Bilan de la présidence française de l’Union Européenne

Il y a 11 mois, le 13 juillet 2022
Par Pierre Laurent
Hier face aux Ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes, j’ai dressé le piètre bilan de la présidence française de l’Union Européenne, occupée par Emmanuel Macron depuis six mois. J’ai rappelé les urgences sociales, écologiques et de paix auxquelles doit faire face le continent européen. Nous continuerons à nous battre sans relâche pour y répondre.
Paris, le 12 juillet 2022
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Mesdames les Ministres,
Chers Collègues,
Le choix d’assumer la présidence française en pleine campagne électorale était discutable, mais une fois fait cela aurait pu avoir du sens s’il s’était agi d’ouvrir un grand débat démocratique sur l’avenir de l’Union Européenne dans un moment historique tellement crucial.
Mais une fois encore, le débat n’a pas eu lieu. La non-campagne électorale du Président en France et une conférence sur l’avenir de l’Europe restée clandestine pour la grande majorité des Européens en ont scellé le sort.
C’est la guerre en Ukraine qui a tout bousculé, diront certains. C’est vrai, l’agression Russe a changé la donne, mais elle aurait dû renforcer l’exigence de refondation européenne, pour rebâtir la puissance d’avenir que revendiquait le président Macron en ces termes devant le Parlement européen, je cite : « une Europe apte à répondre aux défis climatiques, technologiques, numériques mais aussi géopolitiques ; une Europe indépendante en ce qu’elle se donne encore les moyens, de décider pour elle-même de son avenir, et de ne pas dépendre des choix des autres grandes puissances. »
Mais loin d’une puissance retrouvée par une autonomie stratégique reconstruite, l’Union européenne, toujours fracturée, sort plutôt de cette présidence en puissance passive, plus que jamais dépendante pour son devenir de l’action de puissances extérieures. Les États-Unis auront signé sous présidence française leur grand retour au cœur des choix européens.
Le président Macron promettait pour l’Europe autonomie stratégique et reconstructions des souverainetés. Or avant même le déclenchement de l’agression russe en Ukraine, il était déjà écrit que l’autonomie stratégique, promise dans la boussole stratégique, ne serait qu’un complément de l’OTAN.
Six mois plus tard, c’est en réalité le document stratégique de l’OTAN – dont vous n’avez même pas parlé une seule fois dans votre intervention Mme la Ministre – document stratégique de l’OTAN écrit à Madrid sous la dictée américaine, qui devient la doctrine européenne. Avec à la clé, d’immenses perspectives de ventes d’armes américaines sur le sol européen. Face à une guerre qui la menace au premier chef, l’Europe lie tout son sort à la politique américaine, guidée elle, par l’obsession de la confrontation avec la Chine. La voix de l’Europe s’aligne au moment où nous aurions au contraire besoin qu’elle s’affirme, et qu’elle affirme sa capacité d’initiative propre.
L’avenir énergétique de l’Europe est lui aussi en cause. Le gaz illustre par exemple un périlleux transfert de dépendance, du gaz russe au gaz naturel américain. C’est un mouvement qui s’était d’ailleurs amorcé avant la guerre d’Ukraine. Entre 2016 et 2021 les importations en Europe de gaz naturel liquéfié ont été multipliées par 20. Nous n’arrêterons pas là : 15 milliards de mètres cube de plus abreuveront l’Europe dès 2022 ; 50 milliards de plus par an jusqu’à la fin de la décennie. De quoi raviver les projets d’investissement américains massifs dans des terminaux méthaniers.
Or 80 % de la production américaine est issue du gaz de schiste. Un comble, au moment où nous parlons d’ambitionner la neutralité carbone en 2050. Sur 20 ans son pouvoir de réchauffement est 80 fois supérieur à celui du CO2.
Que dire encore de notre souveraineté alimentaire, et de l’énième accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, signé dans les derniers jours de la Présidence française. J’ai une question Madame la Ministre : le Parlement français, à l’instar du CETA, n’est-il là que pour constater les dégâts écologiques et économiques de cet accord, sans jamais pouvoir en discuter ?
