent pas pour une raison simple : les propositions s’attachent à réformer la société dans son ensemble, sous différentes formes…».

 

Pas de transition écologique efficace sans un large de débat de société

Préserver en 2100 1,5°C de réchauffement de l’atmosphère nous oblige à penser autrement le développement de nos sociétés et à concevoir différemment nos vies. Réduire drastiquement l’utilisation du charbon, du gaz et du pétrole ne sera pas sans conséquences. Prenons quelques exemples.

 

La voiture

La voiture à moteur thermique devrait ne plus être produite en France en 2040. La Commission européenne dans son programme « Fit-for-55 » préconise 2035. Le secteur des transports représente 31 % des émissions de GES (la voiture individuelle plus de la moitie avec 53%) contre 19 % chacun pour les secteurs de l’agriculture et de l’industrie.

Or la voiture est devenue depuis l’après-guerre un objet de masse, incarnant la liberté de déplacement… si bien qu’aucun des candidats à l’élection présidentielle, pas même Les Verts, n’ose affronter de front la fin de l’usage de la voiture. C’est également un fleuron industriel français indéniable. « Aujourd’hui, 85 % des foyers disposent au moins d’un véhicule, et c’est surtout un bien indispensable pour deux tiers d’entre eux, qui vivent notamment en zones périurbaines et rurales8 ». Son remplacement par une voiture électrique pose un ensemble de problème, entre autres :

– son coût (20 000€ pour une entrée de gamme) ;

– le devenir des salariés et des sites industriels de production de véhicules à moteur thermique, compte tenu du fait qu’un véhicule électrique contient cinq fois moins de pièces. Les économistes évaluent la perte d’emplois à 100 000 sur environ 280 000 que compte actuellement la filière (constructeurs, équipementiers…)

Faut-il, comme le propose la Convention citoyenne sur le climat (CCC), que d’ici 2030 la voiture individuelle ne soit plus le mode de transport privilégié pour les trajets domicile-travail ?

Cela peut sans doute s’envisager dans les grandes métropoles avec une offre de transports en commun de qualité, sûrs et tendant vers la gratuité. L’expérience en région parisienne du RER B qui transporte 900 000 passagers chaque jour, en progression de 2 % par an, est particulièrement décourageante de ce point de vue-là. Est-il utile de préciser qu’il est urgent d’augmenter les investissements pour que les voyageurs retrouvent leur sérénité, avec des trains qui arrivent à l’heure ? De plus, l’instauration des zones à faible émission (ZFE) est vécue par les foyers à faibles revenus comme une véritable punition liée à leur statut social. C’est inacceptable! Le candidat du PCF propose une prime de 10 000 € versée par l’État à ces foyers pour l’acquisition d’un véhicule d’occasion répondant aux normes.

Mais qu’en est-il des habitants des zones péri-urbaines ou rurales pour lesquels l’offre de transport en commun est inexistante ? Les modes de déplacement alternatifs envisagés tel le vélo, le vélo électrique ou même le covoiturage, bien qu’ils doivent être encouragés, sont-ils vraiment de nature à répondre aux besoins ?

 

La mode vestimentaire

Selon Le Monde du 1er février, la production de vêtements provient encore majoritairement d’une industrie très carbonée. La chaîne actuelle de production dépend, en très grande partie, de la Chine, premier atelier textile du monde alimenté par des énergies fossiles au demeurant très énergivores.

Fabriquer en France réduirait par deux l’empreinte carbone de l’habillement. Cependant nous sommes confrontés à un handicap majeur : la filière industrielle est sinistrée ! De plus, les consommateurs sont avant tout guidés par le prix. Pour 41 % des français, il est le premier critère d’achat d’un vêtement selon l’Institut français de la mode contre seulement 4% pour ses spécificités éthiques ou écologiques.

Est-il possible d’inverser cette tendance ? Comment et à quel prix social pour les salariés, et économique pour les consommateurs dont le pouvoir d’achat est rogné ?

 

L’énergie et son mix

Alors qu’il est convenu qu’il est incontournable de réduire drastiquement l’utilisation du pétrole, on apprend que depuis le début de la pandémie de la Covid-19, plus de 300 milliards de dollars de nouveaux fonds ont été orientés vers des activités liées aux combustibles fossiles au détriment des énergies non carbonées9. En mai 2021, l’Agence internationale de l’énergie préconisait de cesser toute nouvelle exploration de gisements pétroliers et gaziers, annonçant « une tâche monumentale » pour atténuer le réchauffement climatique. Parmi les pistes que l’organisation internationale cite : « l’efficacité énergétique et les changements de comportement ».