Comme la couche d’ozone, le paquet climat européen commence à avoir vraiment beaucoup de trous. S’il continue d’afficher de grandes ambitions, la dimension « socialement juste » de la transition ne cesse de s’étioler au fil des discussions. Ainsi, la fin des immatriculations de véhicules thermiques et hybrides et l’instauration d’un marché carbone pour le transport routier et le chauffage, sont des bombes à retardement sociale et sociétale. Dans un contexte de prix de l’essence élevé, ce nouveau marché carbone aboutira de fait à une forme de « taxe carbone européenne », frappant sans distinction ménages et entreprises et risquant d’aggraver les précarités énergétiques et les fractures face au droit à la mobilité.
En effet, le Fonds social pour le Climat, qu’il aurait fallu dans ces conditions massivement renforcer, a été finalement plafonné à 59 milliards d’euros, sans cofinancement des États. La soutenabilité même des mutations de la production et des modes de vie est donc menacée.
Dans ces conditions, Madame la Ministre, je vous le demande : que compte faire la France pour demander la révision complète du marché européen de l’électricité, que le président de la République résumait de cette formule : « une forme d’impôt de l’extérieur qui vient par le gaz et l’électricité » ? Quand allons-nous sortir de ce système responsable d’une inflation particulièrement pénalisante ?
Une fois encore, l’Europe sociale est restée la grande oubliée. La directive sur le salaire minimum, car on parle enfin de salaire minimum en Europe, 60 ans après la création de l’UE, ne comporte aucune disposition contraignante. Le dumping social risque de rester dans ces conditions la règle en Europe. Les hauts revenus, eux, continueront de battre des records en toute indécence.
Ah oui, j’allais oublier, vous l’avez citée, une autre avancée sociale majeure sous présidence française : après dix ans de négociations, elle obligera à accorder au moins 40% des postes d’administrateurs dans les sociétés cotées en Bourse à des dirigeantes. Donc, l’égalité progresse… au CAC 40, c’est une bonne nouvelle.
En réalité l’Europe ne retrouve ni souffle, ni ambition pour son avenir, car elle ne conçoit sa souveraineté que comme un repli. Ainsi vient-elle, sous présidence française, d’enterrer l’esprit du pacte global pour la migration déposé il y a près de deux ans par la Commission européenne et qui prônait la notion de solidarité « obligatoire ».
Au contraire le texte final avalise le recul de nos valeurs d’accueil. Car les migrations ne sont vues que comme une menace. Même la crise ukrainienne ne nous aura pas aidé à réfléchir au fond sur l’avenir de cette question.
Toute la négociation aura été menée sous la pression du courrier indigne cosigné en octobre dernier par douze ministres de l’intérieur et adressé aux institutions européennes, qui appelaient aux rétablissements de murs financés par le budget de l’UE aux frontières de l’Union. L’accord obtenu resté dominé par le « partage du fardeau migratoire ».
La présidence française a subi les évènements et aura manqué à lancer les grands débats d’avenir.
J’aurai pu relever les premières avancées, réelles celles-là, vers la reconstruction d’une souveraineté numérique, au premier rang desquels les règlements DSA et DMA. Mais les révélations sur Uber noircissent sérieusement le tableau, car elles montrent au fond qu’on est loin d’en avoir fini de la connivence entre les pouvoirs politiques et les puissances d’argent, dont les GAFAM. A ce propos, l’Europe numérique ne peut se faire sur le dos des travailleurs des plateformes. Pourquoi Madame la Ministre, la France traîne les pieds sur le projet de directive qui permet de reconnaitre enfin la présomption de salariat, et de reconnaitre les droits attachés ?
Plus fondamentalement, le temps est venu de se préparer il faut le craindre, à une nouvelle crise financière, à la récession qui menace. Il faut dès lors rouvrir le débat sur la mobilisation des financements, d’investissements publics massifs alors qu’au contraire nous voyons revenir le refrain sur la dette et la compression des dépenses publiques.
Qu’est devenu le débat promis sur la révision du Pacte de stabilité ? Nous ne pourrons plus longtemps, Madame la Ministre, éviter d’affronter des choix politiques à même de dégager des perspectives de financements nécessaires.
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