Une fois cela dit, tout reste à faire. Pour un propriétaire qui vient de changer sa chaudière au fioul pour une au gaz, pour celui qui envisage la rénovation thermique de son bien, tout cela pèse financièrement très lourd. On comprend aisément l’éco-anxiété dont témoigne un grand nombre de jeunes qui se considèrent abandonnés face aux défis des dérèglements climatiques. Leurs parents ne sont pas moins inquiets ; si bien qu’une partie d’entre eux a envahi les ronds-points en 2018. Le point de départ de la mobilisation des Gilets Jaunes s’est formalisé avec l’annonce de l’instauration de la taxe carbone tandis que le prix de l’essence ne cessait d’augmenter. L’action de ces derniers a été comprise et soutenue par une majorité de la population. Bien sûr va-ton me rétorquer, il existe des aides financières de l’État. Mais franchement de qui se fiche-t-on ?

Avec d’autres, principalement les communistes, je milite depuis bien longtemps pour la constitution d’un mix énergétique 100% public et 100% décarboné, constitué d’énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique…) et de nucléaire avec des mesures de sûreté renforcée y compris au plan international et une gestion du risque maîtrisée y compris pour les déchets… La recherche publique, fondamentale et appliquée doit être soutenue avec beaucoup plus de détermination. Soulignons, selon une enquête récente, que le soutien de l’opinion publique au nucléaire est passé de 45 % à 53 % en quelques années. Pour autant, cela continue de faire débat d’autant que la Commission européenne oblige le Parlement comme le Conseil de l’Europe de statuer sur l’entrée avec le gaz du nucléaire comme énergies de transition au sein de la taxonomie verte.

 

Il n’y a aucun espoir pour les peuples avec le capitalisme vert

Les atteintes au climat et à la biodiversité, leurs conséquences, y compris en Europe, pour la vie du plus grand nombre appellent un changement de civilisation. La situation appelle donc de profonds changements structurels et culturels individuels et collectifs tout aussi déterminants. Sans un développement de la démocratie, rien ne se fera à la hauteur des enjeux. Car on ne pourra bâtir un nouveau monde avec les recettes de l’ancien. Tant que la finance dominera l’économie, tant qu’un réel partage des richesses ne sera pas imposé et que le monde des communs n’émergera pas, nous vivrons une époque de grands dangers pour l’humanité et la planète. L’intervention des peuples est urgente. Elle doit devenir massive.

 

*Hervé Bramy est membre du PCF, auteur de La biodiversité à l’heure de la Covid (Éditions de l’Humanité, 2021)

 

 

Notes :

1 : Les taux de concentration en CO² ainsi que d’autres gaz à effets de serre sont souvent exprimés en parties par million. En revanche, les quantités émises sont formulées en milliard de tonnes.

2 : Australie, Brésil, Canada, Chine, Allemagne, Inde, Indonésie, Mexique, Norvège, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Émirats Arabes Unis, Royaume-Uni, États-Unis

3 : Extrait du 6ème rapport du GIEC, août 2021

4 : Source : l’ONG ShareAction

5 : Lire l’analyse du Pacte Vert par le Parti de la gauche Européenne : https://www.european-left.org/campaigns/alternatives-to-the-capitalist-green-deal-in-europe/

6 : L’Italie, le Royaume-Uni étant coorganisateurs, mais aussi la France, la Commission européenne et les États-Unis

7 : En lien avec le groupe Caisse des dépôts et Kantar, deuxième baromètre mesurant l’attitude des Français sur les sujets de l’environnement et du changement climatique

8 : Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’IFOP et coauteur de La France sous nos yeux (Éditions du Seuil)

9 : Source : Nations Unies pour l’Environnement

Liberté d’expression en Côte d’Ivoire : des dérives inquiétantes

Il y a 1 semaine, le 15 mars 2023

Par Pierre Laurent

Que ce soit la tentative de bâillonner Pulchérie Gbalet, présidente de l’ONG Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI), ou les récentes peines de prison prononcées à l’encontre de docteurs non intégrés et de militants du PPA-CI, les autorités ivoiriennes font à nouveau feu de tout bois pour s’en prendre aux libertés de ses citoyens. J’ai attiré l’attention de la Ministre des Affaires Étrangères à ce sujet.

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M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur les dernières évolutions de la situation concernant la liberté d’expression en Côte d’Ivoire.

En réponse à sa question écrite n° 01673 du 21/07/2022 sur les prisonniers d’opinion en Côte d’Ivoire, le Ministère a affirmé que la France entretient « un dialogue étroit avec les autorités ivoiriennes sur les questions relatives aux droits de l’Homme et à l’État de droit y compris la justice et les libertés publiques. » Or, malgré ce dialogue étroit que les autorités françaises mentionnent, la situation se dégrade.

Ainsi, par exemple, lors d’une manifestation pacifique du collectif des docteurs non-recrutés le 21 décembre 2022, 45 des manifestants docteurs ont été arrêtés, incarcérés et condamnés le 28 décembre à six mois de prison avec sursis. En outre, le 24 février 2023, environ trente militants et dirigeants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) qui accompagnaient pacifiquement le secrétaire général de leur parti devant les locaux du palais de justice en signe de soutien et solidarité ont été gazés, interpellés, et 27 d’entre eux placés en garde à vue. Sur les 27 manifestants arrêtés, 26 furent condamnés le 9 mars à deux ans de prison pour flagrant délit « de troubles à l’ordre public » par l’intermédiaire d’un attroupement sans aucune violence. Le 27e acquitté et libéré était le seul à ne pas être membre du PPA-CI.

Toutes ces dérives inquiètent fortement les militants politiques et les défenseurs des libertés. Outre les points évoqués dans la question n° 01673, il lui demande ce qu’elle compte faire dans l’immédiat en vue de se saisir des évènements précités pour faire part aux autorités ivoiriennes de ses préoccupations en la matière.

 

Rendre accessibles financièrement les jeux Olympiques pour les habitants des quartiers populaires

Il y a 2 semaines, le 14 mars 2023

Par Pierre Laurent

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques sur la vente des billets pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Alors que le comité d’organisation des jeux Olympiques (COJO) s’était engagé à rendre accessible financièrement cet événement, cet objectif est loin d’être atteint et ce pour […]

GARDONS LE CONTACT

M. Pierre Laurent attire l’attention de Mme la Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques sur la vente des billets pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Alors que le comité d’organisation des jeux Olympiques (COJO) s’était engagé à rendre accessible financièrement cet événement, cet objectif est loin d’être atteint et ce pour plusieurs raisons :

– la jauge d’achat fixée à 30 billets par personne a conduit à un achat massif par des particuliers pouvant donner lieu à de la revente et de la spéculation ;

– la totalité des billets d’un montant inférieur ou égal à 50 euros ont été achetés la première semaine du tirage ;

– les billets pour plus de 15 disciplines sportives ont été épuisés en moins d’une semaine ;

– les billets restants oscillent entre 65 et 250 euros en moyenne ;

– le système de pack, qui oblige à acheter au moins trois billets, rend impossible l’accès à cet événement pour les classes populaires.

Cet état de fait empêche une grande partie de la jeunesse issue des quartiers populaires, y compris de la capitale, d’accéder aux Jeux Olympiques. Pour toutes ces raisons, il lui demande ce qu’elle compte faire pour qu’en concertation avec tous les acteurs concernés, dont la Ville de Paris et le département de Seine-Saint-Denis, des billets à titre gratuit bénéficient aux habitants des quartiers populaires, aux associations partenaires et également aux fédérations et clubs sportifs.

Il lui demande également ce qu’elle compte faire pour que le COJO revoie le dispositif actuel, afin que le prochain tirage au sort en mai 2023 se passe dans les meilleures conditions possibles.

 

Hommage à Martine Durlach

Il y a 2 semaines, le 9 mars 2023

Par Pierre Laurent

Ce 9 mars avec de nombreux élus et citoyens de Paris, avec la famille et les proches de Martine Durlach, nous avons eu l’honneur d’assister à l’inauguration de la place qui désormais portera son nom, dans le 19ème arrondissement de Paris. À cette occasion, j’ai pu prononcer ce discours pour rappeler qui était Martine et quels étaient ses engagements pour Paris et les Parisiens.

GARDONS LE CONTACT

Madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo,

Monsieur le Maire du 19ème arrondissement, cher François Dagnaud,

Mesdames et Messieurs les Maires-adjoints de la ville,

Cher Bertrand Delanoë,

Chers Jean-François et Gabriel,

 

C’est avec beaucoup d’émotion et une grande fierté que je prends la parole pour honorer la mémoire de Martine Durlach, au nom de la direction nationale du Parti communiste français et des communistes parisiens. Je salue d’ailleurs la présence d’Adrien Tiberti, secrétaire de notre fédération. Fierté de participer avec vous toutes et tous, à inscrire son nom sur cette place, au cœur d’un quartier populaire qu’elle aimait, et qui m’est particulièrement cher.

Permettez-moi pour commencer une petite remarque personnelle. J’ai foulé cette place depuis toujours. Mes parents habitaient au bout de la rue Fessart, tout près des Buttes-Chaumont. J’allais à l’école rue de Palestine, à la maternelle et juste derrière, ma grand-mère habitait rue Olivier-Métra, en face. J’ai donc toujours traversé cette place. J’habite à deux pas d’ici, je continue de le faire tous les jours. Et savoir que cette place, qui m’est si familière va désormais s’appeler Martine Durlach, me remplit de joie.

C’est une juste reconnaissance pour cette femme remarquable, cette militante et cette élue toute sa vie au premier rang des combats progressistes, féministes, démocratiques et sociaux. Je remercie la Mairie de Paris d’avoir très vite, après la disparition de Martine, accepté le principe de cette inscription sur cette place. Et je remercie Jean-François et Gabriel de m’avoir demandé d’y prendre la parole aujourd’hui.

Nous attendions avec impatience cette inauguration. Elle a été un peu reportée, par le Covid ; comme, si je puis dire, un clin d’œil à la maladie d’une manière générale, avec laquelle et contre laquelle Martine a vécu toute sa vie. Mais finalement, le hasard faisant parfois bien les choses, c’est un beau pied-de-nez que d’inaugurer cette place au lendemain de deux énormes mobilisations populaires qui ressemblent tant à ce qui faisait les engagements de Martine.

En ce moment, le pays tout entier dit non à la réforme des retraites, pour que personne ne se voit privé de deux belles années de retraite. Martine n’a pas pu connaître la retraite. Mais elle a connu dans sa chair la valeur du temps, du temps qui manque pour profiter de la vie. Du temps libre, du temps de l’émancipation, elle qui savait si bien transformer tous les temps de la vie militante en moments de joie, de convivialité, de culture, d’humour, de chansons et d’amour.

Et puis nous sommes également au lendemain du 8 mars, en ces temps où le mouvement féministe a pris un nouvel essor, une nouvelle jeunesse. Et tout cela aurait vraiment rempli de bonheur Martine, elle qui n’a jamais désespéré d’un monde meilleur et qui a toujours cultivé sa confiance dans les capacités populaires à ouvrir la voie à une société de justice et d’égalité.

Je vis, comme vous le savez en ce moment, un peu enfermé dans un hémicycle, où je passe quelques jours et quelques nuits – et ce n’est pas fini – pour combattre des ministres et une droite sénatoriale qui, enfermés dans leurs dogmes réactionnaires contre l’immense majorité de notre peuple, tentent de faire reculer nos droits sociaux. Alors, cette inauguration, c’est pour moi en quelque sorte, une petite bouffée d’oxygène. Une bouffée d’oxygène qui nous permet en quelque sorte de respirer l’air de la vraie vie, ce qui manque tant dans l’hémicycle. Celle des souffrances et des espoirs des classes populaires. Et en le faisant, en pensant à Martine et à tous ses combats.

Martine a adhéré au Parti communiste français en 1970, avec cette génération qui, dans la foulée de mai-juin 68, allait faire du Parti communiste une force motrice et majeure des combats unitaires qui conduirait à nouveau la gauche au pouvoir. Une génération communiste qui a su aussi ouvrir la voie à de nouvelles conceptions communistes, plaçant la démocratie au cœur de tout notre projet. Dégageant notre projet de conceptions dépassées, faisant entrer de plain pied le communisme dans le XXIᵉ siècle.

Entrée au comité central en 1987, devenue secrétaire de la Fédération de Paris en 1995 et le restera jusqu’en 2001, succédant dans cette fonction à Henri Malberg, qui a lui aussi une place pas très loin d’ici. Membre du bureau national de notre parti pendant de nombreuses années, elle a joué un rôle essentiel pour ancrer la réflexion et l’action communiste dans les nouveaux enjeux contemporains, et sa mémoire nous est pour cela aussi tellement utile aujourd’hui.

Jeune membre du comité fédéral parisien quand elle en était la première secrétaire, je reste marqué par sa précision, sa créativité, son intelligence des situations politiques, son humanité, sa passion pour le rassemblement, des communistes d’abord, mais des forces progressistes et populaires partout à Paris et dans le pays. Et bien sûr, marqué par sa légendaire bonne humeur, avec laquelle elle conduisait tout son travail politique.

Martine a été une actrice majeure de la reconquête par la gauche parisienne. Après avoir dirigé la section du Parti communiste du quatrième arrondissement, elle est venue habiter dans le 19ᵉ avec Jean-François en 1980. C’est là qu’elle est devenue conseillère d’arrondissement en 1989, conseillère de Paris en 1995. Elle joua alors un rôle de premier plan pour la construction de la bataille unitaire de la gauche pour reconquérir Paris en 2001, avec Bertrand Delanoë.

Dans le 19ᵉ, elle a fait ses armes aux côtés de Paul Laurent, permettez-moi de l’évoquer. Et elle en a pris la relève quand il est décédé, trop tôt, en 1990. Je peux témoigner de la confiance que Paul avait en Martine. Il savait qu’elle serait une grande dirigeant communiste, et il ne s’était pas trompé. Il en était d’autant plus heureux qu’il partageait avec Martine un sens de l’humour aiguisé, et cette devise « qu’un communiste triste, est un bien triste communiste ». Nous savions tous que Martine a lutté toute sa vie contre la maladie génétique qui la rongeait. Mais jamais cela n’entamait sa joie de vivre, c’était même son antidote. Et nous étions tellement reconnaissants de nous faire partager ses éclats de rire permanents.

Martine a consacré sa vie d’élue parisienne à en faire une ville pour tous. Elle a mis autant d’énergie à faire revenir le cinéma au 19ᵉ puisque quand elle est arrivée dans le 19ᵉ, elle a constaté qu’il n’y avait plus un seul cinéma dans cet arrondissement. Tous les cinémas avaient fermé les uns après les autres. Elle a pris la tête d’une bataille mémorable pour le retour du cinéma dans Paris, qui a débouché sur la création des MK2 quai de Seine, et quai de Loire, qui est aujourd’hui un des plus grands lieux du cinéma à Paris.

Mais elle mettait autant d’énergie à faire revenir le cinéma et la culture qu’à se consacrer à la politique de la ville dans les quartiers populaires. D’abord comme maire adjoint à la politique de la ville aux côtés de Bertrand Delanoë de 2001 à 2008, et ensuite à la tête de la mission sur les jeunes filles dans les quartiers populaires que lui avait confié Bertrand Delanoë quand elle a quitté, trop affaiblie, ses mandats. Ce rapport est d’ailleurs d’une incroyable actualité, en ces temps de revendications sociales et féministes. Jean-François nous rappelait hier dans son rapport, par exemple, la recommandation d’une campagne de vaccination des jeunes filles des quartiers populaires contre le papillomavirus. On voit qu’il y a des gens qui découvrent aujourd’hui l’utilité de cette campagne, Martine la recommandait il y a des années déjà.

Je pourrais évidemment parler encore très longtemps de Martine. Au moment de terminer ce propos, je ne peux m’empêcher que trotte dans ma tête la voix de Martine qui aimait tant chanter. Je voudrais dire, pour finir, aux habitant·es du 19e arrondissement, qu’ils ont beaucoup de chance et peuvent être très fiers de cette place Martine-Durlach.

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Non à l’augmentation des péages d’autoroute !

Il y a 1 mois, le 13 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce week-end encore, la France du travail toute entière s’est mobilisée pour défendre le droit à une retraite digne pour toutes et tous. Jeudi prochain, la mobilisation s’annonce de nouveau monstre. Dans la réforme que le Gouvernement persiste à vouloir imposer contre le pays en obligeant à travailler jusqu’à 64 ans minimum, les gros actionnaires […]

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Ce week-end encore, la France du travail toute entière s’est mobilisée pour défendre le droit à une retraite digne pour toutes et tous. Jeudi prochain, la mobilisation s’annonce de nouveau monstre. Dans la réforme que le Gouvernement persiste à vouloir imposer contre le pays en obligeant à travailler jusqu’à 64 ans minimum, les gros actionnaires ne cotiseraient pas un centime de plus pour financer les retraites.

Comme si ce scandale ne suffisait pas, le Gouvernement continue par ailleurs à gaver ces gros actionnaires. Il vient en effet d’autoriser une hausse moyenne de 4,75 % des péages d’autoroute au 1er février ! Or tout le monde le sait – un rapport sénatorial et la proposition de loi communiste pour la renationalisation des autoroutes l’ont clairement établi – les sociétés privées d’autoroute, au premier rang desquels Vinci et Eiffage, engrangent des profits colossaux depuis les privatisations des années 2000.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’État avait tiré de ces concessions 14,8 milliards d’euros. Une somme amortie dès 2014 par les actionnaires, qui rien que sur l’année 2016 ont perçu 4,7 milliards d’euros !

D’après le Canard Enchaîné du 25 janvier dernier, un rapport commandé par le ministère de l’Économie en 2020 établirait la « rentabilité très supérieure à l’attendu » dont bénéficient Vinci et Eiffage ; un rapport que Bruno Le Maire a tenté d’enterrer, d’autant qu’il recommandait la baisse de 60% des tarifs.

Leurs dividendes scandaleux, les sociétés d’autoroute les accumulent en étranglant le pouvoir d’achat des Français, déjà en grande souffrance à cause des prix de l’énergie, de l’alimentation, des carburants. Total vient d’ailleurs d’annoncer le bénéfice le plus important de son histoire pour 2022.

 

Au moment où le pays souffre tant, les péages n’auraient jamais dû augmenter : réclamons en urgence le blocage des tarifs !

Hommage à Sadek Hadjerès

Il y a 1 mois, le 10 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce jeudi 9 février à Malakoff, j’ai eu l’honneur de participer à un bel hommage rendu à Sadek Hadjerès, figure historique du communisme algérien, engagé toute sa vie durant contre les oppressions. Sadek, qui a passé les dernières décennies en France, nous a quitté à l’automne dernier. Voici l’intervention prononcée à cette occasion, rappelant en quelques mots qui était Sadek Hadjerès et l’ampleur de ses combats pour un monde plus juste, une Algérie libre, démocratique et en paix.

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Chers camarades et ami·es, de France et d’Algérie,

 

Je suis très honoré d’être présent aujourd’hui à vos côtés, pour rendre hommage à une grande figure du communisme algérien.

Nous avons en effet été très attristés d’apprendre, le 3 novembre dernier, le décès de notre camarade Sadek Hadjerès. Je salue l’initiative de la municipalité, de la maire Jacqueline Belhomme, des communistes de Malakoff, qui ont permis, avec d’autres, la tenue de cette soirée.

Je suis très touché de passer ce moment en compagnie de ma camarade Aliki Papadomichelaki, qui a été la compagne de Sadek et avec qui nous avons pu partager des combats communs en Grèce.

Rendre hommage à Sadek Hadjerès, c’est évoquer un véritable monument de l’histoire politique et sociale, un acteur de premier plan de toutes les luttes qui ont forgé depuis près d’un siècle la nation algérienne.

Né le 13 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen, en Kabylie, Sadek est fils et petit-fils d’instituteur. Nourri d’une culture kabyle et pacifiste, il est confronté très jeunes aux brutalités coloniales. Après de brillantes études à l’université d’Alger, et parallèlement à un engagement politique et social déjà intense, il est diplômé de médecine en 1953.

Membre du Parti du Peuple Algérien (PPA) dès 1944, il le quitte en raison de désaccords sur la question berbère. Rétif à toute forme de sectarisme et de communautarisme, Sadek s’est toujours opposé à la conception  d’une Algérie réduite à l’identité arabo-musulmane.

Tout comme il s’est courageusement distancé, dès les années 1950, de la conception stalinienne de la nationalité.

Au contraire, Sadek a défendu tout au long de sa vie sa vision d’une future nation algérienne plurielle, ouverte à la diversité, fondée sur la citoyenneté civile et politique.

A la fin de l’année 1950, il adhère au Parti Communiste Algérien, dans lequel il acquiert rapidement des responsabilités. Il côtoie alors des figures telles que Fernand Iveton, Henri Maillot ou Henri Alleg. Membre du Comité Central en 1952, il dirige la revue Progrès qui jouit d’un puissant rayonnement intellectuel.

Après l’insurrection de 1954 et durant la guerre d’indépendance, il est aux côtés de Bachir Hadj-Ali à la direction du PCA. Tous deux approuvent la création de groupes de combat communistes.

Il entre en négociation, dans des conditions difficiles, avec le FLN qui refuse alors de reconnaître la présence des communistes en tant que Parti. Le démantèlement des maquis rouges conduit de nombreux communistes à intégrer l’Armée de Libération Nationale. Lors de la « Bataille d’Alger », Sadek est qualifié de « médecin pyromane » et est condamné par contumace à 20 ans de travaux forcés.

Entré dans la clandestinité après l’interdiction du PCA en 1955, dont il ne sortira qu’au moment de l’indépendance, Sadek déploie une intense activité de propagande (tracts, journaux) mais aussi de nombreux travaux intellectuels. Il fera un examen critique des retards du PCF dans l’engagement national, textes qui seront publiés dans les Cahiers du Communisme en 1958. Tout cela comptera pour faire évoluer l’appréhension des luttes coloniales par le parti communiste français.

Après l’indépendance, le PCA est à nouveau interdit en novembre 1962, mais toléré. Sadek se trouve alors en liberté provisoire.

Après le coup d’État de Boumediene en 1965, Sadek replonge dans la clandestinité pour 24 ans. Il est traqué par la police et l’armée alors qu’il poursuit, sans relâche, ses activités militantes. Après l’arrestation de Bachir Hadj-Ali, il reprend l’organisation clandestine des communistes dans le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS).

Il sort de la clandestinité en 1989 avec la proclamation du pluralisme politique. Un an après, il quitte son poste de secrétaire du PAGS pour se retirer en France.

Il demeurera jusqu’à la fin de ses jours un observateur attentif de la vie politique algérienne, et a d’ailleurs fortement soutenu dès 2019 le mouvement populaire du Hirak, se réjouissant de son pacifisme.

En juillet 2021, il l’évoquait d’ailleurs en ces termes :

« Dans le monde d’aujourd’hui miné par des risques planétaires communs, un atout important pour les forces de progrès et de paix en Algérie et en France, réside dans l’attachement aux valeurs stratégiques et universalistes portées par le rassemblement pacifique et indépendantiste du Hirak : l’exercice des Droits de l’Homme dans toutes leurs expressions, de l’État de droit appuyé sur la souveraineté populaire et enfin d’un système de relations internationales fondées non sur des critères identitaires, purement idéologiques mais sur un nouvel ordre international régi par la prise en compte des intérêts communs concrets des couches populaires et des États sur les deux rives de la Méditerranée. »

 

Sadek Hadjerès, qui a traversé toutes les tempêtes du siècle dernier, n’a jamais perdu espoir dans le siècle à venir, dans la perspective d’une Algérie libre, démocratique et en paix.

Figure de l’histoire algérienne, Sadek a vu sa lucidité, son courage et son abnégation, sa fidélité à ses convictions saluées par toutes les forces progressistes algériennes.

Nous en faisons de même aujourd’hui, et nous inclinons respectueusement devant sa mémoire.

 

Je vous remercie.

 

 

Seul le prononcé fait foi

Guerre en Ukraine : mon intervention au Sénat

Il y a 2 mois, le 7 février 2023

Par Pierre Laurent

Ce mardi 7 février, le Sénat a examiné une proposition de résolution « exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine ». Je suis intervenu pour exprimer la position des Sénatrices et Sénateurs de mon groupe, en faveur de la désescalade mutuelle et de la paix !

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La résolution que nous discutons arrive à un moment crucial pour l’avenir du conflit et pour celui de la paix mondiale. Hier le secrétaire général  de l’ONU s’est alarmé, je le cite, que le monde se dirige « les yeux grands ouverts » vers une « guerre plus large encore », mettant en garde contre « les risques d’escalade ». Allons-nous entendre, chers collègues, cette mise en garde ?

Il y a un an, l’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine a plongé dans l’horreur le peuple ukrainien, et signé le retour d’une guerre inhumaine au cœur de l’Europe.

Le bilan est d’ores et déjà effroyable : probablement plus de 300 000 victimes, tuées ou blessées, un pays durablement meurtri, des millions de réfugiés et de déplacés internes.

Vladimir Poutine croyait gagner la guerre en un éclair. La résistance de l’Ukraine, aidée par la France et l’OTAN, a changé la donne. Face à cette résistance qu’il n’attendait pas, Vladimir Poutine a choisi le pire : toujours plus de guerres, de crimes, de destructions, de violations des droits humains, d’enrôlements forcés de jeunes russes, sans compter le chantage plusieurs fois brandi de la menace nucléaire. Ce choix du pire a provoqué en riposte un armement massif de l’Ukraine.

Un an plus tard, malgré cet effrayant bilan, des moyens colossaux engagés de part et d’autre, et une ligne de front globalement figée depuis des mois, la guerre ne s’apaise pas, mais semble au contraire à l’aube d’une nouvelle escalade. Et cela en dépit du constat dressé par le général Mark Milley, chef d’état-major des armées des États-Unis le 9 novembre 2022, estimant : « il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire n’est probablement pas réalisable par des moyens militaires », et qu’il faut donc « se tourner vers d’autres moyens ».

J’entends aussitôt la critique : admettre ce constat, ce serait être indifférent au drame ukrainien, ou pire se montrer complice de Vladimir Poutine. Le Président de la République lui-même, Emmanuel Macron, a été confronté à cette accusation larvée, quand il a tenté de maintenir ouverte la porte d’une négociation, sommé alors de rentrer dans le rang des partisans de l’escalade guerrière.

Non, chers collègues, affirmer notre soutien à l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, dénoncer les crimes de Vladimir Poutine, exiger le retrait des troupes russes et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, aider militairement et humanitairement l’Ukraine à se défendre et à protéger sa population, c’est indispensable comme nous le disons depuis le premier jour de la guerre. Mais cela doit aller de pair avec l’impératif de prévenir une guerre généralisée et avec une mobilisation internationale de tous les instants pour stopper le conflit, pour explorer toutes les voies capables de remettre les belligérants à la table des négociations en vue du retour à la paix et à la sécurité mutuelle.

Abandonner l’objectif de la paix au seul profit de l’escalade militaire, c’est abdiquer devant la perspective d’une guerre longue et durable,  toujours plus destructrice, une guerre aux limites inconnues, chaque jour plus proche d’un basculement aux conséquences incalculables.

Ce travail est urgentissime, chers collègues. Ne voyons-nous pas s’accumuler les vents mauvais d’une guerre toujours plus large ? La Russie ne recule devant rien pour envoyer la jeunesse russe à la boucherie. Face à lui, le surarmement des pays de l’OTAN s’accélère dans des proportions inédites. Les ventes d’armes à l’international des États-Unis ont dépassé les 200 milliards de dollars, inondant l’Europe d’armes toujours plus sophistiquées. Les dirigeants polonais, pas à proprement parler des figures de la démocratie, ont augmenté leur budget militaire de 9 milliards d’euros en 2015 à 97 milliards en 2023, à grands coups d’équipements américains. Les surenchères nationalistes et les réécritures de l’histoire se propagent partout et en tous sens, excitant les haines des peuples.

Ne voyons-nous rien de tout cela, des périls encourus ? Européens ayant traversé deux guerres mondiales, avons-nous perdu la mémoire ?

Voilà pourquoi, chers collègues, nous ne voterons pas la résolution qui nous est proposée. Elle énonce des rappels de principes que nous défendons nous-mêmes face à l’agression criminelle de la Russie. Mais elle ne propose face à ce drame qu’un seul chemin de fait : l’escalade militaire clairement revendiquée par l’auteur de cette proposition de résolution Claude Malhuret. C’est le sens de l’alinéa 31. Autrement dit, après les chars lourds porteurs d’obus à uranium appauvri, des avions de chasse, demain des missiles et à chaque cran nouveau des soldats formateurs de l’Otan directement engagés. La résolution donne le feu vert au franchissement futur de toutes les lignes rouges.

Et surtout, la résolution fait l’impasse sur tout appel à une initiative de négociations et de paix. Ce n’est pas un oubli, c’est un choix, celui de la guerre comme seul chemin possible, oubliant la leçon de tous les conflits récents.

Cette résolution est une occasion manquée, celle de faire rimer solidarité avec l’Ukraine et mobilisation pour une solution de  paix. C’est cette double exigence qu’exprimera notre vote contre.

 

La vidéo de l’intervention, à retrouver sur mon compte Facebook

Le texte de la proposition de résolution, à retrouver sur le site du Sénat

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